Vu que la sortie de The Last Story est imminente, dans vos souvenirs, quelle a été la partie la plus difficile de ce long processus de développement, Matsumoto-san ?
Voyons voir... Eh bien, comme vous pouvez l'imaginer, le fait d'essayer toutes ces nouvelles idées et de gérer toutes leurs répercussions a été vraiment contraignant.
C'est quelque chose dont je n'ai pas parlé jusqu'ici, mais en fait, à leur insu, j'ai entendu des membres de l'équipe demander : 'Pendant combien de temps Matsumoto-san compte-t-il encore écouter Sakaguchi-san ?' C'était dans les toilettes du bureau.
Pardon... ? (rires) Mais je comprends pourquoi ils ont dit cela. Je suis sûr qu'il y a eu un moment où on aurait pu avoir l'impression que le projet n'allait jamais se terminer.
Eh bien, ce n'est pas évident quand vous faites un marathon et que vous ne voyez pas la ligne d'arrivée. Si vous savez au moins quelle distance vous sépare de l'arrivée, vous pouvez vous dire : 'Il ne nous reste plus que telle distance à parcourir...' Mais si vous ne savez pas s'il vous reste trois ou trente kilomètres à parcourir, vous êtes forcément mal à l'aise. Est-ce la première fois que vous procédez à tant de modifications sur un jeu pendant une si longue période ?
Oui, en effet. Et je sais bien que certaines personnes en avaient après moi (rires) Il y a eu des tas de problèmes dont on ne s'est rendu compte qu'une fois que tout était en place dans le jeu, ce qui veut dire que nous avons dû procéder à des modifications jusqu'à la toute dernière minute du projet.
Ah, ce que vous venez de dire me rappelle la première fois que j'ai travaillé avec Miyamoto-san. Il m'avait dit : 'Quand on refait tout un jeu depuis le début, c'est là qu'on commence à s'amuser.' Ce qu'il voulait dire, c'était qu'il y aurait toujours de ces choses dont on ne peut se rendre compte que lorsque le jeu tout entier fonctionne. Ensuite, tout dépend de l'énergie qu'il vous reste pour continuer à faire des modifications quand vous n'avez qu'une période de temps limité.
C'est vrai. Vu que des jeux sont créés dans le monde entier, si on veut que sa vision de créateur ressorte, il faut vraiment rester concentré sur ce que l'on veut créer, quelles que soient les difficultés. C'est pourquoi j'ai voulu travailler aussi longtemps qu'il m'était permis de le faire.
Le fait qu'on ait eu la possibilité de faire toutes ces modifications jusqu'à la toute fin a eu son importance. Le fait de respecter les délais était aussi important, bien sûr, et on avait initialement prévu une date de sortie légèrement plus avancée...
Je suis vraiment reconnaissant du fait que nous ayons obtenu du temps supplémentaire sur ce projet.
La personne responsable du projet chez Nintendo me communiquait des rapports d'avancement, et on se demandait ce que l'on pouvait faire pour vous aider à faire de votre vision une réalité. Je crois que c'était là une chose plus importante que le respect du planning initial. Mais je me demande vraiment comment l'équipe a pu rester aussi motivée, alors qu'elle était en train de faire un marathon sans avoir de visibilité sur la ligne d'arrivée. Comment y êtes-vous parvenu ?
Eh bien, la première chose à dire, c'est que nous étions tous terrifiés par Matsumoto-san. (rires) Ensuite, il y a aussi le fait que les programmeurs s'amusaient réellement. Prenez par exemple une simple créature du jeu, l'ogre. Eh bien, cet ogre était enchaîné, et le travail de programmation que l'on a consacré à ces chaînes était clairement excessif. Les programmeurs ont vraiment adoré travailler sur des choses de ce genre.
C'est parce qu'ils avaient un retour positif de la part de Sakaguchi-san. Ils mettaient des éléments comme ça dans le jeu, les montraient à Sakaguchi-san, et tout de suite, il disait : 'Ah, j'aime ça !'
Je me suis fait du souci pour le planning, mais les impressions générales du jeu sont très importantes et je me disais : 'Ouah ! Cet ogre est incroyable !'
Et comme ça, l'équipe se disait : 'Génial ! Il a bien aimé ! Trouvons autre chose à lui proposer !' (rires)
L'impression générale du jeu change lorsque l'on ajoute toutes sortes d'éléments de ce genre, n'est-ce pas ?
