4. Des effets sonores saisissants

Iwata :

Je ne sais pas si on peut dire que c’est une tradition chez Nintendo, mais Miyamoto-san est très difficile sur la question des effets sonores. Il veut qu’ils soient parfaitement synchrones avec ce que le joueur ressent manette en main. J’ai été très surpris, la première fois qu’on m’a parlé de l’importance extrême qu’il accordait à la façon dont les effets sonores sont ressentis. Kondo-san, vous qui avez des années d’expérience sur ce point, vous avez sûrement des souvenirs dont vous pouvez nous faire part...

Kondo :
Iwata :

Ça a dû être frustrant, pour quelqu’un qui avait des compositions en tête.

Kondo :

Je me suis donc contenté des trois pistes de la Famicom pour la musique. Mais nous avons pu utiliser de nouvelles sources pour les cris des monstres et ainsi créer des effets sonores plus saisissants qu’ils ne l’avaient jamais été.

Iwata :

Super Mario Bros. est bien sûr célèbre pour sa musique, et pourtant, il suffit d’entendre un effet sonore de ce jeu pour savoir ce qu’il se passe : si Mario a grandi, s’il a eu le Champignon, s’il est en train de ramasser des pièces, et cætera. Réussir des effets qui aient une telle présence n’a pas dû être facile.

Kondo :

En effet. Avec si peu de mémoire, créer des effets qui aient un impact était un véritable défi.

Iwata Asks
Iwata :

A l’époque où nous travaillions sur la Famicom, les ingénieurs son disposaient de 1 à 1,5 kilo octets de mémoire, pas plus. Je m’en souviens parce que moi aussi, j’ai eu à écrire des programmes de son pour certains jeux.

Yokota :

C’est la taille d’un document texte ! (rires)

Tous :

(Rires)

Iwata :

Mais de nos jours, on peut utiliser énormément de données dans un jeu. Sur le plan sonore, il n’y a pour ainsi dire pas de limites. Sur Super Mario Galaxy, diriez-vous que ce sont les effets qui vous ont coûté le plus d’efforts ?

Kawamura :

Je dirais que c’est l’ensemble du son qui nous a coûté le plus d’efforts ! (rires) Mais cette fois, nous avons travaillé de manière à exploiter le haut-parleur intégré de la télécommande Wii, même si nous avons renoncé à l’utiliser de manière systématique. Au début, tous les sons sortaient par là, mais comme ils sortaient également du téléviseur, c’était superflu. Nous avons alors décidé de l’utiliser pour les actions de Mario seulement, par exemple lorsqu’il frappe un ennemi. Nous avons essayé de créer des sons que les joueurs puissent ressentir comme s’ils avaient effectué l’action eux-mêmes.

Iwata Asks
Iwata :

Avec la vibration de la télécommande Wii et le son qui sort d’entre vos mains, vous atteignez une nouvelle profondeur dans l’expérience interactive. Expliquez-moi comment vous avez exploité ce haut-parleur.

Kawamura :

Par exemple, lorsque Mario obtient un fragment d’étoile, vous entendez d’abord un son sortir du téléviseur, puis légèrement décalé, un autre son émis par le fragment d’étoile sort de la télécommande Wii.

Yokota :

En retardant volontairement l’arrivée du second son, vous donnez l’impression au joueur que le fragment d’étoile est sorti du téléviseur pour arriver dans ses mains. Il y a beaucoup d’éléments du jeu qui utilisent également la fonction vibration de la télécommande Wii, comme lorsque Mario est propulsé sur la planète suivante à l’aide de l’anneau étoile et qu’il assomme des Goombas. Nous avons créé des sons qui donnent envie d’agiter la télécommande Wii.

Iwata :

Mis à part les sons destinés au haut-parleur de la télécommande Wii, y a-t-il d’autres sons auxquels vous avez accordé une attention particulière ?

Kawamura :

J’ai soigné tous les détails de l’écran de sélection des fichiers. En outre, nous avons testé beaucoup de sons différents avant de trouver celui qui convenait lorsque Mario utilise

Video: l’étoile crampon

Je ne sais pas si on peut dire que c’est une tradition chez Nintendo, mais Miyamoto-san est très difficile sur la question des effets sonores. Il veut qu’ils soient parfaitement synchrones avec ce que le joueur ressent manette en main.
l’étoile crampon .

