À propos des jeux que vous avez créés tous les deux, dans quelle mesure pensez-vous avoir atteint ce que vous cherchiez à atteindre ? Les gens pensent que les jeux que vous avez créés, « The Last Story » et « Xenoblade Chronicles », diffèrent radicalement des jeux plus typiques de Nintendo créés par Miyamoto-san et d’autres. Qu’aviez-vous à l’esprit en créant ces jeux en collaboration étroite avec Nintendo ? J’aimerais que chacun d’entre vous réponde à ces deux questions. Commençons par vous, Takahashi-san ?
OK. Bien, en ce qui concerne la sortie de jeux sur des consoles Nintendo, au départ, Hatano-san, directeur du département marketing de Nintendo et également dirigeant chez Monolith Soft, a dit que nous devions uniquement produire des jeux avec notre propre style et toujours prendre soin d’adopter une approche romantique. Mais au début, je n’ai pas vraiment compris ce qu’il entendait par là.
Ah, oui. Hatano-san m’a dit la même chose.
Excusez-moi de vous interrompre, mais je voudrais préciser que Hatano-san est chargé de superviser le marketing et les ventes sur le marché intérieur, tout en supervisant le département des licences qui traite avec les fabricants de logiciels. Ce qui signifie qu’il reçoit de nombreuses propositions de jeux de la part des entreprises extérieures. Donc le département marketing était le premier contact pour vous, Sakaguchi-san, et pour Monolith Soft. Une fois le développement lancé, vous avez surtout eu affaire à l’une de nos équipes du Planning et du Développement Logiciel dirigées par Hitoshi Yamagami. J’ai appris par Hatano-san qu’il avait suggéré ce même concept-clé à vous deux : développer les jeux avec une approche romantique.
Xenoblade Chronicles a été conçu comme une exploration de cette approche romantique dans le contexte des jeux vidéo. Mais Nintendo ne nous a pas dit de faire ce que bon nous semblait, mais plutôt de faire ce pour quoi nous étions doués, à notre grand soulagement.
Nous étions catégoriques là-dessus dès le départ. J’en parlais souvent avec Hatano-san et Yamagami-san : il est extrêmement important que les équipes de développement puissent utiliser leurs atouts. Ce concept de départ n’a jamais changé : nous voulions des jeux qui permettent à Takahashi-san et Sakaguchi-san de laisser leur marque. Mais Hatano-san vous a posé une sorte de colle en vous parlant de ce concept d’approche romantique. Il voulait que vous en cherchiez la signification. À mon avis, cela signifie qu’il voulait que vous créiez un jeu dont l’histoire et le monde trouvent écho chez un grand nombre de joueurs et les inspirent. Le message envoyé par Nintendo était d’exploiter vos atouts et d’utiliser toutes vos capacités pour réaliser cette vision.
Au départ, quand nous en étions à déterminer les fonctions du jeu, nous avons évoqué le fait d’inclure des aspects « Nintendo-esques » dans la mesure où le jeu allait être édité par Nintendo. Nous cherchions le meilleur moyen d’ajouter cette qualité au jeu, et comme vous pouvez l’imaginer, ça n’a pas été simple au départ.
Oui, nous vous avons donné du fil à retordre dès le départ. Je pense que nous ne vous avons peut-être pas apporté suffisamment de soutien sur ce point-là. Quand nous travaillons pour la première fois avec des développeurs de jeux, parfois, ils accordent trop d’attention aux aspects « Nintendo-esques » et, au bout du compte, ne parviennent pas à montrer la véritable force de l’équipe de développement. Cette fois, avec Monolith Soft, je pense que nous avons finalement réussi, après plusieurs échanges, à définir une façon de travailler ensemble. C’est la même chose avec vous, Sakaguchi-san. Cette fois-ci, le sentiment de distance entre les deux parties était complètement différent par rapport à l’époque de ASH11. 11 ASH: Archaic Sealed Heat est un RPG sorti sur Nintendo DS au Japon en octobre 2007. Hironobu Sakaguchi a travaillé comme producteur exécutif sur ce projet.
Vous avez raison. C’était complètement différent.
En créant un jeu de la sorte, Nintendo et le Mario Club remplacent le consommateur final et nous cherchons à plaire aux deux. À mon avis, en procédant ainsi, nous avons finalement trouvé une façon efficace de créer le jeu.
Pour reprendre le concept d’empathie que nous venons d’évoquer, vous créiez des jeux de sorte que le champ des personnes qui s’y identifient s’élargisse graduellement. On croit souvent à tort qu’en élargissant ainsi la portée du jeu, on l’affaiblit, mais je ne suis pas d’accord avec cela. Nintendo a essayé de faire montre de sa ténacité, tout comme vous Takahashi-san, au moment de l’achèvement du développement de ce jeu, et je pense que la détermination des deux côtés nous a tous stimulés.
Oui, c’était comme si Nintendo avait bloqué notre porte de sortie. (rires) Je pense que nous avons parfois tendance à juger les choses du point de vue du créateur du jeu, et cela peut donner quelque chose comme : « Regardez, c’est la seule façon d’y arriver, alors ça devra aller. » Mais ce n’est pas le cas. Il est important de voir les choses du point de vue du joueur, ce que Nintendo nous a aidé à faire. En d’autres termes, si quelque chose devait être fait, je devais m’armer de courage et le faire pour que les choses correspondent au mieux au point de vue du joueur.
Dans ce sens, la tâche de Nintendo consiste à s’assurer que vous n’avez aucune porte de sortie. Maintenant que c’est terminé, êtes-vous satisfait d’avoir adopté cette approche ?
Tout le monde est vraiment content, même si c’est loin d’avoir été facile. Ce qui me frappe le plus, c’est quand des amis et parents jouent au jeu et me font un retour positif. Donc je pense sincèrement que Nintendo nous a mis sur la bonne voie et je suis très heureux que nous ayons procédé ainsi. Lors de la présentation de The Last Story, Sakaguchi-san a dit que la phase de débogage avait duré neuf mois, mais je crois que plus de gens travaillaient sur le débogage pour Xenoblade Chronicles ! (rires)
Oh !
Le nombre de combinaisons possibles de quêtes et d’objets impliquait un gros volume de contenu. Mais je pense que les joueurs pourront voir les efforts que vous avez déployés.
Avez-vous toujours eu l’intention d’avoir un tel volume de données dans le jeu ?
En fait, dès le départ, je me doutais que ça finirait ainsi…
Je vois. Donc le jeu était structuré ainsi. Mais à la fin, vous avez réussi à inclure tout ce que vous vouliez, non ?
Oui. Jusqu’à la dernière minute, nous avons ajouté des fonctions majeures.
Oh... Maintenant que mon jeu est terminé, cela me fait rire d’entendre cela. Mais il y a encore peu de temps, cela m’aurait rendu très nerveux. (rires)
Grâce à tous vos efforts, la satisfaction des joueurs a considérablement augmenté, et cela en valait donc la peine.
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