À présent, Takizawa-san, j’aimerais m’entretenir avec vous de la conception des boss et des ennemis.
Très bien.
Comment avez-vous commencé à créer les boss pour un jeu Legend of Zelda ?
En règle générale, je reçois d’abord d’Aonuma-san les spécifications des ennemis et je réfléchis à leur conception et à leurs fonctions. Ensuite, une fois les « specs » un peu rassemblées, je vais voir Morita-san chez SRD et je lui demande de les animer.
Je ne lui ai donné que l’arc de base du personnage.
La manière dont le boss apparaît est le début de cet arc, sa manière d’attaquer est le développement, la façon de le vaincre est le tournant et la façon dont il disparaît est la conclusion.
C’est cela. J’ai simplement fourni une trame et Morita-san et Takizawa-san lui ont donné une consistance réelle, tandis que j’attendais avec impatience de voir comment cela rendrait. Mais au tout début du développement, j’étais un peu hésitant et je faisais certains dessins moi-même.
Hein ? Vraiment ?
Oui. J’ai jadis été concepteur moi-même. (rires) Mais un jour, j’ai montré l’un de mes dessins à Takizawa-san en lui disant : « Je veux que vous fassiez un ennemi comme celui-ci. » Il m’a coupé en me demandant : « Aonuma-san, pourriez-vous s’il vous plaît arrêter de faire vos propres dessins ? »
Et pourquoi cela ?
Je me suis dit: Mais pourquoi ? et j’ai demandé si mes dessins étaient vraiment si mauvais. Il a déclaré que cela solidifiait une apparence, alors qu’il préférait être libre de dessiner ce qu’il voulait.
Takizawa-san voulait partir d’une feuille blanche pour dessiner les boss.
Désolé… Mais oui.
Mais je voulais vraiment qu’il suive ce concept ! J’étais totalement abattu. (rires)
(rires)
Oh, je suis vraiment désolé. J’étais jeune et insolent.
Il n’y a pas de problème. Grâce à des ressentis aussi forts, nous avons réussi à avoir de nombreux ennemis avec des traits marquants. En réalité, Takizawa-san et Morita-san ont produit pas mal de choses qui dépassaient ce que j’avais jamais pu imaginer.
Takizawa-san et Morita-san, comment avez-vous procédé pour travailler ensemble ?
Dans les faits, j’étais un petit nouveau et Morita-san était déjà aguerri, je faisais donc des allers et retours chez SRD comme si j’étais en formation sous ses ordres.
À l’époque où nous étions dans les locaux de l’ancien siège?7 7. Ancien siège : actuellement, le Nintendo Kyoto Research Center situé à Higashiyama Ward, dans la ville de Kyoto. En 2000, a déménagé son siège à Minami Ward, ville de Kyoto.
C’est exact. SRD se trouvait dans un bâtiment distinct de celui de l’EAD. On pouvait s’y rendre à pied, c’était très agréable, alors j’y allais tout le temps.
Parce que c’était agréable ? (rires)
Oui. (rires) Je donnais des explications sur les ennemis à Morita-san et il assemblait immédiatement le programme. Je jetais un œil et disais : « Pourriez-vous faire ceci un peu plus... » et 15 minutes après environ, il me montrait le nouveau mouvement. Nous avons fait cela sans arrêt. Je crois que le temps important consacré à ces allers et retours a été très formateur. J’ai appris à faire des choses comme si je jouais à la balle.
C’était alors votre quatrième année ici ?
C’était ma troisième année.
C’est une expérience très précieuse lors d’une troisième et d’une quatrième année. C’est un peu comme si vous étiez devenu l’apprenti de Morita-san, qui était dans cette industrie depuis les débuts de la console Famicom.
C’est très juste.
Vous vous entraîniez avec votre maître en lui lançant la balle, et lui répondait en vous la lançant à son tour mais d’une manière inattendue. Même s’il était plus âgé que vous, vous avez dû faire preuve de l’insolence de la jeunesse et avoir envie de le remettre à sa place. (rires)
Oui, c’est vrai. (rires) C’était pour moi un privilège d’apprendre de lui, mais j’avais aussi très envie de ne pas le laisser me battre, alors j’avais envie de le remettre à sa place, en effet.
Nous avons beaucoup parlé de choses totalement indépendantes du jeu.
Oh, c’est vrai. Il m’a appris plein de choses sur la pêche. (rires) Si je l’interrogeais sur la programmation, en revanche, comme je n’avais jamais étudié ce genre de choses, je ne comprenais pas tout. Mais quand il me montrait certains mouvements de personnages incroyables, je ne pouvais m’empêcher de poser des questions et de demander : « Comment faites-vous ça ? »
Les programmeurs sont des gens qui adorent qu’on leur demande : « Comment faites-vous ça ? » (rires)
Vraiment ? (rires)
Oh oui ! (rires)
Vous ne vous dites pas : « Si on ne sait rien sur le sujet, alors autant ne pas demander ? » ou quelque chose comme ça ?
Non, non. Je crois qu’on a envie de trouver un moyen d’expliquer les choses pour que les gens comprennent.
C’est mon cas. Bien sûr, cela dépend de quoi il est question.
Oui, certaines choses ne sont pas faciles à expliquer.
Un exemple dans The Legend of Zelda : Ocarina of Time : le boss Volcania, qui ressemble à un dragon .
Oui. Le boss du Temple du feu.
Volcania est un dragon, par conséquent, il ondule et s’entortille. Je n’ai donné à Morita-san que les éléments modélisés du dragon, mais il l’a immédiatement mis en mouvements. Qu’il réussisse à faire cela était pour moi un mystère.
Vous étiez impressionné et vous disiez : « Je ne comprends pas, mais ouah ! »
Oui. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander comment il faisait. Il m’a dit que c’était la même chose que la programmation pour Star Fox 64. Il y a une scène dans laquelle un autre avion de chasse poursuit l’Arwing et…
(intervenant) Oh, ça ? C’est vrai ! C’est la même chose !
J’aurais dû me douter que vous relèveriez tout de suite ! (rires)
Parce que c’est un programmeur, lui aussi ! (rires)
Mais quand j’ai entendu ça, je n’ai pas tout compris. Je me suis juste dit : « Ouah, c’est cool… »
La manière dont se déplace le chasseur en vol et les mouvements de Volcania sont exactement les mêmes.
J’ai pu le faire aussi facilement en remplaçant le chasseur par le dragon.
Je me disais : « Incroyable ! » et « Je comprends » et chaque jour, c’était un plaisir de m’émerveiller de tout cela.
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