Le jeu précédent, Awakening, a reçu de très bonnes critiques, mais certaines personnes étaient déçues par son scénario.
Oui. Le gameplay et les graphismes ont été plébiscités, mais certains pensaient que nous aurions pu aller plus loin au niveau de l’intrigue.
Dans Awakening, en changeant le ton de la narration, nous avons reçu de bonnes critiques de la part des joueurs qui découvraient la série. En revanche, pour les fans des épisodes précédents, le scénario manquait de profondeur et de complexité.
Nous avons pris tous ces avis en compte et nous nous sommes mis à travailler sur le scénario du prochain jeu, de sorte qu’il plaise à tout le monde. Et nous avons fini par décider que nous aurions trois scénarios en parallèle.
Vous n’avez pas uniquement amélioré la qualité du scénario. Vous avez décidé qu’il y aurait trois scénarios. Ça fait beaucoup de travail.
C’est vrai. C’était déjà assez difficile de créer trois jeux en même temps, alors il aurait été impossible d’écrire trois scénarios en interne. Nous nous sommes donc demandé s’il y avait une personne extérieure à laquelle nous pourrions confier l’écriture du scénario. Nous avons cherché dans l’industrie du jeu vidéo, mais nous n’avons pas trouvé. Alors nous nous sommes demandé s’il y aurait quelqu’un en dehors de l’industrie des jeux vidéo, une personne ayant travaillé sur des scénarios dans d’autres médias, comme dans l’édition ou pour le cinéma. Et tout à coup, Maeda-san a dit : « Et pourquoi pas Shin Kibayashi-san ? »
C’est vrai. J’ai dit à l’équipe : « Il y a ce monsieur qui s’appelle Shin Kibayashi » et au début, tout le monde est resté silencieux.
L’équipe n’arrivait pas à faire le lien entre l’auteur et son travail.
C’est ça.
Toutefois, je pense qu’aucun adulte japonais n’est étranger à l’œuvre de Kibayashi-san.
Oui. Certains ont dit : « Kibayashi-san… vous voulez dire le capitaine Kibayashi de MMR22 ? Il existe pour de vrai ? » (rires)22. MMR : MMR Mystery Magazine Chousa Han. Série de mangas japonais publiée régulièrement dans Weekly Shonen Magazine de 1990 à 1999. Les héros du manga s’appelaient le MMR, alias Magazine Mystery Chousa Han, un groupe constitué de rédacteurs pour le Weekly Shonen Magazine, qui se rassemblait pour résoudre des enquêtes paranormales. Les membres du MMR s’inspiraient des vrais rédacteurs, et leur chef, Kibayashi, était inspiré par Shin Kibayashi. Le personnage de Kibayashi possédait un Qi de 170, pouvait parler trois langues et reliait tous les phénomènes paranormaux à la destruction de l’humanité et aux prédictions de Nostradamus.
Après tout, ils se sont inspirés de moi pour créer le personnage. (rires)
(rires)
En plus, Kibayashi-san utilise de nombreux pseudonymes dans son travail. Par exemple, il a écrit Les Enquêtes de Kindaichi sous le nom de plume de Seimaru Amagi.
Alors Maeda-san nous a présenté le travail de Kibayashi-san et tout le monde s’est dit : « D-De quoi ?! »23 (rires)23. « D-De quoi ?! » : la réplique culte du MMR Magazine Mystery Chosa Han.
(en murmurant) Et voilà. (rires)
Tout le monde était vraiment surpris, car c’est quelqu’un de très célèbre. Et le réalisateur, Maeda-san, a insisté sur le fait qu’il voulait absolument travailler avec Kibayashi-san. Je n’étais pas contre, mais j’avais un petit souci…
Lequel ?
Je ne savais pas comment faire pour obtenir un rendez-vous avec Kibayashi-san.
Il ne fait pas partie de l’industrie du jeu vidéo et c’est un homme très occupé, alors vous pensiez que ce serait difficile de le contacter.
