Kondo-san, je crois que j’aimerais bien que vous nous fassiez un petit commentaire sur les dix chansons que l’on retrouve sur le CD audio de l’histoire de Super Mario, aussi connu sous le nom de « Compilation best of de Koji Kondo ».
Très bien.
Et bien sûr, tous les deux, vous pouvez aussi nous dire ce que vous pensez de la musique. On commence ?
Je ne pouvais générer que trois sons à la fois sur le Famicom, mais je voulais créer quelque chose de différent, que ça sonne le plus naturellement possible comme de la musique malgré les contraintes et que ce soit amusant justement parce qu’on n’utilisait que trois sons. J’ai tenté de faire une musique différente selon les lieux : au sol, sous l’eau, sous terre et dans le château.
C’est vrai que chacune sonne différemment.
C’est le thème du premier niveau de Super Mario. La première chose que vous voyez dans le jeu, c’est un énorme ciel bleu et un grand champ. C’est ce que j’ai tenté de représenter par la musique.
Avant la sortie de Super Mario Bros., la plupart des jeux utilisaient un fond noir.
C’est vrai. Ce ciel bleu était vraiment comme une bouffée d’air frais. Je voulais que la musique corresponde à cela, j’ai donc fait l’erreur de créer un air décontracté, comme lorsque vous faites une balade en toute insouciance.
Qu’est devenue cette chanson ?
On l'a abandonnée. J’ai réalisé qu’un air décontracté n’irait pas avec la vitesse de course de Mario et la façon dont il saute. J’ai refait la chanson afin qu’elle corresponde au rythme de ses mouvements. C’est alors devenu le thème du premier niveau.
Vous avez recommencé depuis le début ?
Il y a un son là, comme des triolets. ♪Ti ti-ti…ti ti-tump… J’ai récupéré ça de la première chanson que j’avais faite. J’allais tout refaire, mais lorsque j’ai écrit une nouvelle mélodie et que je l’ai écoutée, j’ai préféré essayer ce son, et ça marchait parfaitement. Cela donnait un rythme encourageant à aller de l’avant. Je l’ai donc gardé tel quel.
Musicalement parlant, c’est très peu commun. Ça fait ♪ti ti-ti ti… Normalement, il aurait fallu changer la mélodie pour que ça fonctionne.
Si vous l’aviez composée normalement, la mélodie aurait aussi suivi ce rythme.
Oui.
On dirait que les éléments ne s’assemblent pas parfaitement, mais en quelque sorte, je crois que ça correspond bien au jeu. Cela a constitué un point très caractéristique pour cette musique.
Elle est vraiment unique en son genre. C’est cette musique qui m’a fait commencer la musique.
Oui. C’est toujours un véritable moteur dans mon travail. J’essaie de la jouer au moins une fois par jour.
Même si vous n’arriviez pas à la jouer quand vous étiez petit ?
Eh bien, heureusement, maintenant j’y arrive ! (rires) Je la joue toujours pendant mes pauses déjeuner.
Ah, c’est le genre de moteur qui implique d’avoir un déjeuner avec.
Oui. (rires)
Super Mario USA10 est inspiré de Yume Kojo: Doki Doki Panic11 sur Famicom Disk System. Il est d’abord sorti aux Etats-Unis. 10Super Mario USA : connu sous le nom de Super Mario Bros. 2 en dehors du Japon, ce jeu d’action est sorti au Japon sous ce nom pour la console Famicom en septembre 1992. Il est inclus dans Super Mario All-Stars Edition 25e anniversaire. 11Yume Kojo: Doki Doki Panic : jeu d’action de Fuji Television sorti au Japon sur Famicom Disk System en juillet 1987.
Ici, il est sorti sous le titre de Super Mario Bros. 2.
Oui. Le jeu que l’on appelait Super Mario Bros. 2 au Japon12 était la suite directe du Super Mario Bros. original, mais à l’étranger, c’était un remake de Yume Kojo: Doki Doki Panic. Lorsque l’on a décidé de le sortir en Amérique sous le titre de Super Mario Bros. 2, la NES (nom du Famicom à l’étranger) n’avait pas la nouvelle source audio du Disk System, donc... 12Super Mario Bros. 2 au Japon : jeu d’action sorti sur Famicom Disk System en juin 1986. A l’étranger, ce jeu est connu sous le nom de Super Mario Bros.: The Lost Levels. Il est inclus dans Super Mario All-Stars Edition 25e anniversaire.
