Comment décririez-vous New Super Mario Bros. Wii aux lecteurs de cette interview ?
Je dirais qu’on a réussi à produire un titre qui saura faire apprécier les principes de base des jeux Mario aux joueurs peu sûrs d’eux tout comme aux vrais pros de la manette. Je pense qu’on peut le résumer ainsi.
Vous dites ça de façon décontractée et naturelle, mais le fait d’arriver à ce résultat doit être le fruit d’un travail incroyablement difficile.
Mon objectif avec cette version Wii de New Super Mario Bros., c’est d’en vendre encore des exemplaires un an après sa sortie, tout comme c’est le cas pour la version DS. Je voulais que ce jeu devienne un incontournable pour les possesseurs de Wii. J’ai investi une masse d’énergie phénoménale pour y parvenir.
Selon vous, qu’est-ce qui fait la différence entre un jeu qui continue de se vendre même un an après sa sortie et un jeu qui n’y parvient pas ?
Je pense qu’un jeu devrait devenir comme un bon outil, les gens devraient s’habituer à toujours en avoir un à portée de main. Aussi, il faut qu’il comporte des éléments que les gens pourraient découvrir à chaque session de jeu et dont ils auraient envie de parler aux autres…
Il faut que le jeu comporte des éléments qui alimentent les conversations.
Oui. C’est important que les interlocuteurs comprennent de quoi il est question et que le joueur découvre de nouvelles choses. Ainsi, même si vous jouez depuis un moment et que vous mettez le jeu de côté, si un ami passe chez vous, vous aurez certainement envie d’y rejeter un œil et d’y rejouer. Je crois aussi, qu’il est primordial que la sensation de jeu soit inoubliable et qu’elle vous procure quelque chose que vous ne trouvez pas dans les autres jeux. J’imagine qu’on appellerait ça l’atmosphère du jeu, ou son « essence »… Je crois que le terme « essence » définit bien cette idée.
« Essence »… ?
Eh bien oui, les grands films ont bien une sorte d’« essence » distinctive, non ? Et je ne parle pas de mettre le feu au cinéma bien sûr ! (rire) Il existe une sorte d’« essence » que l’on peut ressentir sur certaines images.
Vous évoquez là une sorte de sensation unique et distinctive…
Je crois que lorsqu’une chose suscite de grandes émotions, ce que l’on ressent pourrait être appelé « essence ». Je veux faire un Mario afin qu’il ait sa propre « essence » distinctive, son « essence » mario-esque. Je voulais créer une œuvre qui stimule les cinq sens au maximum. Si vous arrivez à faire ça, alors le fait de jouer au jeu, ne serait-ce que de temps en temps, vous procure un vrai bonheur. Il existe des jeux qui peuvent vous plaire pour une courte durée mais que vous oubliez vite, peu importe l’enthousiasme qu’ils ont pu susciter en vous.
Aujourd’hui, vous nous avez parlé d’« essence ». Mais vous évoquez aussi souvent la « sensation » spécifique d’un jeu.
C’est vrai.
Selon vous, d’où provient la sensation particulière qu’un jeu peut procurer ? Qu’est-ce qui donne à un jeu cette sensation mario-esque à votre avis ?
Eh bien selon le jeu, vous pouvez avoir besoin du joystick ou de la manette +. Dans tous les cas, les fonctionnalités matérielles sont les mêmes. Cependant, selon le jeu, la sensation que vous avez en appuyant sur les boutons est différente. C’est là que tout se joue. Ce serait mentir que de dire que Nintendo a gardé les mêmes commandes pour Mario de génération en génération. En fait, nous les avons refaites pour chaque jeu.
Mais au final ce sont vos propres sensibilités personnelles qui font la différence, n’est-ce pas, Miyamoto-san ?
26 Super Mario World est un jeu de plates-formes sorti en novembre 1990 au Japon en même temps que la Super Famicom. C’est le quatrième titre de la série.
(rires)
Je disais aussi : « Ouah ! Les titres récents sont vraiment bien faits. C’est impressionnant ! » (rires)
Je suis sûr que vous voyez le passé en rose ! (rires) Cette « sensation » dont vous parlez est une chose qui change au fil du temps aussi. Ce n’est pas quelque chose d’universel et d’immuable.
