Entrevue avec les développeurs de Nintendo Labo, 1re partie : le concept
13/04/2018
Les développeurs, de gauche à droite : M. Sakaguchi, directeur de Nintendo Labo / À la tête de la partie logiciel, M. Kawamoto, directeur de la Nintendo Switch / Producteur de Nintendo Labo, M. Ogasawara, à la tête de la partie matériel de Nintendo Labo
Éditeur de Nintendo of Europe : je me tiens aujourd'hui en compagnie des développeurs de Nintendo Labo : M. Kawamoto, directeur de la Nintendo Switch et producteur de Nintendo Labo, M. Sakaguchi, directeur de Nintendo Labo, à la tête de la partie logiciel et M. Ogasawara, qui est à la tête de la partie matériel de Nintendo Labo. Cette entrevue se fera en deux temps, alors restez à l'écoute pour découvrir la 2e partie !
Un projet propre à la Nintendo Switch
Messieurs Kawamoto, Sakaguchi et Ogasawara, merci de m'accorder de votre temps. J'ai vraiment hâte de discuter de Nintendo Labo avec vous.
Merci à vous de nous accueillir.
Commençons par parler de la vidéo d'annonce de Nintendo Labo.
Le public a eu tout un tas de réactions différentes à cette annonce. Qu'avez-vous ressenti à ce moment-là ?
La réception a été incroyable et j'en suis ravi. Pour tout vous avouer, je ne sais pas ce que j'aurais fait si les gens s'étaient dit : "Mais qu'est-ce que c'est que ça ? C'est juste du carton !" Alors, heureusement que ça n'a pas été le cas et que les réactions ont été encore plus positives que je ne l'avais espéré.
Dans une séquence de la vidéo d'annonce, le couvercle du Piano Toy-Con était ouvert pour montrer qu'il n'y avait rien à l'intérieur.
Nous avons fait ce choix parce que je ne peux pas m'empêcher de trouver ça très intéressant que des sons sortent d'une création Toy-Con vide. Il n'y avait aucune explication dans la vidéo, alors j'ai eu peur que les gens soient déroutés par cette séquence. Mais au final, les réactions ont été très positives et ça m'a énormément soulagé.
Avant que l'annonce ne soit diffusée, j'avais hâte et peur à la fois. Nous avions évidemment tous le sentiment d'avoir créé quelque chose d'intéressant, mais nous savions aussi que c'était un produit unique et très particulier. Alors, j'ai été plus qu'agréablement surpris par les réactions du public.
Excellent. Maintenant, passons à la suite : d'où vous est venue l'idée de Nintendo Labo ? C'est une question plutôt banale, mais je me la pose depuis quelque temps, alors j'en profite maintenant.
Vous allez droit au but, pas vrai ?
J'ai toujours aimé réfléchir à des interfaces et j'ai toujours voulu créer des choses avec lesquelles on puisse interagir.
J'ai travaillé sur l'interface du menu HOME sur Nintendo 3DS, ainsi que sur le système de terrain, les commandes et l'interaction entre ces éléments sur le jeu Splatoon sur la console Wii U. Dans tous ces projets, il était question du rapport entre commandes et réponses. C'est un domaine dans lequel je prends du plaisir à travailler et je crois même que je suis plutôt doué.
Mais revenons-en à ce qui nous a donné l'idée de Nintendo Labo... Je voulais créer quelque chose de nouveau, tout en sachant qu'il existe déjà une immense variété de jeux vidéo à travers le monde. Au final, j'ai simplement voulu m'écarter de ce qui avait déjà été fait auparavant.
Nous avions déjà beaucoup réfléchi à comment créer quelque chose de facile à prendre en main et qui soit propre à la console Nintendo Switch et à ses manettes Joy-Con. J'ai suivi cette logique au maximum et ça a donné Nintendo Labo.
Donc l'idée vous est venue du fait que vous vouliez créer quelque chose de différent des autres jeux et qui soit propre à la Nintendo Switch ?