Je crois que c'était une façon de se défouler pour l'équipe, et c'est la raison pour laquelle la motivation est restée importante jusqu'à la toute fin du projet.
Si le fait de se défouler se traduit par de nouveaux éléments dans le jeu, alors, j'en suis ravi. Aussi, Matsumoto-san avait une relation professionnelle très étroite avec l'équipe étant donné que c'était un programmeur à l'origine. À l'inverse, moi, je venais de la partie planning du projet, mais je travaille vraiment bien avec Matsumoto-san. Mais il y a eu des moments où... Eh bien, je ne suis pas sûr que je devrais dire ça ici, mais il y a des moments où je m'énervais...
Il aurait peut-être mieux valu attendre que le projet soit complètement fini avant de dire ça… (rires)
Non, je risque de l'oublier si j'attends si longtemps que ça. Avec le temps, je vais commencer à me dire que finalement, ce projet, c'était du petit lait. C'est la raison pour laquelle j'ai besoin de dire ça ici et maintenant ! (rires)
Je viens de réaliser que Sakaguchi-san avait voyagé entre le Japon et Hawaii. Avez-vous communiqué par e-mail ?
Tout à fait. Et Sakaguchi-san est très réactif sur les e-mails, bien évidemment ! Parfois, on oubliait complètement le décalage horaire avec Hawaii.
Quelle est votre routine de travail lorsque vous êtes à Hawaii ?
Je dors à peu près entre neuf heures du soir et trois heures du matin, heure japonaise. Après cela, je me consacre entièrement à mon travail. Il n'y a rien d'amusant à faire à Hawaii ! (rires) À mes yeux, la chose la plus amusante à faire, c'est de s'asseoir en face de son ordinateur.
Je vois ! (rires) C'est donc là votre secret. C'est pourquoi on ne se rendait pas compte du décalage horaire. Et il n'y a vraiment rien à faire à Hawaii ? Eh bien, comme vous y vivez, j'imagine que vous avez le droit de dire cela. Existe-t-il d'autres aspects secrets de ce projet que vous voudriez partager avec nous ?
Eh bien, il y a le fait que le premier donjon que j'ai créé a fini par servir de donjon final dans le jeu. C'est le donjon de la chapelle. En fait, j'aime beaucoup l'apparence de la chapelle et du château.
Vous avez travaillé au Royaume-Uni pendant un an, n'est-ce pas ?
C'est vrai. J'y ai vécu, et le week-end, j'allais visiter les châteaux et les abbayes. Les brochures que j'y ai collectionnées ont fini par nous servir pour le level design de The Last Story.
Ouah. Toute chose peut vraiment s'avérer utile, n'est-ce pas ?
Absolument. J'avais fait le donjon de la chapelle en fonction de mes propres goûts, et je n'aurais jamais pensé l'espace d'une seconde qu'il servirait dans le jeu final.
Au départ, on avait prévu de ne pas inclure ce donjon dans l'intrigue principale. On voulait le mettre dans une quête secondaire, mais on a fini par s'en servir. Et il a un rôle vraiment important dans le jeu. Quand j'y suis allé quand je testais le jeu, cela m'a en fait rendu très nostalgique.
D'accord. Eh bien, on l'a créé il y a trois ans.
Mais en y repensant aujourd'hui, c'est un donjon qui trahit encore le fait qu'il a été créé pour expérimenter des choses. On peut choisir d'aller à gauche ou à droite, mais au final, ça ne change pas grand-chose de toute façon.
Oui, vous avez raison ! (rires) À l'origine, on a créé des chemins vers la gauche et vers la droite et on a fait des expériences avec des scènes d'action et des ennemis qui apparaissaient à des moments différents. C'est un vestige de ces expériences.
Et cela a fini par être... Eh bien, au final, c'est certainement le choix le plus insignifiant de tout le jeu ! (rires)
Mais c'est en fait un élément qui correspond à The Last Story particulièrement bien. Si on se débarrasse de tout ce qui n'est pas indispensable dans le jeu, on finit par perdre beaucoup. Mais comme dans notre approche on a voulu accorder de l'importance à tous ces éléments, il y a des choses qui au premier coup d'œil ont l'air superflues, mais qui sont en fait intégrées dans le jeu pour y jouer un rôle particulier. Je crois que cela renforce les impressions laissées par le jeu, son réalisme unique en son genre.
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