L'an dernier, à la sortie de la Wii, nombreux étaient ceux qui réclamaient un Mario en 3D. Et il y a aussi des gens qui disent que si "Super Mario Sunshine"4 était sorti en même temps que la GameCube, les choses auraient été différentes. Je crois que Mario est condamné à supporter ce destin. Cette fois-ci, "Mario Galaxy" va sortir onze mois après la sortie de la Wii. Pouvez-vous nous dire quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées ?
L'année dernière à l'E35 aux Etats-Unis, nous avons dévoilé "Mario Galaxy" pour la première fois. A l'époque, Miyamoto-san avait annoncé qu'il sortirait dans les six mois suivant le lancement de la Wii. Lorsqu'il a dit ça, j'ai pensé : "Est-ce qu'on va pouvoir y arriver ?"
Mais ce ne fut pas le cas.
En effet, et je suis vraiment désolé pour nos clients qui l'ont attendu si longtemps. Mais ce jeu est le premier Mario en 3D depuis longtemps et nous avions quelques inquiétudes à son égard. Nous pensions que tant qu'elles ne seraient pas réglées, le jeu ne recevrait pas l'accueil qu'il mérite auprès des joueurs. Donc même s'il était important d'essayer de le sortir en même temps que la Wii, il nous a paru encore plus important de créer un jeu qui fasse penser à nos clients : "Ça valait vraiment le coup de l'acheter !" Nous étions si déterminés que nous étions prêts à fermer les bureaux de Tokyo si le jeu recevait de mauvaises critiques.
C'est pourquoi vous avez décidé de prendre un très grand nombre de joueurs test. Pourquoi en avoir pris autant ?
C'est suite à notre expérience sur "Jungle Beat" que nous avons voulu prendre tant de joueurs test. Ce jeu était présenté au Nintendo World6 qui se tenait en 2004. Nous nous étions rendus sur place et avions observé attentivement les visiteurs qui jouaient, et cela nous avait été très utile pour y apporter les dernières mises au point. Ce fut une expérience très enrichissante pour moi en tant que développeur. Cela m'a permis de savoir ce à quoi je devais faire attention dans telle ou telle situation et, pour "Mario Galaxy", j'ai voulu en tirer pleinement profit.
Les jeux d'action en 3D nécessitent-ils donc encore plus de joueurs test que les autres genres de jeux ?
En fait, il y a une époque où je me suis demandé s'il était vraiment possible de faire en sorte que n'importe qui puisse prendre facilement du plaisir en jouant à un jeu d'action en 3D. Lorsqu'on joue dans un environnement en 3D, il arrive souvent que l'on ne sache plus où l'on se trouve et lorsque la caméra bouge toute seule, il n'est pas rare que certaines personnes souffrent du mal de la 3D. Donc, lors du développement de "Mario Sunshine", nous avons préparé différents modes de gestion de la caméra qui permettaient au joueur de la manipuler à sa guise. Mais cela imposait au joueur une tâche supplémentaire pour pouvoir jouer.
Est-ce que vous le regrettez ?
Oui. Et c'est justement pour ça que dans notre jeu suivant, "Jungle Beat", nous avons utilisé une caméra automatique. Nous voulions créer un jeu à défilement horizontal auquel on peut jouer sans se préoccuper de la caméra. Mais je me suis dit qu'en fin de compte, nous n'avions pas du tout répondu au problème de la caméra dans les jeux d'action en 3D.
Pour "Jungle Beat", vous aviez trouvé une solution provisoire, mais ça ne répondait pas au vrai problème. "Super Mario 64"7 au développement duquel vous aviez participé, Koizumi-san, avait été encensé d'un côté, mais il avait aussi été à l'origine de l'apparition d'une catégorie de joueurs ayant du mal avec les jeux d'action en 3D. Vous n'aviez fait que remettre à plus tard la résolution du problème qui était né à cette époque.
C'est comme si j'avais tourné le dos au problème essentiel. C'est pourquoi pour "Mario Galaxy" j'ai voulu m'attaquer de front à l'épineux problème des jeux d'action en 3D. C'est aussi pour ça que j'avais besoin des avis de nombreux joueurs test.
Nous avons donc pris beaucoup de joueurs test et dans un sens, je pense que j'étais le représentant de ces joueurs test. Bien sûr, nous avons fait faire beaucoup d'essais à Miyamoto-san, mais il y a une grande différence entre lui et moi et c'est qu'en fait, je suis moi-même sujet au mal de la 3D.
Le producteur fait partie de ceux qui ont le mal de la 3D ! (rires)
Chaque fois que nous avions quelque chose de prêt, nous le faisions essayer à Shimizu-san. S'il disait : "Non, je ne me sens pas bien", je répondais "Très bien, on corrige ça tout de suite."
C'était un vrai détecteur de mal de la 3D. (rires)
Et je me suis consacré pleinement à mon rôle de détecteur. Quand Miyamoto-san venait et disait : "Il faut des angles de caméra plus extravagants, sinon ça n'aura pas assez d'impact", je lui répondais : "Mais si on fait ça, je vais avoir la nausée." Mais il écoutait rarement ce que je disais. Par contre, si un joueur test disait : "Ça me donne la nausée", là il répondait : "Alors, on va le changer."
Pour Miyamoto-san, l'avis des consommateurs passe bien avant celui de ses collègues.
Néanmoins, chacun est différent et tout ce que nous avons fait, c'est d'intégrer des "angles de caméra qui rendent moins malade". On ne peut pas garantir que personne n'aura la nausée.
Je vois. Mais malgré ça, vous avez fait jouer des personnes extérieures à l'équipe à un jeu encore en développement et vous avez tout fait pour le modifier au mieux en fonction de leurs réactions.
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