Le premier jeu que vous avez réalisé pour Famicom était bien Best Play Pro Baseball11 ?
C'est bien ça. Nous avons commencé par le jeu PC, Best Nine Pro Baseball12, puis nous avons travaillé à la version Famicom.11. Best Play Pro Baseball : simulation de baseball réalisée par ASCII Corporation et commercialisée au Japon en juillet 1988. D'autres titres de cette série ont été commercialisés sur Game Boy Advance et sur PC.12. Best Nine Pro Baseball : simulation de baseball sur PC réalisée par ASCII Corporation et commercialisée au Japon en 1984.
Pourquoi avez-vous décidé de faire un jeu de baseball ?
Eh bien, comme nous l'avons évoqué plus tôt, c'était un rêve que j'avais depuis tout petit. J’inventais des jeux de baseball et j'y jouais ensuite.
D'une certaine façon, vous étiez destiné à en produire un.
Oui, c'est sûr.
Alors, combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser votre premier jeu de baseball, Best Nine Pro Baseball pour PC ?
J'ai commencé aussitôt après mon embauche chez ASCII Corporation13, et il m'a fallu un an ou deux pour lui donner sa forme finale.13. ASCII Corporation : éditeur japonais fondé en 1977 qui publiait des magazines spécialisés dans l'informatique et des logiciels. La société s'appelle désormais ASCII Media Works et est devenue une filiale de Kadokawa Corporation.
Vous avez tout fait tout seul ?
Oui. J'ai travaillé sur tout, du concept original à la programmation. J'ai même écrit le manuel et j'ai fait de l’assistance clientèle. J'ai tout fait tout seul.
Ainsi, le créateur du logiciel répondait également aux questions des utilisateurs ? (rires)
C'est exact ! (rires)
Puisque vous avez tout fait tout seul, j'imagine que le développement s'est déroulé exactement comme vous le vouliez.
Non, ça n'a pas du tout été le cas. En fait, je n'avais même pas le droit de travailler dessus.
Hein ? Que vous voulez dire ?
Eh bien, ASCII Corporation n'avait pas de service de développement de logiciels.
Ah oui. C'était un éditeur.
Tout à fait et j’étais un simple rédacteur. Le service dans lequel je travaillais publiait des jeux. L'idée était de confier la programmation du logiciel à des employés à temps partiel, avant de les commercialiser. Le problème, c'est que je voulais vraiment faire des jeux moi-même. Quand j'ai commencé à programmer au travail, mon chef s'est énervé et m'a dit d'arrêter de perdre mon temps !
Je suppose qu'il avait l'impression que vous étiez en train de jouer ! (rires)
Exactement ! (rires) Autrement dit, je n'avais pas le choix. Je rapportais du travail chez moi. Je jonglais entre deux boulots. J'étais rédacteur au bureau, et je continuais à travailler en rentrant chez moi...
En tant que programmeur à temps partiel ! (rires)
Oui, oui ! C'était tout à fait ça ! (rires)
Vous faisiez donc le travail de deux personnes. Au moins, ces deux personnes s'entendaient bien. Enfin, je suppose ! (rires)
Comme vous pouvez l'imaginer, mon travail de rédacteur n'avançait pas au bureau. Je me retrouvais toujours dans de sales draps.
Lorsque vous avez enfin terminé ce jeu de baseball au bout de deux ans, qu'est-ce que vos collègues en ont fait ?
Eh bien, je dois reconnaître que je ne m'en souviens pas bien. À l'époque, il n'y avait pas vraiment de système pour évaluer les logiciels. Nous n'avions même pas de véritable processus de debug. Il n'y avait pas de calendrier précis pour le développement d'un logiciel. Ça voulait dire que nous n'avions pas de délai à respecter…
Eh bien, vous étiez celui qui avait commandité le projet et vous étiez aussi le programmeur qui travaillait dessus à la maison. J'imagine que vous auriez pu continuer indéfiniment... (rires)
Exactement, mais je savais que je devais en finir à un point. J'ai décidé de compiler ce que j'avais fait et je l'ai montré à mon chef en disant : "J'ai terminé." Il m'a répondu d'un simple : "Ah d'accord." Le jeu est sorti presque aussitôt.
