Comment avez-vous choisi les genres musicaux et les morceaux ?
Au départ, il n'y avait pas beaucoup de morceaux. Dix seulement.
Dix ?
Oui, uniquement des morceaux classiques.
Dix morceaux classiques ?
Oui.
Pourquoi uniquement du classique ? C'est ce que Miyamoto-san voulait ?
Non, nous avions nos raisons. (rires)
Ah oui ? (rires) Mais les morceaux de Wii Music sont spéciaux. La quantité de données pour chaque morceau doit être impressionnante.
Oh oui.
C'est ce que je pensais. Le logiciel doit être capable de rendre un morceau audible quelle que soit la manière dont vous jouez. Rien que les partitions doivent prendre de la place et vous ne pouvez pas laisser la console décider pour tout.
C'est vrai.
Vous avez de grandes connaissances musicales. Vous devez penser aux personnes qui n'y comprennent pas grand-chose et préparer une réponse aux différentes actions possibles du joueur. S'il fait ça, le jeu fait ça. En revanche, s'il fait ça, le jeu fait ça. Autrement les morceaux ne donneraient rien.
C'est vrai.
Lorsque j'ai vu le produit fini, je me suis dit que les programmeurs avaient dû s'amuser. (rires)
C'est une des raisons pour lesquelles il n'y avait que dix morceaux au départ. (rires)
Pourquoi n'était-ce que du classique ?
Nous voulions que les gens du monde entier prennent plaisir à interpréter des morceaux connus de tous.
Il n'y avait que dix morceaux, mais vous pouviez les interpréter selon différents arrangements. Nous pensions que ces dix morceaux suffisaient avec tout ce que nous proposions ensuite.
Je comprends. Comment le jeu est-il arrivé à sa forme actuelle ?
Eh bien, nous en avons discuté avec Miyamoto-san et il a dit que nous n'avions pas assez de morceaux. Il a suggéré d'en mettre cent.
Dix fois plus !? (rires) Je parie que vous étiez surpris. Que s'est-il passé ?
Nous lui avons demandé de nous laisser y réfléchir un peu. (rires)
Bien sûr que vous vouliez y réfléchir ! (rires)
Nous avons donc cogité sérieusement.
Vous êtes revenus en disant : "Miyamoto-san veut cent morceaux..." (rires)
Je me disais que ce serait vraiment difficile, mais, après y avoir réfléchi, je me suis dit qu'il fallait ces cent morceaux.Je me suis aussi dit qu'avec tant de morceaux, un certain nombre d'entre eux se ressembleraient. De plus, comme l'a dit Wada-san, chaque morceau pouvait être joué de plusieurs manières. Je me suis dit que cinquante morceaux offraient suffisamment de possibilités et que personne ne penserait que ce n'était pas assez.Lorsque j'en ai parlé à Miyamoto-san, il a dit que cinquante morceaux suffisaient. Le problème était résolu. Il a toutefois ajouté qu'il ne devait pas y en avoir moins.
Cinquante morceaux étaient le minimum. (rires)
Exactement.
Wada-san, qu'en pensiez-vous ?
Eh bien, chaque tâche allait être exécutée cinquante fois. Je savais que ce serait difficile. J'essayais de relativiser en pensant qu'on était passés de cent à cinquante.
Le nombre n'était pas passé de dix à cinquante, mais de cent à cinquante. (rires)
Exactement.
Tout est question de point de vue. (rires)
Le timing n'était pas mauvais. Lorsque nous avons choisi nos cinquante morceaux, l'équipe audio nous a épaulés.
Oui, c'est vrai.
Vous voulez dire que vous avez débauché plusieurs membres de l'équipe audio ?
Oui. J'avais demandé à Koji Kondo. J'avais été assez direct en lui disant : "Allez ! C'est un jeu musical, non ?" (rires) Au final, nous avions une équipe extraordinaire.
Oui, c'était extraordinaire.
Oui, c'est ce qu'on m'a dit. C'est toute l'équipe audio de la société, qui en a vu des jeux, qui s'est alignée derrière vous.
Je vais vous donner quelques noms. Tout d'abord, Koji Kondo, dont j'ai déjà parlé, nous a rejoints pour nous donner un coup de main.