J'ai commencé par me demander ce qui différenciait les manettes Joy-Con des autres manettes de jeu. Au début, je me suis intéressé au fait que les deux manettes séparées pouvaient fonctionner de pair en tant qu'unité, mais c'est ce que nous avions déjà fait avec la télécommande Wii et le Nunchuk, alors ce n'était pas assez innovant. Ensuite, je me suis rendu compte à quel point le fait que les manettes Joy-Con puissent être partagées entre deux joueurs était quelque chose d'unique, mais je me suis ensuite rappelé que la Famicom d'origine proposait déjà cela, alors même si je trouve que c'est une fonctionnalité extraordinaire, ce n'était pas une innovation en soi.
Alors, j'ai continué à réfléchir aux manettes et à ce qui les rend si particulières et j'ai fini par me dire que c'était les capteurs. Les deux manettes en sont dotées.
En créant quelque chose où les deux Joy-Con soient connectés, nous allions pouvoir exploiter le différentiel entre leurs capteurs pour tout un tas de choses... et c'est là que tout a commencé.
Que voulez-vous dire par "exploiter le différentiel" ?
Par exemple, si vous avez une manette qui sert d'épée et une autre de bouclier, la relation entre les deux est additive, ce qui veut dire que chaque manette peut réaliser son action indépendamment de l'autre. En théorie, on pourrait donc n'utiliser qu'une manette et changer les commandes en appuyant sur un bouton. Mais là, on utilise les deux manettes pour contrôler quelque chose en exploitant la relation entre elles.
Le jeu de pêche que nous avons créé, par exemple, exploite ce "différentiel".
En connectant le Joy-Con droit à la poignée de la canne à pêche et le Joy-Con gauche au moulinet, cela nous permet d'utiliser la position de la poignée pour mesurer la rotation du moulinet.
En d'autres termes, si vous n'utilisiez que le Joy-Con gauche, vous ne pourriez pas faire la différence entre le mouvement de la canne à pêche et celui du moulinet. Mais en ajoutant le Joy-Con droit et en comparant la différence par rapport au capteur du Joy-Con gauche, cela fonctionne. Plus nous avons expérimenté et plus nous avons commencé à envisager les Joy-Con comme des paires de capteurs, ce qui nous a ouvert tout un tas de perspectives.
C'est vrai. Tout au long du développement, vous nous avez parlé de "paires de capteurs".
Oui. Je ne l'avais pas encore compris au début du processus, mais les Joy-Con sont des capteurs avant d'être des manettes.
Nous avions donc cette petite paire de capteurs et le matériel auquel elle se connecte : un design vraiment unique et que personne ne peut imiter. Ça a été notre avantage dans ce projet, mais pas le seul, car nous avons aussi la caméra infrarouge à détecteur de mouvements, pas vrai, Ogasawara-san ?
Ogasawara-san, en tant que responsable matériel, quelle a été votre implication dans ce projet ?
Avant de continuer à parler du projet Nintendo Labo, il serait peut-être utile de revenir rapidement sur la conception de la Nintendo Switch.
Nintendo Labo exploite la caméra infrarouge à détecteur de mouvements de plusieurs manières. J'ai supervisé le développement de cette caméra infrarouge quand nous avons décidé des spécificités matérielles des manettes Joy-Con.
Je vois. Vous avez donc collaboré à l'intégration d'un élément-clé exploité par Nintendo Labo.
Tout à fait. Quand nous concevions les manettes Joy-Con, nous ne savions pas encore exactement comment la caméra infrarouge serait utilisée. Donc j'ai dû imaginer tout un tas d'applications possibles, de concepts d'utilisation, que j'ai ensuite présentés à Kawamoto-san, le directeur de la Nintendo Switch.
C'est vrai. Et à l'époque, je n'aurais jamais imaginé que nous en ferions cet usage ! Pour concevoir la Nintendo Switch, nous avons organisé une multitude de sessions de brainstorming avec les développeurs du matériel et des logiciels. C'est à travers ces échanges d'idées que nous avons choisi le design final de la console. Nintendo Labo exploite à merveille les éléments de conception les plus uniques de la Nintendo Switch.
