C’est un peu une digression, mais...
Assurément. (rires)
(parcourant le dossier placé devant lui) Après notre conversation autour de New Super Mario Bros. Wii pour « Iwata demande », j’ai voulu voir si ce que nous avions dit était juste.
Oh, vous avez déniché de vieux documents.
Voici le premier cahier des charges de Zelda.
Ouah ! Il porte le cachet personnel de Miyamoto-san !
Il s’intitule « Aventure ». Ces quelques pages ne parlent pas seulement de la structure générale de Zelda, mais aussi des objets et des ennemis.
La série Zelda a-t-elle d’abord été intitulée « Aventure » ?
Je pense que c’est « Mario Aventure » qui était écrit sur le dossier dans lequel se trouvait ce cahier des charges.
Il s’agit de Zelda mais c’est écrit « Mario Aventure » ?
C’était toujours écrit « Aventure », que ce soit pour « Mario » ou « Zelda ». En deuxième page sont mentionnés des objets : boussoles, arcs et flèches, boomerangs, et de l’or et de l’argent.
Génial...
La troisième page, intitulée « Ennemis », mentionne « Hakkai ». Je pense que c’est devenu Ganon. (NDLR : Hakkai vient très certainement du nom japonais « Chohakkai » (« Zhu Balie » en chinois), un personnage qui apparaît dans un roman chinois du XVIe siècle intitulé « Xi Yóu Jì » (« Saiyuki » en japonais). Il est en général représenté avec une tête de cochon. Cette histoire appartient à la culture populaire japonaise.)
Ganon, c’était Hakkai ?
Ici, c’est écrit « Bull Demon King ». Est-ce Ganon ? Et ensuite, il est écrit « pieuvre ». Il doit s’agir d’Octomar, non ? Ouah... Et « Eyeball », ça doit être Gohma.
Le petit carré en haut indique la taille des personnages.
Oh, il est de deux sur deux. Donc cet ennemi doit être de deux sur quatre. Il est indiqué comment le créer à partir de zéro.
Et des annotations indiquent si les éléments sont de petite, moyenne ou grande taille.
Tout était bien prévu dès le début.
J’imagine que le cahier des charges a été fait en pensant aux fonctionnalités, mais je suis tout de même surpris.
Ce cahier des charges a été écrit sur un tableau blanc.
Miyamoto-san a griffonné tout ça, puis nous avons copié.
Il est daté du 1er février 1985.
Voici les croquis qui ont ensuite été faits.
Ils sont datés du 13 février de la même année. Moins de deux semaines après que le cahier des charges ait été rédigé pour la première fois sur le tableau blanc.
C’est vrai.
Ouah, il y a même un piège tranchant !
Pour un premier jet, c’est plutôt complet. En aviez-vous parlé avant et développé des idées ?
Je pense que nous en discutions tous les trois au fur et à mesure que nous travaillions dessus...
Oui.
Nous écrivions une chose après l’autre, et voici le résultat.
Le cahier des charges initial a été rédigé en 1985, et aujourd’hui nous continuons de créer des jeux Zelda en nous basant sur ces mêmes spécifications.
C’est incroyable, non ?
Je me demande si ce n’est pas justement ce que l’on entend par l'« essence de Zelda ». (rires)
Cela ressemble assurément à un texte source. C’est sans aucun doute là que tout a commencé. Mais cela me donne l’impression de ne pas m’être échappé de la paume... (rires) (NDLR : il s’agit également d’une référence au roman « Xi Yóu Jì », où le protagoniste « Sun Wukong » (« Son Go Ku » en japonais) se retrouve dans l’incapacité de s’échapper de la paume de Bouddha, lui qui pensait avec arrogance y arriver.)
Est-ce que tout ce qui figure ici a été utilisé dans le premier jeu Zelda ? Je vois des choses dont je ne me rappelle pas.
Non, nous ne nous sommes pas servis de tout.
C’est ce que je pensais.
Nous y avons puisé des éléments pas mal de temps après.
Il y avait assez d’idées pour cinq ou dix ans, je dirais. Je suis surpris.
Et voici ce qui vient ensuite...
La dernière fois, nous avons parlé du fait que le premier jeu Zelda n’avait que des donjons. Voici la fiche de planification que nous avions alors rédigée pour l’écran de sélection des donjons. Elle est intitulée « Titre Aventure », ce qui veut dire que nous ne nous étions pas encore arrêtés sur The Legend of Zelda. Et voici la signature de Miyamoto-san.
Vous avez même ça ?!
Et voici la première carte du monde de Zelda.
À l’époque, nous avions de très longues feuilles de papier. Tezuka-san et Miyamoto-san s’asseyaient côte à côte pour dessiner.
C’est ce que nous faisions ?
Mais oui ! (rires) Vous, Tezuka-san, vous dessiniez sur le côté gauche, tandis que le côté droit revenait à Miyamoto-san. En y regardant de plus près, on voit la manière dont le marqueur a été utilisé pour faire des petits points. Là ce sont des rochers, et là des arbres. Et la personnalité de Miyamoto-san ressort bien. Au début, il fait les points un par un, mais lorsqu’il commence à en avoir assez, vers le haut, il ne remplit qu’une partie de l'espace !
Oui, les côtés gauche et droit ont bien une allure différente.
D’une manière ou d'une autre, ils sont vraiment différents.
Et ils ont dessiné tout ceci en une seule séance.
Oui.
Et comme il s’agit de marqueur, on ne peut rien effacer. C’est bluffant.
Non, nous disposions de liquide correcteur, donc ce n'était pas grave si nous nous trompions.
Vous n’auriez pas dû le dire, j’aurais continué à vous porter aux nues ! (rires)
Ça, c’est la personnalité de Tezuka-san. (rires)
Ah oui, je vois où le liquide correcteur a été utilisé.
Oui, là ! (rires)
Mais vous ne l’avez pas utilisé en beaucoup d’endroits. Globalement, c’est une bonne performance.
Les bois perdus sont là aussi.
Je suis vraiment ébahi. Notre discussion autour de New Super Mario Bros. Wii nous a permis de mettre à jour des documents d’archives ! (rires)
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