Je ne sais pas s'il est utile de le préciser, mais c'est le plus important compositeur de Nintendo. Il a travaillé sur les séries des Mario, Zelda et Star Fox.En énumérant les noms de ces personnes, pouvez-vous ajouter les projets sur lesquels elles ont travaillés ?
Bien sûr. Il est absent aujourd'hui, mais notre sous-directeur depuis le départ était Mitsuhiro Hikino qui avait travaillé sur des jeux tels que Mario Kart DS, Pikmin 2 et Super Mario Sunshine. Notre directeur du son, Hajime Wakai avait travaillé sur Nintendogs, Pikmin et la série des Star Fox.Ensuite vient le reste de l'équipe : Kenta Nagata qui avait travaillé sur The Legend of Zelda: Phantom Hourglass, The Legend of Zelda: The Wind Waker et la série des Animal Crossing ; Toru Minegishi faisait partie des équipes de Wii Fit, de tous les Animal Crossing et de The Legend of Zelda: Twilight Princess ; Mahito Yokota avait travaillé sur Super Mario Galaxy et Donkey Kong Jungle Beat ; Junya Osada avait quant à lui travaillé sur Animal Crossing: Wild World ; enfin, Takahiro Watanabe a mis son expérience à notre service, lui qui a travaillé sur The Legend of Zelda: Twilight Princess, The Legend of Zelda: The Wind Waker et Pikmin 2.
Waouh ! Ce n'est pas mon genre de m'extasier sur une équipe, mais vous aviez du beau monde.
Oui. Nous avions vraiment des professionnels de premier ordre. Nous n'aurions peut-être pas pu faire ce jeu sans l'expérience dont ils nous ont fait profiter. Comme vous le disiez, les morceaux ne représentaient que la moitié du travail.
C'est vrai. Il ne s'agissait pas seulement d'intégrer les partitions musicales.
Oui. Nous avons mis en place des limites pour chaque fonction et nous devions permettre au joueur de jouer en un tour de main et de jouer juste quoi qu'il fasse.
Pourriez-vous expliquer brièvement comment vous avez fait ?
Nous avons tout d'abord dû mettre en place un arrangement par défaut qui allait servir de cadre et permettre au joueur de modifier et de s'approprier les morceaux. Un cadre trop rigide aurait entraîné une multiplication des contraintes et le joueur n'aurait pas pu jouer comme bon lui semblait. J'ai demandé à l'équipe de fournir au joueur un "panier" renfermant tout ce dont il a besoin.
En d'autres termes, c'est au joueur de choisir ses ingrédients et de faire sa cuisine.
Exactement. Je leur ai demandé de fournir au joueur ce qu'il y a de mieux afin que le résultat soit correct quelle que soit la manière dont il s'y prend. Cela aurait été difficile de faire comprendre cela à une équipe ordinaire. Ils n'ont jamais dit non à mes exigences, même les plus folles.
En temps normal, n'importe lequel de ces gars peut gérer la musique d'un jeu à lui seul ! (rires)
Donc cinquante morceaux de genres différents.
Eh oui.
Miyamoto-san vous a-t-il suggéré certains genres ?
Oui. (rires) Il a dit qu'il devait y avoir du blues.
Ha ! Et vous l'avez ajouté ?
Oui, à la fin.
Bien entendu. (rires) Miyamoto-san a-t-il dit autre chose qui aurait fait bouger les choses ?
Euh, les assaisonnements.
Les assaisonnements ?
C'est ainsi que nous appelons une technique d'exécution. Wii Music est conçu pour que n'importe quel joueur puisse jouer facilement en remuant la télécommande Wii. De plus, il suffit d'appuyer sur les boutons ou de déplacer le stick directionnel pour obtenir un son spécial pour chaque instrument. Ainsi, si vous faites glisser vos doigts sur un clavier de piano, vous obtenez un glissando . A la guitare, le " choke " consiste à desserrer les cordes.
Oh, je vois. C'est très bien que le jeu permette de réaliser ces techniques.
Ce n'était pas le cas jusqu'à l'E3.
Ah oui ? L'E3 ? Lequel ?
Un assez récent.
Vous voulez dire celui de l'an passé ?
Non, plus récent encore.
Celui qui vient de se terminer ?!
Oui, les glissandos et les "chokes" venaient juste d'être intégrés lors du dernier E3.
