C'est donc de cette manière que Xenoblade Chronicles est devenu un jeu qui offre beaucoup de liberté.
Nous voulions que chacun puisse l'apprécier comme bon lui semble, c'est pour cela que nous avons décidé d'accroître la personnalisation. Et je crois que ça a été un succès.
D'un autre côté, il arrive parfois que cette grande liberté prenne un aspect négatif, quand les joueurs se disent : "je ne sais pas quoi faire", ou qu'ils se perdent.
Exact.
Comment avez-vous réussi à maintenir l'équilibre, sur ce point ?
En ce qui concerne le terrain, je crois que l'équipe carte de Monolith Soft est celle qui a apporté la plus grande contribution. À mon avis, c'est là que notre sens du design a vraiment joué.
Mais cela va au-delà de la simple construction d'un terrain agréable : il est conçu de manière àa être aussi fonctionnel.
C'est juste. Par exemple, c'est le scénario qui dicte que vous devez vous rendre à un certain point. Je crois que nous avons fait un bon travail en incluant des lieux qui vous donnent envie de faire un petit détour de temps à autre en vous rendant vers le point en question.
Oh, je comprends. De cette façon, aller quelque part n'est pas juste une corvée : c'est finalement au joueur qu'il revient de choisir quel chemin emprunter.
C'est juste. Je trouve que ça a très bien marché. Nous avons conçu cela de manière à ce qu'après avoir fait un détour, on se dise : "Oh, c'est vrai, j'ai ça à faire", et ça n'est alors plus une telle corvée de revenir à ce point.
Comment avez-vous réussi à créer une carte d'une telle qualité ?
Si l'on regarde en arrière, l'équipe qui a créé Xenogears34 chez Square est celle qui a véritablement constitué le cœur de Monolith. À l'époque, il n'existait pas un seul jeu avec une carte 3D.34. Xenogears : RPG publié par Square (désormais Square Enix), sorti au Japon et en Amérique en 1998.
Exact.
Avec les spécifications de l'époque, on pouvait choisir de faire des personnages en 3D ou une carte en 3D.
Avec les spécifications matérielles, c'était soit l'un, soit l'autre.
C'est juste. Avec Final Fantasy35 ils ont opté pour des personnages en 3D et à la même époque, ceux d'entre nous qui travaillaient sur Xenogears ont choisi de faire la carte en 3D.35. Final Fantasy : Final Fantasy VII: RPG publié par Square (désormais Square Enix) en 1997.
Je vois.
Par la suite, (Yasuyuki) Honne36 est devenu responsable et s'est spécialisé dans le développement de cartes. Ce que nous avons commencé à faire alors a ensuite évolué vers ce que Monolith Soft fait désormais. 36. YasuyukiHonne : Directeur/Membre du comité de direction chez Monolith Soft. Lorsqu'il travaillait chez Square (désormais Square Enix) il a participé au développement de Chrono Trigger, sorti sur Super NES en 1995, exclusivement au Japon et en Amérique. Après avoir quitté Square, il est passé chez Monolith Soft, où il a développé, entre autres jeux, BatenKaitos pour Nintendo GameCube. Il a été impliqué dans plusieurs titres de Monolith Soft en tant que directeur artistique et a développé le concept artistique pour Xenoblade Chronicles.
En ce sens, vous aviez donc dans l'équipe plusieurs personnes très expérimentées dans l'élaboration de mondes que les joueurs pourraient apprécier. Ces personnes ont ensuite commencé à créer des cartes 3D à l'aube des jeux de rôle en 3D. Et c'est ce qui a grandement contribué au niveau de qualité de Xenoblade Chronicles.
C'est juste. Beaucoup de personnes de l'équipe avaient travaillé ensemble chez Square. Et je pense que la combinaison de nos expériences est très importante dans la création d'un jeu.
Autrement dit, ils réfléchissaient aux cartes en 3D depuis bien plus longtemps que la plupart des gens.