Oui, alors j’ai demandé à plein de monde comment faire pour contacter Kibayashi-san, mais je n’ai pas trouvé. J’allais baisser les bras quand Kozaki-san, celui qui a fait les illustrations sur ce projet…
Vous voulez dire Yusuke Kozaki24.24. Yusuke Kozaki : en plus de son travail en tant que mangaka, il travaille dans différents domaines comme l’illustration et la conception de personnages pour les jeux vidéo et les dessins-animés. Il est devenu mangaka après avoir reçu une mention d’honneur lors du Monthly Newcomer Manga Award du Young Magazine (Kodansha) en 1997. Chargé de la conception des personnages de Fire Emblem Awakening, il a de nouveau endossé ce rôle sur Fire Emblem Fates. Il est aussi apparu dans Iwata demande : Fire Emblem: Awakening.
Oui. J’avais un rendez-vous avec Kozaki-san et je lui ai dit : « J’essaie de contacter un célèbre écrivain, mais je n’y arrive pas... » Et Kozaki-san a dit : « Est-ce que l’auteur dont vous parlez est Kibayashi-san ? »
Il savait à qui vous pensiez. (rires)
Oui. Ça m’a vraiment surpris qu’il le devine. Kozaki-san a ensuite dit : « Je pourrais peut-être réussir à le contacter via mon éditeur. »
En fait, Kozaki-san et moi travaillons pour le même éditeur.
Oh, je vois.
C’était une coïncidence inouïe. Alors j’ai tout de suite demandé à Kozaki-san de nous mettre en contact. Il a dit : « Kibayashi-san est très occupé, alors il y a 90 % de chances pour qu’il refuse. »
Donc 10% de chances pour qu’il accepte.
Nous avons pu le rencontrer en décembre 2012.
Dans un restaurant de quartier. (rires)
C’était entre deux rendez-vous. Je devais aller voir mon éditeur dans ses bureaux, alors nous nous sommes rencontrés dans un restaurant du quartier avant mon rendez-vous.
Maeda et moi étions au restaurant et nous étions complètement fébriles tous les deux…
Vous étiez totalement stressés. (rires)
C’est vrai. (rires)
Quand Maeda-san m’a fait passer la proposition, ses mains tremblaient. Je me suis demandé : « Est-ce qu’il va bien ? » (rires)
(rires)
Maeda-san écrit lui aussi des scénarios, alors ce doit être pour ça qu’il était aussi stressé.
Kibayashi-san est comme un dieu pour moi. J’avais l’impression d’être assis en face de dieu ! (rires)
Il s’est senti en présence d’un être supérieur. Il a dû se dire dans sa tête : « Un dieu m’est apparu ! »25 (rires)25. Un dieu m’est apparu : un dieu apparaît. Expression souvent utilisée dans les commentaires sur les forums Internet et les vidéos pour décrire l’intervention de personnes dotées de capacités extraordinaires.
(rires)
Tout à l’heure, Maeda-san a dit qu’il n’y avait que 10 % de chances pour que j’accepte.
Oui.
Mais à l’époque, j’étais sûr à 100 % de refuser le projet.
Alors pourquoi avez-vous accepté de les rencontrer ?
Mon éditeur avait servi d’intermédiaire, alors je ne voulais pas qu’il perde la face. Et à l’époque, je travaillais sur quatre ou cinq séries, et j’avais plusieurs projets en préparation. Quand j’ai dit à mon éditeur : « Je vais les rencontrer, mais je n’aurai pas le temps de caser ça dans mon planning », il a dit : « Pas de souci, allez juste les rencontrer ». C’est pour ça que j’y suis allé. Et là, je les ai vus, complètement stressés tous les deux…
Oui. (rires)
Quand je leur ai demandé pourquoi ils m’avaient choisi, j’ai été étonné d’apprendre que Maeda-san avait lu et regardé la quasi-intégralité de mon travail.
Beaucoup de gens connaissent une partie de votre œuvre, Kibayashi-san, mais il y en a peu qui ont lu ou regardé la quasi-totalité de votre travail.
C’est vrai. Je me suis donc dit que ce rendez-vous serait plein d’enseignements. Dans ma tête, je ne pouvais pas prendre de décision avant d’avoir joué à l’un des jeux, alors je leur ai dit que je leur donnerais une réponse après y avoir joué. Ils m’ont donné deux exemplaires d’Awakening, mais bien sûr, je comptais toujours refuser le projet. (rires)
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