Les trois technologies les plus exploitées par Nintendo Labo sont les deux gyroscopes, la caméra infrarouge à détecteur de mouvements et la fonction de vibrations HD.
Un test de consommateurs révélateur
Nintendo Labo se différencie immédiatement des autres jeux, car l'utilisateur doit d'abord construire quelque chose, et cela n'est possible que sur Nintendo Switch. Mais comment s'y prend-on pour transformer une idée en produit fini ? Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez dû faire face ?
Au début, j'étais persuadé que ce serait facile.
(rires)
Je pensais que construire et réparer ces créations serait simple et flexible parce qu'il s'agissait de planches en carton étudiées à cet effet. Mais une fois que nous avons décidé qu'il n'y aurait besoin ni de ciseaux ni de colle pour assembler les créations Toy-Con, le projet s'est beaucoup compliqué.
Vous voulez dire qu'il n'y a besoin de rien à part ce qui est fourni dans les kits pour la construction ?
C'est exact. Nous avons pensé que ça pourrait être frustrant d'acheter un produit et de voir qu'on n'a pas tout sous la main pour le finaliser. Très frustrant même, alors nous avons pris cette décision.
Nous avons fait ce choix relativement tôt, car si des outils avaient été nécessaires, nous aurions dû les inclure dans les kits, mais plus nous réfléchissions, plus nous avions envie de partir sur un produit qui ne nécessite aucun outil.
C'est l'idée que des outils ne soient pas nécessaires qui a permis au concept de prendre forme. Une fois que nous avons eu des concepts préliminaires, nous avons organisé un test de consommateur aux États-Unis et à Tokyo. Mais ces tests se sont plutôt mal passés et ça a été... compliqué.
J'étais tellement déçu que je suis rentré à l'hôtel pour pleurer un bon coup.
Je vous jure ! J'étais tellement triste ! (rires)
(rires) Vous pensiez avoir créé quelque chose que tout le monde pourrait construire, mais ce n'était pas le cas ?
Oui, c'est à peu près ça. J'avais conscience que ça pourrait être compliqué pour certaines personnes, mais ça a été encore pire que je ne l'avais imaginé au niveau de la partie construction.
Ce qui m'inquiétait surtout, c'était que les gens pensaient avoir réalisé des constructions correctement, alors que c'était tout le contraire.
Ils pensent que c'était bien construit parce qu'ils l'avaient fait de leurs mains ?
Je me souviens d'un événement en particulier lors de cette session de test. Un enfant a dit : "Je n’ai eu aucun problème pour la construire, mais ce serait pas le cas pour un plus petit que moi". C'était agréable à entendre, mais sa Maison Toy-Con était complètement ratée.
C'est là que j'ai compris qu'il y avait un problème. Si les gens faisaient n'importe quoi sans s'en rendre compte, le produit serait mal compris et je voulais absolument éviter ça.
J'imagine que vous avez testé tout un tas de prototypes différents, mais à quel stade du développement en étiez-vous à ce moment-là ?
Nous pensions en être à la version finale.
Ah oui ? Ogasawara-san, c'est vous qui avez conçu les planches en carton, n'est-ce pas ? Qu'avez-vous pensé de ces retours ? J'imagine que c'était la première fois que vous travailliez sur la conception de planches en cartons.
Nous avions l'habitude de concevoir des packagings en carton, mais là, c'était une première pour moi de créer quelque chose en carton qui soit facile à assembler. Mais j'ai travaillé dur et les retours lors de ce test ont été un véritable choc pour moi ! (rires)
Sakaguchi-san a dit que ça l'avait fait pleurer, mais je vous assure que ça a aussi été très difficile du côté du développement matériel.
Ça m'a d'autant plus surpris que nous nous étions vraiment investis. Nous faisions souvent appel à des collègues qui ne connaissaient pas le projet pour voir comment ils allaient appréhender les Toy-Con et tout s'était bien passé. Donc avec les adultes, tout allait bien jusqu'à ce moment-là. Avant le test, je m'étais dit que 70 % à 80 % des enfants s'en sortiraient bien, mais ça n'a pas été le cas. C'était une catastrophe.
