Avez-vous discuté avec quelqu’un d’autre de ce que vous envisagiez pour Pandora’s Tower ?
J’en ai parlé avec les membres de l’équipe qui travaillaient sur la conception préliminaire des personnages . Ils travaillaient en réalité sur un second projet initial préparé par Hoga. Je leur ai donc demandé discrètement : “Seriez-vous capables de faire ça en secret ?” (rires)
Il y avait donc deux projets en préparation simultanément ?
Ganbarion est arrivé pour nous présenter ce que nous pensions être un seul projet pour le jeu. Puis Yamakura-san a déclaré : “En fait, j’ai une autre proposition”. Elle a sorti un tableau blanc et nous a dit que le thème serait l’amour vrai.
Nul doute que Yamagami-san a dressé l’oreille quand il vous a entendu dire cela.
C’est vrai ! Après avoir écouté tous les détails du design, j’ai été tellement surpris que j’ai même demandé : “Avez-vous eu cette idée vous-même, Yamakura-san ?”
Nakano-san était-il là aussi ?
Oui. J’ai regardé le projet que Yamakura-san nous avait donné et Yamagami-san et moi étions tous les deux terriblement emballés, nous n’arrivions à dire que : “Waouh !”
Quand j’en ai ensuite fait une présentation à Iwata-san, vous avez demandé : “Mais qu’est-ce qui se passe concrètement dans le jeu ?” (rires) J’ai dit que c’était encore en suspens et vous avez déclaré : “Si vous commencez comme ça, la tâche sera rude.”
Je m’en souviens très bien.
Je suis certain que vous savez précisément ce que j’entendais par ces mots, Nakano-san.
Oui, tout à fait ! (rires) La vision du jeu était très forte, mais nous avions ensuite à le créer. La structure qui était en place était la même que celle pour les jeux Jump, je m’en suis donc souvenu quand nous avons commencé. J’espérais que si Ganbarion et moi arrivions à nous mettre d’accord, les choses marcheraient d’une manière ou d’une autre.
Habituellement, un projet ne commence pas de cette façon. Dans la grande majorité des cas, pour les jeux faits par nos équipes de développement en interne, chez Nintendo, celles-ci commencent par créer le jeu, puis elles créent l’histoire. On rencontre en général des problèmes si l’on commence par avoir une idée arrêtée de ce que sera le cœur du jeu, c’est pour cela que nous ne faisons pas les choses dans cet ordre, normalement.
Je comprends.
Mais Ganbarion avait été plus qu’à la hauteur face aux nombreuses demandes irréalistes que nous leur avions faites avec les deux jeux Jump et nous voulions leur offrir l’opportunité de se lancer dans un tout nouveau défi. Nakano-san avait bien travaillé avec Ganbarion, je me suis donc dit, à l’époque : “Jetons-nous à l’eau avec ce projet.”
Comme nous venons de l’évoquer, à ce moment-là, les seuls points qui étaient fixés étaient que l’on allait donner de la viande à l’héroïne pour la transformer et qu’il y aurait un temps limité, durant lequel on pourrait circuler librement entre les niveaux. Quand je repense à cela aujourd’hui, je me dis qu’en effet, nous étions un peu trop optimistes en nous disant : “Si nous travaillons juste avec ça pour l’instant, les choses se mettront forcément en place.” (rires)
Cela a pris bien plus de temps que prévu, n’est-ce pas ? Quelle était l’étape suivante, dans le processus ?
Eh bien, après ce que vous nous aviez dit, nous avons fait en sorte que le gameplay soit mis en place et fonctionne. Nous avions décidé que le héros utiliserait une chaîne et nous avons commencé à travailler sur un prototype pour la partie action du jeu.
Vous nous aviez fixé comme autre mission de rendre le jeu accessible au plus grand nombre. Nous avons commencé à faire le maximum pour qu’il soit possible d’y jouer en utilisant une seule télécommande Wii.
Comment vous êtes-vous débrouillés, pour ça ?