Exact. (rire)
La chose la plus importante, c'est qu'ils ont apporté à la table leur expérience considérable et ont vraiment maîtrisé ce monde.
C'est juste.
En ce sens, vous avez, vous aussi, énormément d'expérience. Vous avez une carrière remarquable, Takahashi-san.
C'est vrai. J'ai commencé à faire des RPG il y a 25 ans.
Votre vie, en tant que développeur, a vraiment tourné autour des RPG.
Pour l'essentiel, oui. (rire)
Quel est le premier titre auquel vous avez participé, Takahashi-san ?
J'ai d'abord travaillé chez Nihon Falcom37 et après avoir terminé Star Trader38, j'ai débuté dans les RPG en participant à la création des monstres pour Ys III39. 37. Nihon Falcom : Nihon Falcom Corporation. Société de développement de jeux vidéo à l'origine, entre autres, de la série Ys. Son siège est situé à Tokyo. 38. Star Trader : Jeu de tir et de commerce spatial pour PC, publié par Nihon Falcom en 1989. 39. Ys III: Ys III : Wanderers from Ys : RPG d'action, initialement pour PC, publié par Nihon Falcom en 1989.
À l'époque, Nihon Falcom créait des RPG pour PC.
Exact. J'ai ensuite rejoint Square et travaillé sur les trois titres de la série Final Fantasy que j'ai évoqués tout à l'heure.
Votre approche de la création de jeux est-elle différente aujourd'hui de celle que vous aviez lorsque vous travailliez chez Square ?
Elle est différente, en effet. Je crois que je communique d'une toute autre manière, désormais. Par le passé, je me contentais de dire aux gens : "Faites-le, et c'est tout."
Quand je parle à ceux qui vous connaissaient autrefois, ils semblent avoir gardé l'impression d'un "homme expérimenté, strict et impressionnant, qui, une fois qu'il leur avait appris à faire quelque chose en le regardant, leur disait : 'faites-le, et c'est tout !'' (rire)
Oh, vraiment ? (rire gêné)Il faut dire que... personne ne m'a jamais vraiment appris les choses comme il faut. (Yoshio) Kiya40 et (Masaya) Hashimoto41, avec qui j'ai travaillé chez Nihon Falcom, tout comme Sakaguchi-san chez Square, étaient tous comme ça. Il fallait regarder comment ils faisaient et essayer de comprendre : "Bon, je suppose que je dois faire comme ça." Je n'ai donc pu que me calquer sur leur manière de faire.40. YoshioKiya : Créateur de jeux. Lorsqu'il a été en fonction chez Nihon Falcom, il a travaillé sur des jeux de la série Dragon Slayer, comme Xanadu et Sorcerian. 41. Masaya Hashimoto : a travaillé chez Nihon Falcom sur la série Ys et également sur ActRaiser pour Super NES.
On dirait un univers artisanal.
J'ai vraiment été formé par des artisans. Mais je crois qu'il est très important de toujours apprendre, même si personne ne vous enseigne quoi que ce soit. J'ai beaucoup réfléchi à ce que je devaisdevait faire, et la conclusion a été Xenoblade Chronicles.
L'heure était venue, à la fois pour vous et pour Monolith Soft en tant que société, de créer Xenoblade Chronicles.
Exact.
Votre façon de percevoir la société, le groupe, a-t-elle changé ?
Il y a vingt ans, je raisonnais de la sorte – pour vous donner une image de baseball : "S'il y a un bon lanceur, on peut gagner tant qu'on ne le met pas à la batte."
Ça semble logique.
Mais depuis quelque temps, on préfère penser le "baseball en équipe". Ce que je veux dire par là, c'est que j'essaie de prendre ce pour quoi chacun est doué et d'en faire quelque chose. En 15 ans chez Monolith Soft, j'ai appris que c'était la meilleure manière de faire dans une société.
Disons que vous n'auriez pas pu créer un jeu de l'ampleur de Xenoblade Chronicles avec un seul excellent lanceur. (rire)
C'est tout à fait exact. (rire)
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