Au tout début, le concept tournait entièrement autour du fait qu'il s'agissait de jouets en carton. Donc, les concepts originaux ressemblaient moins aux objets dont ils étaient inspirés qu'à du carton. Je me souviens que nous avons parlé du piano et que nous avons envisagé qu'il puisse avoir la forme d'un piano à queue. À l'époque, nous voulions que l'utilisateur soit libre de lui donner la forme qu'il voulait, alors nous avions laissé autant d'éléments de design à leur disposition que possible.
C'est pour cette raison qu'à l'origine, rien n'était imprimé sur le carton. Mais nous avons vite compris que sans aucun repère visuel, les utilisateurs se trompaient entre le recto et le verso et que la construction devenait compliquée. Au fil des tests, nous avons compris que si les créations Toy-Con n'avaient pas un design bien précis, il serait difficile pour les gens de se figurer à quoi elles devaient ressembler à l'arrivée.
Nous avons donc une règle qui est qu'au moins 50 % de la surface du carton doit être imprimée.
Avez-vous également modifié les instructions ou le procédé de construction ?
Oui, et plus que ça même. Nous avons simplifié les étapes et repensé les parties complexes. Nous avons également dû réfléchir à une manière d'augmenter la robustesse. Nous avons fait le choix de la simplicité avant tout.
Nous avons par exemple changé des pièces octogonales en pièces hexagonales. Les languettes ont été retravaillées des dizaines de fois pour qu'elles soient le plus facile à insérer que possible.
Nous avons retravaillé les languettes, la clarté des éléments imprimés et simplifié le tout. L'objectif principal était que l'utilisateur distingue bien le recto du verso. Et aussi que les languettes soient optimisées. Une fois que ça a été fait, nous avons travaillé à simplifier le tout en réduisant le nombre de pièces, par exemple.
Pour certaines parties, il fallait presque avoir trois mains pour les manipuler, alors nous avons simplifié ces étapes. Parfois, il fallait que quelqu'un intervienne pour tenir une pièce en place et cela aurait été trop complexe pour de jeunes enfants.
Donc vous avez retravaillé les designs pour les simplifier et les rendre plus intelligibles ?
Nous avons décidé de faire appel à des élèves de primaire et de réaliser des tests spécifiques avec des enfants pour revoir le processus de design. Plus de 100 enfants ont participé à ces tests.
Est-ce l'équipe de développement qui a réalisé ces tests ?
Oui, pour nous éviter des mauvaises surprises !
Et puis, ça nous a permis de retravailler nos designs une fois qu'ils avaient été testés, de voir la réaction lors du test suivant une fois qu'une modification avait été apportée. À l'époque, nous voulions créer un mode d'emploi interactif incluant du contenu vidéo, mais nous n'avions pas encore les planches finales en carton pour travailler dessus. Nous avons donc pris des photos et assemblé des petits flipbooks qui montraient les instructions, puis nous nous en sommes servis pendant les tests pour voir quelles pièces devaient être améliorées.
Les flipbooks les plus simples faisaient environ 1 000 pages, et les plus complexes environ 3 000. Dès qu'on modifiait quelque chose, il fallait refaire les photos.
Ça a dû être un sacré challenge !
Aucun de nous n'avait jamais créé de concepts en carton auparavant, ni élaboré des maquettes faciles à assembler, alors nous avons découvert ce que ça impliquait sur le tas. Dans tous les cas, la facilité d'assemblage était absolument essentielle pour atteindre l'objectif, alors nous avons apporté toutes les améliorations nécessaires.
Des employés du développement, aussi bien matériel que logiciel, ont participé à ces tests. C'est les retours que nous avons eus lors de ces tests qui ont donné naissance à notre mode d'emploi interactif.
