Les développeurs ont la parole, Vol. 9 : The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom – Chapitre 5
24/05/2023
Certaines des images et vidéos présentées dans cette interview ont été créées lors du développement.
Chapitre 5 : si ça a l'air possible, c'est que ça doit l'être !
Vous avez dit que ce jeu allait offrir à chaque joueur une expérience différente. Avec un tel degré de liberté, certaines capacités risquent cependant d'être utilisées de façon contraire aux intentions des développeurs. Cela ne vous pose-t-il pas quelques inquiétudes ?
Fujibayashi :
Je ne me fais pas trop de souci pour ça. Les programmeurs ont veillé à ce qu'aucune des capacités ne puisse provoquer une erreur du côté du système, et la mécanique de jeu est conçue pour que les joueurs puissent librement créer et expérimenter ce qu'ils veulent. Nous serions donc plutôt contents que les joueurs nous surprennent avec des créations que nous n'avions absolument pas imaginées.
Dohta :
C'était déjà le cas dans le titre précédent, mais cette fois nous avons encore plus mis l'accent sur la création d'un jeu qui permette aux joueurs de faire ce dont ils ont envie, sans leur dicter la façon dont nous voulons les faire jouer.
Fujibayashi :
Parce que si nous définissons la manière dont les joueurs doivent jouer, cela finit par donner au jeu une structure de plus en plus linéaire. Nous avions par exemple un endroit avec des empilements de caisses qui ne pouvaient pas être déplacées. Nous avons finalement décidé d'autoriser leur déplacement, parce que nous savions que sinon nos joueurs seraient sûrement déçus de ne pas pouvoir les bouger. Par la suite, si des objets ne devaient pas pouvoir être manipulés par les joueurs, nos designers ont veillé à les entourer de cordes ou à les recouvrir d'une bâche pour montrer clairement que leur position était fixe. Nous avons consacré beaucoup d'attention à ce genre de détails.
Dohta :
À ce propos : nous avons aussi placé un couvercle sur chacune des jarres qui ne peuvent pas être cassées. (Rires) Plus vous jouez à un jeu et plus votre cerveau traite rapidement ce genre d'information, si bien qu'au bout d'un moment, il effectue automatiquement un tri de ce qui est un ennemi, ce qu'il ne faut pas toucher, et ce qui peut être ramassé. Dans les parties du jeu où les joueurs doivent en un coup d'œil prendre des décisions, nos designers ont fait du bon travail et instauré des règles et des indices qui à mon avis permettront aux joueurs de comprendre ce qu'ils doivent faire de façon intuitive, même sans explication.
Vous avez dit que dans la création de ce jeu, vous aviez mis l'accent sur le fait de permettre aux joueurs de faire tout ce dont ils avaient envie. Je me souviens que pour le titre précédent, les joueurs avaient déjà des façons de jouer très différentes les uns des autres. Vous arrive-t-il de regarder des vidéos de parties filmées par des joueurs ?
Aonuma :
Il y a eu des discussions à ce sujet au sein de l'équipe de développement. Si nous nous sommes fixé pour objectif de laisser aux joueurs la liberté de faire ce qu'ils voulaient dans ce jeu, c'est justement suite aux réactions des gens qui ont joué au titre précédent.
Takizawa :
Même si le titre précédent est déjà sorti depuis six ans, de nombreux fans continuent à publier des dessins, des commentaires et des vidéos sur les réseaux sociaux. Et quand on fait face à des difficultés au cours du développement, c'est exactement ce genre de choses qui redonnent de la motivation à nos équipes et leur font se dire : « Bon, montrons-leur de quoi on est capables ! » Je tiens à remercier tous nos fans pour leur soutien.
Fujibayashi :
Je suis tout à fait d'accord. Nos fans ont représenté une formidable source de motivation pendant le développement de ce jeu. Merci à toutes et à tous !
Tous :
(Acquiescements)
Aonuma :
J'ai vu que des fans disaient que les jeux The Legend of Zelda leur donnaient l'impression d'être les seuls joueurs à avoir réussi à résoudre telle ou telle énigme, et que c'était ce qui leur plaisait dans la série. Il me semble que laisser les joueurs trouver leur propre solution aux énigmes leur donne davantage ce sentiment que si nous les poussons à utiliser des solutions prédéfinies. En un sens, c'est une spécificité de la série, et je crois que c'est quelque chose que nous avons encore plus mis en avant dans ce titre.
Merci beaucoup. Je ressens toute la passion que vous mettez dans le développement tant de ce jeu que de la série en général. Maintenant, pour conclure cet entretien, pourriez-vous nous dire à quoi vous voudriez que les joueurs prêtent spécialement attention, à quoi vous avez consacré un effort particulier dans ce jeu ?
