3. Connecter les esprits

Iwata :

Bien, parlons maintenant des personnages. Ishikawa-san, quelle sorte d’échanges aviez-vous avec Retro ?

Ishikawa :

Nous avons commencé par faire en sorte que les personnages des différentes versions puissent tous piloter le même kart. Et dans ce jeu, il y a une nouvelle fonction de « vol », ce qui signifie qu’une aile est accrochée en haut du kart. Il fallait donc éviter que la tête des personnages ne cogne contre celle-ci. De plus, les personnages doivent bouger de façon dynamique. Retro a créé les animations pour le pilotage sur les circuits, le lancer d’objets et ce qui se passe après un crash. Nous étions limités pour tout ceci et nous avons longuement discuté sur la façon de rendre les personnages dynamiques en respectant ces limites au fur et à mesure que Retro progressait dans l’animation.

Iwata Asks
Iwata :

Ça n’a pas dû être facile ! Vince-san, comment avez-vous géré ce problème ?

Vince :

(rires) C’était un sacré challenge. Les personnages étaient tous de tailles différentes et nous voulions obtenir des animations très expressives pour un grand nombre d’entre eux. Souvent, nous placions l’aile au-dessus et nous voyions la tête dépasser… Ishikawa-san et moi avons effectué beaucoup d’ajustements, mais c’était vraiment intéressant et amusant.

Iwata :

Au final, les personnages bougent de façon dynamique et naturelle, mais vous avez dû surmonter de nombreux problèmes pour y parvenir.

Ishikawa :

En effet. Cette fois-ci, nous devions aussi intégrer les spécifications des

Video: actions de saut

Bien, parlons maintenant des personnages. Ishikawa-san, quelle sorte d’échanges aviez-vous avec Retro ?
actions de saut 14, ce qui nous a donné du fil à retordre. (rires) Pour les actions de saut, les mouvements devaient être encore plus visibles, mais quand nous avons commencé à travailler là-dessus, les personnages étaient déjà à deux doigts de se cogner contre l’aile. 14Actions de saut : actions qui se déroulent lors des courses dans la série Mario Kart. Une fois que vous avez sauté, ces actions permettent au personnage d’accélérer une fois qu’il atterrit.

Vince :

Ishikawa-san a été très patient avec notre équipe d’animation et nous. Il en a été de même pour la création des personnages : pour chaque personnage que nous avons fait, nous nous entretenions avec les graphistes et quand nous pensions que c’était bon et que nous l’envoyions, Ishikawa-san nous indiquait un détail à changer et nous disions alors : « Ah, nous ne l’avions pas vu, ça ! »

Iwata Asks
Iwata :

Au final, il semble que vous n’avez fait qu’un, comme si EAD avait eu une filiale au Texas. Ichijo-san, qu’est-ce qui a fait que vous ayez pu gérer ça ?

Ichijo :

Je crois que… c’est grâce au yakiniku que nous avons mangé ensemble. (rires)

Tous :

(rires)

Ichijo :

Et il faut dire aussi que Retro adore Mario Kart et qu’ils étaient tous très enthousiastes. C’est sûrement pour ça que nous avons tous pris la même direction.

Iwata Asks
Iwata :

Ça rappelle la façon dont vous avez géré Donkey Kong Country Returns.

Ichijo :

Oui, c’est vrai. C’était exactement pareil.

Tom :

Honnêtement, je ne sais pas comment nous aurions fait sans Ichijo-san. Il nous envoyait des captures d’écran d’outils qui étaient encore en japonais, avec des notes indiquant les fonctions des boutons. Il nous aidait non seulement à traduire les textes, mais aussi le ressenti et les objectifs que nous essayions d’atteindre. J’ai quitté le projet vers la fin pour passer sur autre chose, et Bill Vandervoort qui est arrivé pendant le processus et travaillait très étroitement avec Ichijo-san a eu le même sentiment que moi.

Ichijo :

Merci !

