Tezuka-san en a parlé un peu avant, mais au début, on pensait que la terre, la mer et le ciel constitueraient les niveaux du jeu. Mais à un certain moment, on a failli abandonner l’idée du ciel.
Vous avez failli laisser tomber les niveaux dans le ciel ?
Et oui. On avait fait à peu près à la moitié de ces niveaux où Mario pouvait grimper sur les nuages. Ensuite, en partie à cause des limitations de mémoire, on a abandonné. Mais comme Tezuka-san tenait vraiment aux niveaux dans le ciel, on s’est arrangés pour les ressusciter en leur ajoutant des plantes grimpantes.
C’était donc votre idée, les plantes grimpantes, Tezuka-san ?
Absolument. J’ai pensé que nous pouvions avoir quelque chose dans l’esprit de Jacques et le haricot magique dans Super Mario. J’ai simplement suggéré que ce serait bien si Mario pouvait grimper le long d’un haricot magique pour atteindre le monde dans le ciel. Miyamoto-san a ensuite utilisé cette idée et a trouvé cette fonctionnalité qui fait que le joueur doit taper un bloc pour faire pousser la plante grimpante .
C’était un vrai travail d’équipe.
Mais tandis qu’on arrivait à faire monter Mario dans le ciel, on avait un nouveau problème : comment le faire redescendre.
On n’avait aucun moyen pour faire descendre Mario du ciel. C’est pourquoi au début, on a pensé qu’on pourrait le faire sauter. Mais en temps normal, personne ne penserait à le faire sauter pour redescendre.
On aurait peur de perdre un tour, non ? (rires)
Exact. On était vraiment embêtés avec ça jusqu’à ce qu’un jeune membre de l’équipe trouve l’idée de mettre des pièces dans les airs...
On a pensé que ça inciterait les joueurs à sauter ! (rires)
(rires)
En y repensant maintenant, cela n’a l’air de rien.
Mais en plaçant les pièces dans les airs, cela encourageait les joueurs à sauter dans leur direction. Ainsi tout le monde pouvait redescendre au niveau du sol.
Dans Super Mario, le joueur a confiance : quelle que soit la hauteur, s’il y a des pièces, cela veut dire que l’on peut les récupérer sans se faire mal. Si le jeu avait été développé par des gens un peu plus cruels, cette fonctionnalité aurait pu être utilisée pour piéger le joueur et lui faire perdre un tour. Mais si cela avait été le cas, personne ne sauterait vers les pièces, même si tout le monde aimerait bien en avoir. Mais dans Super Mario, vous avez établi ce niveau de confiance : « Si je saute pour prendre les pièces, rien de mal ne peut m’arriver. » C’est comme ça que les joueurs ont pu revenir au niveau du sol sans la moindre hésitation.
C’est vrai.
C’est pourquoi au cours du développement, on se disait souvent : « On ne peut pas décevoir les attentes du joueur. »
Oui, on se disait des choses comme : « Bien, le joueur a dû lutter pour en arriver là, alors ce ne serait pas juste de ne pas lui donner un petit coup de main... »
On se disait des choses comme ça, c’est vrai. On se disait aussi : « Ça va gâcher tout le plaisir du joueur, alors on oublie ça. »
J’ai l’impression que tout au long de la série, les jeux ont été conçus dans un état d’esprit très engagé pour ne pas « décevoir les attente du joueur » ou « gâcher son plaisir ». Mais avec la Famicom, vous deviez gérer un grand nombre de contraintes. Avez-vous beaucoup tâtonné pour y parvenir ?
Oui, bien sûr. Par exemple, nous avons dû afficher tous les graphismes à l’écran à l’aide de 256 composants seulement.
Oui, c’est vrai. Plus tard, un nouveau circuit intégré permettrait d’augmenter la quantité d’octets disponibles. Mais à l’époque de Super Mario, la Famicom n’autorisait que 256 composants par cartouche de jeu, chaque composant était composé de 8 points par 8.
En effet. C’est pourquoi on s’est efforcés de faire des objets qui prennent le moins d’espace possible.
Et Tezuka-san faisait des choses comme d’ajouter des ailes aux Koopas et suggérer qu’on les appelle les Paratroopas ! (rires)
(rires)
On utilisait la même image pour les nuages et l’herbe, on en changeait simplement la couleur.
Les nuages et l’herbe ont l’air d’être des objets distincts, mais en fait ils utilisent tous deux les mêmes éléments graphiques.
Oui. C’était marrant cette époque où on devait trouver des idées comme ça.
Même avec les champignons et les fleurs, on cherchait à limiter le nombre d’octets utilisés. Alors on dessinait la moitié de l’objet et on inversait cette moitié pour l’afficher.
C’est pour ça que ces objets sont tous symétriques.
C’est aussi vrai pour les étoiles. Elles sont symétriques. L’avantage, c’était que l’on pouvait avoir un objet deux fois plus grand en n’utilisant que la moitié des octets.
Donc tout cela, c’était des moyens de limiter le nombre d’octets que vous utilisiez.
Exactement. On a trouvé toutes sortes d’objets, en essayant toujours de limiter les octets que l’on utilisait. Ensuite, à la toute fin, on a fait le Goomba .
Vous plaisantez ! Vous avez fait le Goomba en dernier ? (rires)
Tout à fait. Maintenant, il joue un rôle très important dans le jeu, mais au début, on n’avait en fait que les Koopas. Ensuite, quand on a demandé aux gens de jouer au jeu, ils disaient que ce n’était pas évident d’être confronté à des Koopas dès de le départ.
En effet, pour vaincre les Koopas, il faut s’y prendre en deux étapes.
On a donc décidé que l’on devrait faire un ennemi facile à vaincre en un seul coup. C’est pour cela qu’on s’est arrangés pour que le premier ennemi que rencontre le joueur soit un Goomba. Mais nous l’avons créé à la toute fin du projet.
Mais au moment où nous avions décidé de faire le Goomba, il ne nous restait presque plus d’octets.
Et vu que c’était un ennemi, il fallait que ce personnage ait des mouvements.
C’est pourquoi en le faisant tourner de la gauche vers la droite, on a réussi à donner l’impression qu’il marchait. C’est pour cela que le corps des Goombas est légèrement penché.
Je vois. Vous avez donc doublé une seule image.
En procédant ainsi, on dirait qu’il trottine.
Au fait, est-ce une coïncidence si le Goomba ressemble à un champignon ?
C’est un champignon shiitaké !
C’est un shiitaké ? (rires) Ce n’est donc pas un cèpe du châtaignier ?
Pas du tout. (rires)
Mais, revenons à nos moutons... (sur un ton plus sérieux) Le Goomba est vraiment la dernière chose que vous ayez faite sur le projet ?
(rires)
J’avoue être plutôt surpris ! Voilà une autre chose que je ne soupçonnais pas du tout ! (rires)
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