Le deuxième titre Jump 10 était un cran au-dessus du premier, cela a donc dû être encore plus difficile. 10 Jump Ultimate Stars est un jeu de combat commercialisé exclusivement au Japon pour Nintendo DS en novembre 2006. Il s’agit de la suite de Jump Super Stars.
Oui, il était une fois et demie plus gros et nous avons dû le réaliser avec un tiers de temps en moins.
Et une fois celui-ci terminé, vous êtes passé au jeu dont nous allons parler aujourd’hui. Pouvez-vous commencer par expliquer quelle sorte de jeu est Pandora’s Tower ?
Pour faire simple, Elena , la bien-aimée du héros, est maudite et se transforme progressivement en démon. Pour la libérer de ce maléfice, le héros doit s’aventurer dans différentes tours emplies de dangers et affronter toutes sortes d’ennemis. Il doit ensuite revenir auprès d’Elena à intervalles réguliers avec de la “chair des maîtres”, capable de contenir la progression de la malédiction. Elena déteste cette “chair des maîtres”, il faut donc essayer de limiter le nombre de fois où vous lui en apportez. Mais si vous attendez trop longtemps, sa transformation s’aggrave et la rend plus monstrueuse. Tout en jouant, vous devez donc aussi choisir le bon moment pour affronter les tours et pour revenir auprès d’Elena.
Durant le développement, nous avons souvent comparé cela à une épouse qui reste à la maison tandis que son partenaire va travailler. S’il rentre en retard, l’épouse va se mettre en colère, il doit donc faire de son mieux pour rentrer assez tôt. Mais dans le même temps, s’il passe plus de temps au bureau, il gagnera plus d’argent, il est donc face à un dilemme… C’est la nature du jeu. Il s’agit de quelque chose dont Yamakura-san a parlé dès le tout début. (rires)
Je me suis juste dit que cela rendrait les choses un peu plus faciles à comprendre, voilà tout. (rires)
Certaines personnes ici, chez Nintendo, disaient la même chose.
Ce scénario a vraiment une grande influence sur le gameplay, car le joueur est libre de choisir le moment auquel il rentre chez lui. On peut définir soi-même les règles, à savoir combien de temps on souhaite consacrer aux tours avant de retourner auprès de l’héroïne. On évalue jusqu’où on peut encore se permettre d’aller. L’organisation devient en soi un élément appréciable du jeu. Ce n’est pas quelque chose que l’on approche de manière systématique en se disant : “Oh, je n’ai bientôt plus de temps, j’ai intérêt à rentrer très vite !” Tout est très finement équilibré et je crois que c’est quelque chose d’assez unique, dans ce jeu.
Comment ce projet a-t-il vu le jour ? Quel processus a amené Ganbarion à développer un jeu qui n’était pas basé sur une création de l’esprit existante ? C’était un défi nouveau pour la société.
Tout de suite après la fin du développement du dernier titre Jump, j’ai simplement demandé à Yamakura-san : “Avez-vous envie de travailler sur un titre original ?” Elle m’a aussitôt répondu : “Oui, absolument.”’ Elle m’a ensuite dit qu’ils avaient travaillé sur une idée et qu’elle aimerait me la présenter.
À un moment, vous vous êtes donc dit que vous aimeriez créer un jeu original ?
Oui, en effet. Notre société avait fait des jeux basés sur des franchises existantes, je voulais donc relever le défi de produire quelque chose d’original. J’ai toujours eu envie de créer un jeu destiné aux garçons, des élèves du début du secondaire jusqu’à ceux d’une vingtaine d’années. C’est pour cette raison que j’ai choisi de mettre une femme au cœur de ce jeu. Je souhaitais explorer quelque chose qui change, qui subissait une transformation, et je me suis dit que ce pourrait être le cas de cette femme.
Je comprends.
Pour être plus précise, je voulais exprimer l’idée d’une chose devenue impure regagnant sa pureté. Je me suis arrêtée sur l’idée d’une femme pure qui se trouverait souillée ou corrompue, en quelque sorte, et redeviendrait à nouveau pure. C’est le premier élément de l’histoire dont j’ai eu l’idée. J’ai ensuite passé un mois à me creuser les méninges pour imaginer une méthode grâce à laquelle cette pureté serait restaurée. Tout à fait par hasard, je me trouvais dans un train à grande vitesse avec Hoga quand il m’a fait cette réflexion : “Vous savez, les boîtes-repas ekiben (déjeuners à emporter vendus exclusivement dans les gares) sont vraiment à la mode, en ce moment…” (elle frappe des mains) Cela m’a frappé d’un coup : “Faisons en sorte qu’elle soit obligée de manger quelque chose !” (rires)
Ah… Donc l’idée est venue d’une remarque sur les boîtes-déjeuner ? (rires)
C’est exact. L’acte de manger fait tellement partie du quotidien de chacun que j’étais sûre que cela résonnerait chez les joueurs. J’ai ensuite réfléchi à ce qu’il faudrait lui donner à manger et je me suis dit que s’il s’agissait de quelque chose de vraiment répugnant, cela soulignerait la beauté de l’héroïne.
Cela offrirait un contraste.
Exactement. C’est pour cela que j’ai décidé d’en faire quelque chose d’assez grotesque.
Dans le jeu, une loi interdit de manger de la viande, n’est-ce pas ? Quelle est la réflexion derrière cela ?
À ce moment-là, on entendait parfois des termes comme filles “carnivores” et garçons “herbivores”. Ça a été un facteur. Mais j’avais l’impression que dans la vraie vie, si une fille dévore littéralement sa nourriture devant un garçon, il pourrait ne pas trouver cela très attirant. Je voulais l’image d’une fille qui consomme cette nourriture à contrecœur, j’ai donc eu l’idée de planter le décor du jeu dans un monde où manger de la viande serait interdit. Note de la rédaction : “carnivore” et “herbivore” correspondent aux traductions directes, en anglais, de deux mots japonais en vogue, répandus par la presse populaire japonaise à l’époque de cette interview, et faisant respectivement référence à certaines filles qui approchent activement les garçons et aux garçons qui se laissent passivement aborder par les filles.
Je comprends. Toutes vos idées ont donc une fonction. C’est très intéressant. Il s’agit d’une approche très efficace du game design.
Je le crois. Vous savez comment Mario grandit lorsqu’il mange un champignon. On dirait que Mario et le champignon se superposent simplement et que Mario a grandi, mais le joueur perçoit les choses comme si Mario l’avait vraiment mangé. Cette compréhension instinctive de ce qui s’est passé n’est pas quelque chose que l’on a besoin d’expliquer, c’est pour cette raison que j’ai pensé que les joueurs comprendraient notre objectif, avec cet acte de manger. Pour l’élément d’action du jeu, également, nous avons pris le parti d’utiliser une chaîne car j’étais assez convaincue qu’une chaîne et la peau d’une femme feraient un beau contraste aux yeux des joueurs. En répétant ce genre de procédés, nous construisions l’organisation du jeu.
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