Nous avons travaillé dur pour viser juste. Certaines instructions peuvent être difficiles à suivre, mais dans Nintendo Labo, elles sont présentées sous la forme de vidéos interactives, ce qui fait que l'utilisateur peut zoomer et faire pivoter les éléments pour avoir une idée claire de ce qu'il doit faire. Et les instructions en elles-mêmes ont été élaborées par ceux qui rédigent déjà les modes d'emploi de nos jeux, alors elles sont très agréables à lire.
Pour nous, c'est le meilleur mode d'emploi qui existe !
La réponse physique
Quand on tient une création Toy-Con, les sensations sont véritablement différentes de ce que qu'on peut ressentir avec d'autres manettes. On a comme une impression de réponse. Est-ce quelque chose que vous avez créé intentionnellement ?
Nous appelons ça la "réponse physique". On s'en rend bien compte avec l'accélérateur de la Moto Toy-Con.
Il se construit avec des élastiques en caoutchouc, donc plus on le tourne, plus il faut exercer de force.
Si nous avions essayé de faire ça avec des manettes comme la télécommande Wii, on aurait tourné dans le vide sans rien ressentir. Mais comme c'est censé être le guidon, il faut qu'il y ait aussi le bouton de démarrage, non ? Et comme il s'agit d'une moto, on a envie de ressentir l'accélération au niveau des mains.
C'est génial que les poignées et les freins reprennent leur position initiale une fois que le joueur les a manipulés.
Je crois que je ne suis pas le seul à chercher cette sensation de réponse physique. C'est beaucoup plus immersif que de secouer quelque chose dans le vide. Avec Nintendo Labo, nous avons enfin pu inclure cette réponse physique dans la console.
En ajoutant de la contrainte aux deux Joy-Con, de sorte qu'ils ne puissent bouger que dans certaines directions, c'est très facile d'obtenir cet effet. Et la restriction des mouvements limite les données saisies, dans le bon sens du terme. Si la manette a une forme de canne à pêche, les utilisateurs ne vont pouvoir la tenir que comme une canne à pêche et ils vont comprendre d'instinct comment faire. J'avais eu affaire à ce type de problème avant.
Ça remonte à l'époque où nous développions Splatoon. Nous avions présenté notre travail à des personnes extérieures à l'équipe de développement et nous avions demandé aux joueurs qui tenaient le Wii U GamePad "d'incliner vers la droite". Et je me suis aperçu que chacun avait sa propre interprétation de ces instructions. Quelqu'un a même tendu le cou vers la droite...
J'ai été pris de court, mais j'ai compris qu'une fois que ces produits étaient lancés, les utilisateurs pouvaient avoir différentes idées de la façon dont il faut les utiliser. Ces différences d'interprétation font peur, parce qu'une fois que les produits sont lancés, on ne peut pas voir les joueurs y jouer.
Ce doit être angoissant pour un développeur.
Oh, c'est même terrifiant.
En tout premier lieu, il faut expliquer à l'utilisateur comment ça fonctionne. Et s'il ne comprend pas cette étape, il ne peut pas jouer. Il faut donc que les explications soient aussi courtes et concises que possibles. Nous nous sommes beaucoup concentrés là-dessus pendant le développement de Nintendo Labo et nous avons compris que pour que quelque chose soit facile à comprendre, il faut qu'on saisisse immédiatement comment le tenir et comment il est censé bouger.
Je vois. Oui, c'est logique.
Et pourtant... Vous voyez l'antenne qu'on fixe sur l'écran de la Nintendo Switch pour la Voiture téléguidée Toy-Con ?
Oui, on la place au-dessus.
Eh bien, elle ne sert à rien du tout.
Nous nous sommes efforcés de retirer tout ce qui n'avait pas de fonction, les pièces qui ne servaient à rien. Mais cette antenne n'a aucune utilité, c'est juste qu'elle nous plaît. (rires)
Mais la présence de cette antenne change tout !
Je trouve aussi et nous avons donc repensé notre définition de ce qui n'avait pas d'utilité.
Les explications sont inutiles. On sait que c'est une voiture téléguidée au premier regard.
Je me suis posé la question pour la Canne à pêche Toy-Con. Pourquoi est-ce que le moulinet cliquette quand on l'enroule ?
