Pour ce qui est de la composition de l’équipe pour produire ce jeu, comment les différentes tâches étaient-elles réparties entre les membres de LEVEL-5 et Capcom ?
En gros, LEVEL-5 était en charge de la programmation et Capcom de la direction artistique. Chaque société était chargée d’une partie de l’histoire et de la musique.
Oh là ! D’habitude, une partie supervise tout. Je trouve intéressant que vous ayez travaillé ensemble sur l’histoire et la musique.
La musique pour la partie Professeur Layton et pour la partie Ace Attorney ont été créées séparément, mais se rejoignent à certains moments car chaque équipe a utilisé ce qu’elle pouvait des compositions de l’autre.
Autre problème auquel nous avons dû faire face : les programmeurs travaillaient au siège de LEVEL-5 à Fukuoka, alors nous avons dû organiser de nombreuses réunions entre Tokyo, Osaka et Fukuoka. Et il y a eu quelques désaccords, n’est-ce pas, Takumi-san ?
Oui.
Qu’est-ce qui vous a le plus opposé ? Y a-t-il des sujets sur lesquels les deux parties refusaient de transiger ?
Comme vous pouvez l’imaginer, nous étions fortement attachés à nos personnages. Et il y a eu un désaccord au sujet des graphismes de Layton, par exemple.
Quand on m’a montré des images du jeu, je ne m’attendais pas à ce qu’elles me semblent si familières. Il ne s’agissait pas seulement de prendre les personnages des deux séries et de les mettre côte à côte. Cela a dû nécessiter beaucoup de travail et beaucoup d’efforts pour en arriver là, non ?
Il y a eu des moments difficiles, c’est vrai ! (rires) Les têtes et corps des personnages ont d’abord été plus grands, puis plus petits...
Il y a eu beaucoup d’ajustements, on dirait.
Si je peux me permettre, je pense que le Professeur Layton a été adapté au style d’Ace Attorney ! (rires)
(rires)
Layton fait environ quatre ou cinq têtes de haut, mais dans ce jeu il est beaucoup plus grand.
En fait, quand je regarde la série Layton maintenant, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose de différent chez lui...
Tout ceci me met mal à l’aise... (rires)
Eh bien, c’est parce que ça fait deux ans déjà que je n’ai d’yeux que pour le Layton de ce jeu ! (rires) Bien sûr, il est normal que ceux qui ont créé un personnage original soient assez exigeants à son propos. Il y a eu quelques désaccords, quand les membres de LEVEL-5 ont dit aux concepteurs de Capcom qu’ils n’allaient pas transiger au sujet du Professeur Layton. Mais nous avons pris notre temps et cherché des points sur lesquels nous étions d’accord. C’est ainsi que nous avons obtenu le Layton tel qu’il est aujourd’hui.
Je pense qu’il s’agit là de la base de la créativité. Pour donner un exemple qui n’a aucun rapport, il est entendu tacitement entre nous que le Professeur Layton ne montre pas l’intérieur de son chapeau et nous veillons toujours à arranger les scènes animées de sorte que cela n’arrive pas. Le processus de création artistique implique d’accorder beaucoup de temps et d’efforts aux détails.
Une même importance a été accordée aux personnages des deux sociétés dans le jeu, et aucune société n’a pu décider les choses unilatéralement. Cela a dû être vraiment difficile quand il s’agissait d’éléments sur lesquels vous ne vouliez pas transiger.
Oui. Nous avons aussi rencontré des difficultés avec les graphismes de la ville où se situe le jeu. Au départ, nous avions dit qu’elle devait avoir un côté « médiéval », mais il n’a pas été facile de formuler une définition précise. Je me demandais comment nous allions faire pour distinguer le Londres fantastique des jeux Layton originaux et Labyrinthia, le monde parallèle de ce jeu. Finalement, je crois que nous avons trouvé un équilibre délicat en gardant le côté réaliste, dans une certaine mesure, tout en ajoutant çà et là des éléments du fantastique.
Quand je regarde le produit fini, c’est un monde qui m’attire tout de suite car il semble complètement naturel.
Je suis heureux de vous entendre dire ça. Parfois, à force de travailler sur quelque chose, on n’arrive plus à émettre de jugements objectifs à ce sujet.
Et qu’en est-il des personnages qui peuplent la ville ? Ont-ils davantage été influencés par l’un des mondes des jeux originaux que par l’autre ?
Finalement, je crois que chaque personnage a été créé dans l’esprit de l’un des deux mondes. Nous voulions introduire une touche nouvelle, mais si les joueurs avaient l’impression de n’avoir jamais vu ces personnages auparavant, cela aurait nui à l’idée selon laquelle ce jeu résultait de la fusion de deux mondes de jeux...
C’est vraiment étrange. Je n’ai pas eu l’impression que la conception des personnages était influencée par l’un des mondes de jeu plutôt que par l’autre.
En fait, si vous regardez chaque personnage de près, il comporte des éléments qui indiquent quel monde de jeu son concepteur avait en tête. Cela étant dit, je pense qu’ils coexistent tous sans problème.
Ils se mêlent les uns aux autres ?