Wakai :
Pour moi, c'est le réalisme du jeu. Par exemple, la sensation de distance, quand un joueur s'éloigne d'une source de bruit : celui-ci devient de plus en plus lointain et diffus, en se fondant dans les autres bruits d'ambiance. Depuis le titre précédent, nous avons développé nos jeux avec la volonté d'offrir une expérience en son surround, dont on peut profiter pleinement avec un casque ou des haut-parleurs stéréo. Nous espérons que chacun remarquera ces détails. J'ai entendu certains membres de l'équipe de développement dire : « Rien que de rester flâner à côté de la mer, ça me détend… Je resterais là une éternité à écouter ce son... » (Rires) Nous espérons que vous prendrez plaisir à jouer et à trouver votre propre façon d'apprécier les sons de ce jeu, comme dans l'exemple que je viens de citer.
Takizawa :
En ce qui concerne le design et l'esthétique des éléments centraux de ce titre, tels que la nouvelle civilisation, les motifs ont été complètement redessinés par rapport à ceux du titre précédent, dont l'inspiration venait de la culture japonaise antique. En même temps, tous nos designers se sont efforcés de composer des visuels surnaturels complètement originaux, tout en recréant l'atmosphère mystérieuse qui a régné au Japon depuis les temps les plus anciens. Nous aimerions que vous preniez le temps d'apprécier votre aventure dans ce monde nouveau et différent, imprégné de cette énergie à la fois mystérieuse et vivifiante. Et que vous ayez envie d'explorer cette terre d'Hyrule, familière mais qui a pourtant changé depuis le jeu précédent, avec notamment son monde plus étendu. Sans oublier de découvrir les nouveaux personnages et ennemis, ainsi que la façon dont certains visages familiers ont évolué et mûri. Nous espérons enfin que vous apprécierez les diverses interactions avec toutes sortes d'éléments, en rapport avec ce thème des « mains » dont nous avons parlé au début de l'entretien.
Dohta :
Comme c'était le cas dans le jeu précédent, le scénario idéal à mon avis serait que des joueurs commencent à jouer au même moment et que, quand ils se retrouvent plus tard, ils s'aperçoivent qu'ils ne voient pas vraiment de quoi parlent les autres, parce que chacun d'entre eux vit une aventure totalement différente. Même s'ils s'amusent avec le même jeu, ils prennent des itinéraires différents, font des choses différentes chacun à leur manière, et quand ils se demandent mutuellement où ils en sont, ils découvrent tous quelque chose de nouveau dans la partie des autres. J'espère que ce jeu donnera à nouveau des conversations entre joueurs du style « Tiens, je savais pas qu'il y avait ça, dans le jeu ! » ou « Ça alors, j'ai jamais vu cet endroit ! »
Fujibayashi :
Dans les premières phases du développement de ce titre, nous avons reçu des commentaires de fans disant qu'ils aimeraient bien pouvoir tout oublier de The Legend of Zelda: Breath of the Wild, pour y rejouer comme si c'était la première fois. Ce sentiment qu'on éprouve quand le jeu commence, que le monde s'ouvre à vous, cet instant où vous vous lancez dans une aventure épique, les rencontres avec de puissants ennemis et cette joie quand vous arrivez à la fin du jeu... Dans The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom, nous avons fait tout notre possible pour que les joueurs puissent revivre ces sensations tout aussi intensément que dans les titres précédents, si ce n'est plus. Je suis certain que les fans pourront retrouver le même plaisir, et j'espère que les joueurs ont tous très envie de voir ça.
Pour terminer, M. Aonuma, avez-vous un mot à ajouter pour les fans ?
Aonuma :
Je ne saurais pas dire combien de fois j'ai joué à ce jeu pendant son débogage (8)… J'ai dû y jouer une vingtaine de fois du début à la fin, et je dois dire qu'il est d'autant plus amusant qu'on prend le temps de faire des détours. C'est encore plus vrai cette fois que dans le jeu précédent. Quand je testais le jeu, il m'a parfois fallu foncer pour terminer une histoire, et ensuite, quand je commençais à partir sur des itinéraires secondaires, je m'apercevais tout à coup que j'étais en train de découvrir... un jeu totalement différent ! (Rires) Certains de ces moments de découverte m'ont poussé à me demander : « Tiens, est-ce qu'on peut faire ça, à ce moment du jeu ? » Rien que pour la capacité à fixer des choses entre elles, il y a tellement de combinaisons possibles que même moi, je ne les connais pas toutes. J'ai encore découvert une toute nouvelle possibilité l'autre jour, pendant que nous réalisions la vidéo de présentation du jeu. Alors il vous faudra sans doute du temps, mais si vous pensez à faire des détours et à expérimenter un peu tout ce que vous pouvez faire à un moment donné, je crois que vous arriverez à trouver votre voie dans ce jeu, pour en profiter pleinement à votre façon. Ne cherchez pas à atteindre la fin le plus vite possible ! (Rires) Personnellement, j'ai terminé le jeu à de nombreuses reprises, et je ne me suis pas ennuyé une seule fois. Je vous en donne ma parole !
(8) Procédé qui consiste à jouer à la version de développement d'un titre dans une optique d'assurance-qualité et pour identifier les problèmes qui peuvent survenir.