Je suis vraiment surpris.
Jusque-là, nous nous consacrions principalement à la création d'un jeu auquel il serait possible de jouer en déplaçant la télécommande Wii.
Nous avons divisé les modes d'interprétation en quatre grandes catégories : piano , guitare , trompette et violon . A l'époque, nous éliminions toutes les techniques annexes qui n'étaient pas directement en rapport avec ces grands modes d'interprétation. Je me suis dit : "Je comprends qu'on veuille exécuter certaines techniques comme le glissando ou le "choke" lorsqu'on joue d'un instrument, mais il faut savoir s'arrêter à un moment." Malgré cela, nous avons ajouté des techniques jusqu'au dernier moment.
Comment Miyamoto-san vous a-t-il dit que c'était ce qu'il voulait ?
Un jour, Totaka-san a reçu une convocation.
Une convocation ? (rires) Vous voulez dire que Miyamoto-san voulait vous parler de quelque chose ?
Ok, disons que c'était une invitation. (rires)
Lorsque vous recevez une invitation, vous revenez avec encore plus de travail. (rires)
On dirait que ça arrive souvent. (rires) Miyamoto-san sait jouer de la guitare. Je suppose qu'il n'allait pas vous donner sa bénédiction s'il n'y avait pas de "choke" par exemple.
Vous supposez bien. Il me dit que vous ne jouez pas vraiment de la guitare électrique si vous ne pouvez pas réaliser de "choke" et que la guitare folk n'est pas amusante si vous pincez seulement les cordes. Pour lui, c'est en grattant les cordes qu'on joue de la guitare folk et il avait raison.
Oui ! (rires)
Mais comme Wada-san l'a dit tout à l'heure, nous avions déjà supprimé tout cela afin que le joueur ne soit pas perdu. Nous avions supprimé ces techniques, mais...
Vous avez de nouveau réfléchi.
Tout à fait. Un des aspects attrayants de ce jeu était le rendu des caractéristiques de chaque instrument, mais la facilité de tous les instruments était également importante. Miyamoto-san avait peur que nous perdions le point le plus attrayant du jeu.
Nous avons continué à peaufiner l'utilisation du jeu et la majeure partie de la programmation était terminée. La prise en main du jeu était simple, mais nous avions perdu un petit quelque chose pour les différents instruments.
Nous avions toujours peur que le jeu ne devienne trop compliqué et qu'il faille ajouter des explications pour toutes ces techniques spéciales. Miyamoto-san nous a dit que nous n'avions pas à tout expliquer. Les joueurs s'amuseraient à découvrir les sons obtenus selon les différentes actions. Cela arrive lorsque vous jouez d'un véritable instrument.
Je vois. Ces fonctions ont donc été ajoutées après l'E3. Je pense aussi que cela augmente encore l'intérêt du jeu.
Je trouve aussi.
Excusez-moi. Je peux ajouter quelque chose ? Vous n'avez rien compris à ce que je disais.
Ah ! Miyamoto-san, vous n'êtes pas censé être là.
Ce n'est pas grave. Le jeu a gagné en attrait auprès des joueurs et c'est tant mieux, mais, sans ces fonctions supplémentaires, les instruments n'auraient pas eu le bon son. Ainsi, si vous écoutez une note jouée sur un ukulélé et la même sur une guitare, vous ne saurez sûrement pas faire la différence. L'équipe de l'échantillonnage saurait faire la différence, mais le commun des mortels n'y arriverait pas en écoutant une note.Un ukulélé est un ukulélé parce qu'il est composé d'un petit corps, d'un petit manche et de quatre cordes que vous grattez en même temps. Une guitare folk est une guitare folk parce que vous pouvez en jouer doucement. C'est ce qui les rend réels. Je suis sûr que c'est ce que je vous ai dit, mais vous ne semblez pas vous en souvenir.
Miyamoto-san n'est pas censé être là.
Quelqu'un d'autre peut entendre Miyamoto-san ? J'aurais juré l'avoir entendu.
Moi aussi !
C'est comme s'il était dans la pièce avec nous.
Une harpe est une harpe parce que vous pouvez faire courir vos doigts sur les cordes. Une cornemuse est une cornemuse parce qu'elle émet des sons aigus. Un sitar est un sitar parce que ses cordes continuent à vibrer et...
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