Oui, ils se mélangent, harmonieusement, mais ils mènent aussi des vies séparées. Cela étant dit, la nouvelle héroïne du jeu, Aria 15, est dans l’esprit Ace Attorney.15. Aria : jeune fille vivant à Labyrinthia. Elle se rend à Londres pour demander l’aide du Professeur Layton, puis est accusée de sorcellerie et demande à Phoenix Wright de la défendre.
Elle en a l’air, je suppose. (rires)
De même, certains personnages qui apparaissent pendant les procès ont des profils très intéressants. Pour moi, nombre d’entre eux donnent l’impression d’être issus de la fusion de Professeur Layton et d’Ace Attorney.
Je suppose que cette variété permet d’expliquer pourquoi le jeu ne semble pas trop se baser sur l’une ou l’autre des deux séries. Cela doit être très difficile de trouver le bon équilibre.
Vraiment, oui. En parler avec vous aujourd’hui m’a rappelé à quel point ça a été compliqué, mais je pense que c’est le directeur artistique pour qui cela a été le plus dur.
(rires)
Les graphismes n’étaient pas le seul problème. Nous avons aussi dû fusionner l’ambiance sonore des deux séries et nous avons fait beaucoup d’essais. Ce qui m’a surpris, c’est l’obsession de Takumi-san au sujet des voix.
Vraiment ?
Lors de la première séance studio, nous avons passé deux heures rien que pour enregistrer des répliques courtes du type « Objection ! » ou « Attendez ! » encore et encore. Même les personnes qui n’étaient là qu’en tant que spectateurs commençaient à s’agacer ! (rires)
En fait, les voix originales pour Ace Attorney avaient été réalisées par nous, l’équipe de développement. Après avoir enregistré une réplique 30 ou 40 fois, nous choisissions la meilleure. J’ai probablement appréhendé ces séances avec cette même sensibilité. J’en suis désolé...
Ainsi vous avez demandé le même nombre de variantes de la part des comédiens professionnels ? Cela a sûrement dû prendre du temps... (rires)
Oui. Mais nous savions que réunir deux jeux différents de deux sociétés différentes prendrait beaucoup de temps, à cause de choses comme ça.
Vous semblez avoir accepté dès le début l’idée que la création de ce jeu allait constituer un défi considérable, notamment à cause de « choses comme ça », Hino-san ! (rires) De votre point de vue, je suppose que travailler sur ce jeu était comme un rêve devenu réalité et vous avez dû vous dire que cela ne servait à rien de le faire si cela n’aboutissait à rien de neuf.
C’est ça.
En parlant de nouveauté, c’est la première fois que l’équipe de Capcom a dû relever le défi de transformer les personnages d’Ace Attorney de la 2D à la 3D, ou de créer des scènes animées. Nous avons donc passé un long moment rien qu’à chercher comment Phoenix pouvait être représenté en 3D.
Quand on voit le personnage que vous avez créé et la fluidité avec laquelle il bouge, il ne pourrait plus redevenir une création purement en 2D. Il est plutôt à son avantage.
C’est vrai. Une des choses que nous avons essayé de faire cette fois, c’est d’utiliser 3D parallax pour recréer l’ambiance oppressante de la salle d’audience et donner au joueur l’impression qu’il s’y trouve vraiment. Même si j’ai participé à la création de ce jeu, quand je joue ces scènes, je suis ému. Les scènes de la salle d’audience bénéficient d’une sorte d’intensité qui donne au joueur l’impression d’y être. En travaillant sur ce jeu, j’ai réalisé pour la première fois qu’il correspondait très bien à la Nintendo 3DS, et j’en suis très heureux.
Ainsi donc, vous avez fait des découvertes que l’on pourrait qualifier de nécessaires ou cruciales après avoir commencé à travailler sur le projet ?
Oui. Autre chose que j’aime beaucoup, c’est le paysage urbain que nous avons créé. La 3D stéréoscopique lui confère une vraie profondeur. Nous apprécions vraiment la 3D stéréoscopique, alors nous avons procédé à des ajustements constants pour la rendre encore plus belle. J’espère vraiment que les joueurs apprécient les graphismes en 3D de ce jeu.
L’utilisation de la 3D stéréoscopique semble vous avoir permis de créer un monde nouveau et vivant qui semble vraiment exister.
Vous savez, j’ai le sentiment que, à plusieurs égards, nous avons créé quelque chose d’épique.
En termes de volume aussi, c’est certainement épique. Le producteur de chez Capcom a dit que l’on pouvait jouer à ce jeu toujours et encore sans jamais l’avoir fini, dans le bon sens du terme, bien sûr.
Combien d’heures de gameplay vous pensez que ce jeu contient ?
J’ai appris qu’il y a déjà joué pendant 27 heures. Il semble qu’en jouant correctement, on peut compter 30 heures de gameplay.
Ce qui est assez exceptionnel pour un jeu de ce genre.
Dans la deuxième moitié de l’histoire, au moment où l’objectif du jeu devient clair, j’ai pensé que c’était peut-être trop, mais je me suis aussi dit que je ne pouvais pas faire marche arrière, et j’ai donc continué jusqu’à la fin !
(rires)
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