Vous avez raison. Et il faut y ajouter le fait qu’à présent nous pouvons voir les choses à un niveau de détail très poussé. Dans le temps, il fallait en quelque sorte s’imaginer les détails, alors qu’aujourd’hui, vous pouvez vraiment voir tous les détails… Mais, ce n’est pas parce qu’une chose a été faite dans le souci du détail qu’elle est forcément toujours meilleure. Je suis même prêt à affirmer que parfois, la codification et la simplification rendent les choses plus claires, tandis qu’à d’autres moments, l’expression d’une chose dans ses moindres détails est plus agréable.
Cette variation est importante on dirait.
On peut dire la même chose de l’audio. Il faut savoir varier et ne pas utiliser que des effets issus de banques de sons. Avec Zelda, lorsqu’on a utilisé un effet issu d’une banque de sons pour les bruits des rochers, cela sonnait terriblement réaliste.
Vous prêtez une attention particulière aux effets sonores. C’est peut-être parce qu’ils ont un impact sur la « sensation » générée par le jeu.
C’est vrai. Les effets sonores sont d’une extrême importance pour moi. Prenez par exemple Mario hélice qui fait son apparition dans ce jeu. Je trouvais qu’il y avait quelque chose de bizarre dans le son de cette hélice. J’ai donc demandé à l’équipe son de revoir ça. Mais apparemment ça leur a causé pas mal de soucis.
Ils ne savaient pas exactement comment le revoir ?
Je leur ai donc expliqué : « Essayez de faire en sorte que ça sonne comme un scarabée qui vole ! »
Un scarabée ? (rires)
Alors ils m’ont dit : « Merci d’avoir expliqué ça si clairement ! On est dessus ! » (rires) Ils ont donc revu le son, mais, comme vous pouvez vous en douter, le résultat était complètement différent de ce que j’imaginais. Alors, je leur ai dit : « Oublions l’idée du scarabée un moment… » (rires)
(rires)
L’équipe son ne savait plus quoi faire. Alors je leur ai demandé en quoi était faite l’hélice.
Vous leur avez demandé de quelle matière l’hélice était faite ?
Bien sûr, un costume avec hélice intégrée au casque, ça n’existe pas dans la vraie vie !
(rires)
Je leur ai donc demandé : « Mais d’ailleurs ça fonctionne comment ? Comme une locomotive ou un moteur de voiture ? »
Voilà une info qui ne devait pas figurer dans le cahier des charges du jeu. Je suis sûr que c’est une chose à laquelle ils n’avaient pas du tout pensé, est-ce que je me trompe ? (rires)
Ils m’ont dit qu’ils n’avaient aucun moyen de répondre à cette question. Je leur ai ensuite dit : « D’accord, mais si vous deviez choisir un mode de fonctionnement, vous diriez locomotive ou moteur de voiture ? Ou peut-être quelque chose d’hybride ? »
Vous avez donc insisté avec vos questions afin de trouver le bon son correspondant à l’image que vous aviez en tête !
Si on ne se décidait pas sur un son précis, il aurait été impossible de discerner la différence entre les moments où l’hélice tourne lentement et les moments où elle tourne vite.
Je vois.
Après avoir posé tant de questions, j’ai réalisé que ce qui faisait tourner cette hélice devait être assez lourd. C’est pourquoi je leur ai dit : « Et vous ne pensez pas que ce serait mieux si Mario penchait un peu la tête ? »
(rires)
De là, tout plein d’idées sont nées. Des choses comme : « Il faudrait peut-être qu’on fasse une sorte d’attaque au casque. » En essayant de rassembler les choses de façon naturelle, tout se connecte et de nouvelles idées peuvent voir le jour… C’est en laissant libre cours aux choses que cette créativité intervient ! (rires)
En laissant libre cours aux choses la créativité intervient ! (rires) Par curiosité, qu’avez-vous finalement choisi comme son pour Mario hélice ?
Lorsque vous faites tourner une hélice à la main, cela produit une sorte de son « Vroum ! Vroum ! », non ? Mais nous avons pensé qu’il n’y aurait certainement pas d’essence dans le moteur de Mario hélice. C’est pourquoi on a finalement choisi une hélice qui « ronronne » .
Je vois.
C’est un moteur qui est plutôt dynamique, peut-être une sorte d’hybride… Ou est-ce que ce serait un moteur électrique qui pourrait s’activer à la main ? Je crois que nous ne sommes pas encore fixés sur ce point.
(rires)
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