Iwata :

En règle générale, les gens pensent que l’interprétation consiste à traduire un mot d’une langue vers une autre, mais le plus important, c’est de connecter les esprits. Retro a saisi la fascination qu’exerce Mario Kart dès le début et a eu envie de travailler dessus. Ensuite, lors d’un yakiniku, chaque équipe s’est libérée de ses appréhensions envers l’autre et au fil des semaines, nous avons gardé un contact étroit pour partager notre ressenti du projet. Je pense que c’est pour cela que nous avons réussi à gérer les problèmes ensemble.

Tous :

(acquiescent de concert) Oui, c’est ça.

Konno :

Ça c’est aussi bien passé pour une autre raison. Retro a trois divisions de conception : celle des niveaux, celle des graphismes et celle de l’animation, et je pense que ça génère un bon équilibre. Cette fois-ci, nous avons demandé à Retro de s’occuper de la conception, et en règle générale, j’ai l’impression que les concepteurs de niveaux américains maîtrisent bien les outils 3D et savent les utiliser pour assembler des circuits. Miyamoto-san nous dit souvent : « Peu importe qu’il s’agisse d’une boîte ou d’un paysage miniature. Il faut d’abord savoir si ce sera intéressant quand ça bougera. » Et il y a justement des membres de chez Retro qui créent ce genre de choses. Ils pensent à différentes choses et travaillent sur un tas d’idées au fur et à mesure qu’ils créent un circuit. Ça s’est passé de cette manière pour ce jeu. Ils ont construit des choses, les ont défaites et les ont reconstruites et ils n’hésitaient pas à travailler très dur.

Iwata Asks
Iwata :

Quand je vous écoute, j’ai le sentiment que Retro et l’équipe de Mario Kart 7 ont travaillé ensemble à merveille parce que Retro a su exploiter l’expérience qu’ils ont acquise en travaillant sur les jeux Metroid Prime et Donkey Kong Country Returns. Qu’en pensez-vous, Tom-san ?

Tom :

C’est sûr qu’à force de travailler avec Nintendo et le groupe SPD, nous avons fini par comprendre la philosophie de Nintendo. Et nous essayons toujours de perfectionner nos connaissances sur la façon dont Nintendo fait ses jeux. Ça s’est poursuivi en travaillant avec EAD et en découvrant qu’ils partagent la même philosophie. Et même si nous n’avions jamais travaillé ensemble auparavant, nous avons eu l’impression du contraire.

Iwata :

Tanabe-san et Konno-san ont tous appris auprès du même mentor, Miyamoto-san, alors ils partagent sûrement la même vision sur la création de jeux. Il semble que la distance entre l’équipe de Retro et nous se soit grandement réduite. Combien de fois l’équipe japonaise s’est-elle rendue au Texas pour des réunions ?

Konno :

J’y suis allé une fois, Morimoto-san deux fois et Ishikawa-san une fois.

Iwata :

Dites-nous ce que vous pensez du Texas. Ichijo-san, vous connaissez certains membres de l’équipe de Retro depuis longtemps maintenant, non ?

Ichijo :

Je suis assez proche des trois qui sont avec nous aujourd’hui, car je les connaissais déjà avant. Cette fois, j’étais en étroite collaboration avec d’autres membres d’équipe là-bas, alors j’ai pu me rapprocher de Retro dans son ensemble. Je suis ravi de cela.

Ishikawa :

J’ai trouvé que le développement dans le studio de Retro était très différent de chez nous, chez EAD. Chez Retro, j’ai trouvé que chaque membre d’équipe avait beaucoup d’espace. Chacun a des objets liés à ses loisirs sur son bureau et ça donne un air très joyeux au studio de développement.

Morimoto :

J’ai mangé un steak délicieux là-bas et je me suis dit : « Je crois que je pourrais vivre ici ! »

Iwata :

Je vois. (rires)

Konno :

L’air était sec et l’environnement de travail était agréable. Mais… Tanabe-san a dit : « Ils ont des tatous ici ! », alors je voulais en voir un, mais je n’ai pas réussi. (rires)