Quand vous dites nouvelle source audio, vous voulez parler de la source audio du Disk System qui proposait un son où la forme d’onde13 pouvait être librement définie. 13Forme d’onde : représente la forme d’un signal sonore. Ainsi, il existe des ondes carrées ou triangles. Les différentes formes d’ondes entraînent différentes qualités audio.
En effet. Je pouvais utiliser quatre sons à la fois avec le Disk System, mais c’était impossible sur NES. Donc lorsqu’on a refait le jeu, j’ai dû faire preuve d’imagination pour compenser. Ensuite, on a refait ce jeu sous le titre de Mario USA…
Vous avez commencé par le remake de Yume Kojo: Doki Doki Panic sur Disk System et l’avez vendu sous le titre de Super Mario Bros. 2 pour NES en Amérique. Puis, vous l’avez refait pour le Famicom au Japon et l’avez sorti sous le titre de Mario USA. C’est un peu compliqué. (rires)
Le Famicom disposait de ce qu’on appelle une modulation delta, ce qui nous permettait de sampler les percussions. Tout seul, ça ne sonnait pas bien, mais lorsque je l’ai utilisé pour les percussions de Mario USA, j’ai fait en sorte d’enrichir le son pour qu’il rende mieux.
Cela fait une sacrée différence de passer de trois à quatre sons. J’imagine que vous vous êtes engouffré dans cette nouveauté afin que personne ne puisse dire que le son était fade.
Oui, c’est ce que j’ai fait.
Le Famicom ne proposait pas beaucoup d’options quant à la qualité sonore. Mais en réglant la fréquence d’apparition de l’onde carrée, en définissant quand elle n’apparaissait pas et en changeant fréquemment, on pouvait générer une variété de qualités audio. Je faisais de la programmation audio à l’époque. Je me souviens d’avoir trouvé diverses façons de créer des sons.
Ah, c’est vrai. (rires) C’était marrant à l’époque d’essayer différentes choses et de voir ce qu’on arrivait à faire.
Ensuite, on a le Thème action de Mario 3. Comme je le disais tout à l’heure, la modulation delta me permettait d’ajouter toutes sortes de percussions et, vu que la capacité de mémoire de la cartouche avait augmenté, j’ai pu intégrer plus de chansons. J’ai donc mis beaucoup de chansons variées. Mais on m’a dit que la plupart d’entre elles n’avaient pas tellement de succès.
Ah, c’est parce qu’avec beaucoup de chansons, chacune d’entre elles a moins d’impact.
C’est vrai. On peut dire que la forte impression que laisse le Thème du premier niveau du Super Mario original planait sur moi. Il a eu une énorme influence sur moi, donc j’ai vraiment lutté avec Super Mario Bros. 3.
Même si vous étiez vous-même l’auteur de cette musique, cela a dû être difficile de la dépasser. Elle avait fortement marqué tant de gens. Vous avez donc dû lutter contre vous-même.
Oui. Lorsque j’ai fait la musique du Super Mario Bros. original, je ne voyais pas ça comme un air de style latino, mais les gens autour de moi m’ont dit que ça sonnait un peu latino ou jazzy. J’ai donc fini par m’y faire aussi. Donc quand j’ai fait la musique de Mario 3, je voulais faire quelque chose qui ne sonne pas latino, mais plutôt reggae.
Vous pensiez à ces chansons en termes de genre.
Oui. Je les ai conçues en ayant un genre en tête. J’ai testé une version reggae du Thème du premier niveau, mais maintenant que j’y pense, je ne sais pas si c’était une bonne idée. (rires) Cela ne correspondait pas tout à fait au rythme du jeu.
Vous aviez conçu le Thème du premier niveau du Super Mario original pour que cela corresponde au rythme du jeu, mais pour cette fois-ci, le reggae ne correspondait pas vraiment au rythme.
Mais c’est vraiment une super chanson !
Je suis complètement d’accord.
En fait, il y avait une autre chanson possible. Jusqu’à la toute fin, Tezuka-san, Miyamoto-san et moi nous demandions laquelle nous allions choisir. Ainsi, Super Mario Bros. 3 a été une vraie lutte.
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