Vous ne trouvez pas que c'est mieux avec le cliquetis ? (rires.)
Plus sérieusement, nous l'avons fait parce que le son est différent en fonction de la direction dans laquelle on l'enroule. Et ça a donné ce résultat. (rires)
Et cette partie-là (pointe le bout de la canne à pêche) n'a pas vraiment besoin de s'allonger.
Les sensations sont très différentes avec la Canne à pêche Toy-Con parce qu'elle fait du bruit et qu'elle s'allonge. (rires) D'ailleurs, les touches du piano se remettent dans la position initiale une fois que vous avez appuyé dessus, n'est-ce pas ?
Tout à fait. Dès le début du développement, nous appréhendions le toucher. Il fallait que ce soit réaliste. C'est l'essence même de Nintendo Labo. Nous avons voulu créer des expériences impossibles avec une manette de jeu standard et je crois que c'est vraiment ça qui a guidé le processus de développement.
Tout à fait.
C'est amusant de créer, de jouer et de découvrir !
De nombreux parents ont exprimé un intérêt pour Nintendo Labo, car ils y voient une valeur éducative, en particulier concernant l'Atelier Toy-Con. D'après ce que j'ai compris, vous n'avez pas fait intervenir des spécialistes de l'éducation au cours du développement. Pouvez-vous nous parler un peu des aspects éducatifs du produit ?
Le développement de Nintendo Labo s'est fait en interne et nous n'avions pas pour objectif de créer un produit éducatif. Mais nous avons voulu que l'Atelier Toy-Con soit aussi simple à utiliser que possible, pour que même de jeunes enfants puissent concevoir un projet et s'émerveiller du résultat. Le processus d'assemblage et les logiciels des Toy-Con ont été conçus avec cette idée en tête.
Nous avons conçu les jeux inclus avec chaque Toy-Con pour montrer ce qu'un professionnel peut faire avec le système. Inutile de plonger dans l'Atelier Toy-Con pour expérimenter Nintendo Labo en profondeur. Rien que le fait de construire les projets Toy-Con avec les kits et de suivre les instructions est une expérience fascinante. C'est très intriguant de construire et de découvrir comment fonctionne le piano par exemple.
Donc la partie "Découvrir" de Nintendo Labo est entièrement expliquée dans le logiciel ?
Oui. Je veux aussi insister sur le fait que l'un de nos objectifs était d'expliquer le fonctionnement de la technologie qu'il y a derrière les créations Toy-Con. Nous avons donc conçu la partie découverte du logiciel pour qu'elle soit la plus abordable possible. D'ailleurs, d'un point de vue étymologique, le mot "découvrir" vient de l'idée d'enlever ce qui recouvre quelque chose.
Par exemple, on peut utiliser l'écran tactile de la console Nintendo Switch pour voir des versions transparentes des créations Toy-Con et des Joy-Con, ce qui est très amusant. Nous avons conçu la partie "Découvrir" du logiciel de manière à ce qu'on puisse profiter des interactions, même si on ne comprend pas ce qui est expliqué.
En vérité, notre grande priorité était de concevoir quelque chose d'intéressant et d'amusant. Nous voulions créer une expérience qui aide les gens à comprendre que découvrir comment les choses fonctionnent est amusant en soi et que le fait de créer est gratifiant.
Non seulement on découvre et on crée, mais on s'amuse aussi en jouant !
Oui. (rires)
Je crois que pour que les gens apprécient la partie création et découverte, l'aspect ludique du produit doit être vraiment amusant. C'est un élément très important.
Nous n'avons pas la prétention de dire que c'est éducatif.
Après tout, nous ne sommes pas des spécialistes de l'éducation.
Donc plutôt que de parler d'un produit éducatif...
Nous voulons que les joueurs découvrent le plaisir de créer et qu'ils s'amusent.
J'ai appris énormément à travers les jeux au fil des années, alors j'espère que tous ceux qui auront la chance d'essayer Nintendo Labo y trouveront de quoi s'enrichir.
À bientôt pour la 2e partie !