"Ah d'accord !" (rires) Je me souviens de cette époque où l'approche au travail était plutôt décontractée. Je vois donc exactement ce que vous voulez dire.
Je ne me souviens absolument pas si ça s'est bien vendu, mais il a été commercialisé pour FM-7...
J'imagine que les ventes ont dû être limitées en raison du nombre réduit d'ordinateurs de ce type.
Tout à fait. Alors que nous réfléchissions à ce que nous allions faire ensuite, on m'a dit de le transposer sur Famicom. C'était plutôt un ordre d’ailleurs, mais je ne disposais d'aucun outil pour développer ce logiciel.
On vous a simplement dit : "Faites ce qu'il faut pour transposer ce jeu sur Famicom !" (rires)
C'est ça. Non seulement le seul ordinateur dont je disposais était mon FM-7 personnel, mais j'étais obligé de partager le traitement de texte OASYS14 avec tous mes autres collègues de la société, parce que je ne pouvais pas saisir de caractères japonais avec cette machine.14. OASYS : logiciel de traitement de texte en japonais commercialisé par Fujitsu en 1980.
Les traitements de texte en japonais doivent permettre la saisie de caractères japonais. (rires) Mais je vois ce que vous voulez dire. Avec le FM-7, vous ne pouviez pas saisir de chaînes de caractères complètes en Japonais. J'imagine que vous vous êtes servi d'OASYS pour créer un document de spécifications.
Tout à fait. J'ai réalisé un document de spécifications sur OASYS qui montrait comment les différents écrans allaient s'enchaîner. Ensuite, après quelque temps, on m'a donné un PC-9815.15. PC-98 : série d'ordinateurs personnels commercialisés par NEC au Japon. Le PC-9801 16 bits est sorti en 1982.
Vous aviez enfin un ordinateur sur lequel vous pouviez écrire en japonais ! (rires)
Tout à fait, mais je me trouvais face à un nouveau problème. Je connaissais le BASIC, mais je n'avais que quelques notions de MS-DOS16, le système d'exploitation du PC-98. Pour ne rien arranger, il n'y avait pas de mode d'emploi fourni avec cet ordinateur. J’ai été obligé de demander à d'autres personnes de m'apprendre son fonctionnement.16. MS-DOS : abréviation de Microsoft Disk Operating System. MS-DOS était le système d'exploitation le plus répandu destiné aux ordinateurs personnels avant l'apparition de Microsoft Windows.
Aviez-vous des collègues qui pouvaient vous aider ?
Oui. Enfin, il y en avait au moins un. Je lui ai posé beaucoup de questions sur l'utilisation de cet ordinateur. À l'époque, je n'avais aucune idée de ce que je faisais. Je me suis lancé et j'ai tapé la "commande magique"...
Je vois. Vous parlez de cette suite incompréhensible de caractères qui permettait de réinitialiser l'ordinateur. Si vous ne saisissiez pas la "commande magique", vous n'obteniez pas le bon menu. C'est vraiment ainsi que vous avez réalisé la version Famicom de Best Play Pro Baseball, en tâtonnant ?
Tout à fait.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour terminer la version Famicom ?
Eh bien, ça a pris un certain temps. Si vous me demandez combien de temps exactement, eh bien...
Le Famicom a été commercialisé au Japon en 1983, et le jeu est sorti longtemps après.
Oui, c'est vrai. Il n'est sorti qu'en 1988, je dirais donc qu'il a fallu environ 3 ans pour le réaliser.
Trois ans, vous dites ? Vous avez plus ou moins tout réalisé vous-même. L'une des impressions que j'ai eues en voyant votre travail est que vous consacrez le maximum de temps possible à le perfectionner et à le peaufiner avant sa sortie.
Eh bien, c'est parce que la réalisation d’un jeu est la partie la plus amusante !
Autrement dit, si vous n'aviez pas de délai à respecter, je suppose que vous n'arrêteriez jamais de travailler sur votre projet ! (rires)
Oui, c'est sûr. J'aime vraiment fignoler et améliorer mon travail.
Vous préférez ça à jouer aux jeux ?
Bien sûr ! (rires)
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