Kondo :

Ceux qui l’ont entendu l’ont apprécié. Il évoque l’espace et donne l’impression de flotter.

Kawamura :

Nous avons fait appel à un ingénieur professionnel qui a réglé la balance en effectuant le mixage final. En général, un processus comme celui-là ne prend pas plus d’une journée, mais il nous en a fallu trois. Tout en jouant, nous avons ajusté les morceaux un par un. Par exemple, pour mettre en valeur l’effet scintillant que vous entendez lorsque vous récupérez un fragment d’étoile, nous avons estompé les fréquences qui scintillaient dans la musique de fond de façon à ce que l’effet s’intègre mieux dans le jeu.

Yokota :

L’aspect sonore du jeu intéressait beaucoup de monde, à commencer par Miyamoto-san. C’est la raison pour laquelle nous avons pu tant travailler. Habituellement, l’équipe son a l’idée d’ajouter tel ou tel effet ça et là. Mais comme elle travaille sur le projet de façon isolée, elle n’a pas la possibilité de défendre la pertinence de ces ajouts auprès des autres équipes. Celles-ci ne saisissent pas l’importance des modifications en question et finissent par lui conseiller de passer à autre chose.

Iwata :

Il n’est pas rare d’entendre dire après une fête célébrant la fin d’un projet qu’on a oublié d’inviter l’équipe son ! (rires)

Tous :

(Eclat de rire)

Iwata Asks
Iwata :

Le fait que l’équipe son ait besoin de travailler enfermée dans un studio n’arrange pas les choses. Si les personnes au centre du projet ne s’intéressent pas véritablement au son, les ingénieurs qui travaillent dessus peuvent vraiment se sentir isolés.

Yokota :

Mais sur ce projet, Koizumi-san, le directeur, a parlé très concrètement du son.

Iwata :

Je pense que c’est une tradition parmi les disciples de Miyamoto-san. Il dit des choses du genre : « C’est l’action la plus importante, dans ce jeu, mais ce son lui donne un côté accessoire. » Avec tout ce que vous nous avez appris aujourd’hui, je suis sûr que nos lecteurs vont être beaucoup plus attentifs aux effets sonores. Ils sont là pour permettre au joueur d’entrer encore plus dans le jeu, mais leur importance n’est souvent pas aussi reconnue que celle de la musique.

Yokota :

Par le passé, j’avais envie de conseiller aux gens d’écouter la musique plutôt que les effets, mais ce n’est plus le cas. La réussite sonore de Super Mario Galaxy est née de la combinaison entre les effets et la musique.

Iwata :

Y a-t-il des sons que vous voudriez que les joueurs écoutent en particulier ?

Yokota :

Il ne faut pas que l’écoute perturbe l’expérience du jeu. Kondo-san se charge de vous chauffer les oreilles lorsque ça arrive ! (rires)

Iwata Asks
Kondo :

C’est parce que je connais l’importance des effets sonores.

Iwata :

Ce sont les séquelles de la privation de piste dont vous avez fait l’expérience à l’époque du Disk System ! (rires)Pour terminer cette conversation, j’aimerais vous demander de vous adresser aux joueurs.

Kondo :

Super Mario Galaxy est le premier Mario à posséder une bande-son orchestrale, et je pense que cela contribue à le rendre exceptionnel. J’espère que vous l’apprécierez.

Yokota :

J’étais responsable du son, étant fan des Mario, j’avoue avoir participé au réglage du niveau de difficulté en tant que simple employé.

Tous :

(Rires)

Iwata :

Si je m’attendais à ça ! (rires)

Yokota :

Je voulais simplement dire que j’espère que les joueurs apprécieront non seulement le son, mais l’ensemble du jeu.

Kawamura :

J’ai travaillé sur le design sonore en me disant que les joueurs devaient s’immerger naturellement dans le monde de Mario. J’ai également placé quelques petits jeux sonores de ci de là, et je suis sûr qu’ils vous feront sourire.

Iwata :

Laissons-leur le soin de les découvrir. Je vous remercie tous. Lors de la prochaine interview, je discuterai avec Miyamoto-san, dont le nom a déjà été mentionné au cours de nos conversations.