Hoga travaillait à l’époque sur un autre projet, c’est donc à moi qu’il revenait de créer un prototype dans lequel l’action serait contrôlée avec une unique télécommande Wii. J’ai ensuite passé le relais à Hoga pour le développement de l’intégralité du jeu, car Hoga et Nakano-san étant tous deux de grands fans des jeux d’action, ils ont fait naître toutes sortes d’idées. Au fur et à mesure que nous avancions pour intégrer ces idées, celle de contrôler le jeu avec une seule télécommande Wii devenait de plus en plus irréaliste.
La tentative d’utiliser une seule télécommande Wii pour toutes les commandes du jeu a donc fini par devenir un obstacle plus qu’autre chose.
Exactement. Nous avons alors modifié notre approche, pioché quelques astuces dans Mario Galaxy12 et refait le design pour qu’il soit possible de contrôler le jeu en utilisant la télécommande Wii couplée au Nunchuk. 12 Super Mario Galaxy est un jeu de plateforme en 3D commercialisé sur Wii en novembre 2007.
De nombreux joueurs ont aimé Super Mario Galaxy avec son association de la télécommande Wii et du Nunchuk. Nous avons trouvé que ce style de commande était davantage adapté au jeu, nous avons donc pris un tournant important.
En faisant un jeu où l’on manie une chaîne à l’aide de la télécommande Wii et du Nunchuk, quel genre d’action imaginiez-vous possible ?
Eh bien, nous nous sommes dits que pour utiliser les capacités de la télécommande Wii dans un jeu d’action, nous devrions utiliser le pointeur. Cela donnerait une qualité unique à la console Wii, permettant au jeu de se démarquer davantage.
L’association de la chaîne et du pointeur a-t-elle bien fonctionné ?
Oui. Même si quand nous avons initialement eu l’idée de la chaîne, nous n’avions même pas envisagé l’utilisation du pointeur. (rires)
Cela me rappelle que l’idée de la chaîne est née du contraste qu’elle pourrait créer avec la peau de l’héroïne. On pourrait aller jusqu’à dire, je crois, que c’est un jeu qui, au départ, n’était pas réellement centré.
Notre travail a alors été de trouver un moyen pour que cela marche.
Vu sous un autre angle, la manière dont vous avez développé ce jeu, sans qu’il existe d’élément central de gameplay en place dès le départ, revient exactement au même que travailler sur un titre comme One Piece. Vous n’avez au départ qu’un environnement d’ensemble. En ce sens, le jeu est structuré de la même manière que les titres basés sur des manga, par exemple.
Exact. C’est pour cela que tout m’a semblé relativement aisé et naturel. Quand le processus de développement a démarré, j’ai eu le sentiment que nous faisions un jeu basé sur la franchise Pandora’s Tower.
Je comprends. Vous l’avez donc créé de manière à pouvoir utiliser des méthodes que vous connaissiez et maîtrisiez.
En effet. Au départ, nous étions vraiment heureux de travailler sur notre premier titre original, car nous étions libres de modifier certaines parties de l’histoire et du monde selon les besoins du jeu. Mais d’un point de vue personnel, le scénario et l’univers d’un jeu ne sont pas des domaines où j’excelle, et avoir la possibilité de les changer n’a pas très bien marché, au final… Durant le développement, nous avons connu quelques sorties de routes précisément parce que nous avions apporté ce type de modifications, je me suis donc résolu à continuer de faire des jeux de manière à exploiter au maximum le matériau de départ.
Il ne peut y arriver que lorsque le développeur a toute latitude pour modifier les choses à sa guise, l’ensemble part dans la mauvaise direction. Peut-être que si, au contraire, on détermine un scénario, cela donne une structure cohérente au jeu. On ne se retrouve alors pas avec des éléments décalés par rapport à la tonalité générale du jeu.
Je le crois. Dès que j’ai commencé à raisonner de cette manière, il est devenu beaucoup plus facile d’orienter les choses dans la bonne direction.
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