Qu’avez-vous pensé de Super Mario Bros. à sa sortie ?
En fait, je ne savais pas qu’ils étaient en train de produire Super Mario Bros. J’avais bien d’autres choses qui requéraient mon attention. (rires)
(rires)
C’était tout à fait caractéristique de mon travail. Je devais toujours penser à ce qui venait après. Qu’aurions-nous fait, par exemple, si la Famicom devait boire le bouillon à un moment ou à un autre ?
C’était juste avant la sortie du Disk System .13 Ce n’est pas comme si Super Mario Bros. avait été commercialisé en grande pompe ou que les ventes avaient aussitôt explosé. 13Le Family Computer Disk System est un périphérique pour Famicom commercialisé en 1986 au Japon. Le support utilisé était des disquettes sur lesquelles le logiciel pouvait être copié pour un coût réduit.
Oui. Je crois qu’assez peu de personnes en avaient entendu parler au début.
À l’époque, les magasins de jeux vidéo avaient commencé à faire leur apparition, mais je ne me souviens pas d’y avoir beaucoup entendu parler de Super Mario Bros. avant sa sortie. En revanche, tous ceux qui y jouèrent furent aussitôt séduits.
Oui. Ce jeu fut un véritable succès.
Quand avez-vous senti que Super Mario Bros. décollait vraiment ?
Je ne me souviens pas de la date précise, mais quelque temps après la sortie de Super Mario Bros., je me trouvais en déplacement d’affaires à Tokyo et, par pur hasard, je séjournais au même hôtel que Yamauchi-san. Une fois rentré à l’hôtel après ma journée de travail, je reçus un coup de téléphone de Yamauchi-san me demandant si on pouvait se voir. Je m’étais dit qu’il se passait quelque chose d’étrange et j’allai le voir. Il me dit que, selon lui, Mario allait être un grand succès.
Ah oui ? Il avait dit ça ? Il avait dû réaliser le jour même que le jeu gagnait en popularité.
Je me souviens encore parfaitement de ce jeu.
Imanishi-san, quand avez-vous compris que cela allait être un grand succès ?
Quand le président d’une autre société nous rendit visite. Je le revois encore nous dire que c’était un jeu incroyable et qu’il serait impossible de faire mieux. En entendant cette personne nous déclarer ça, je me suis dit que c’était effectivement peut-être le cas.
C’était avant la commercialisation du Disk System. Nintendo avait donc pris cette direction, mais je pense que personne au sein de la société n’aurait pensé que nous puissions mettre un jeu d’une telle ampleur dans une cartouche dotée d’une ROM de si petite taille ou que nous en vendrions dans le monde entier. Mais, comme vous avez dit plus tôt, Iwata-san, tous ceux qui jouaient à Mario étaient conquis.
À l’époque, c’était devenu un véritable phénomène social. Tout le monde, enfants comme adultes, parlait de techniques secrètes pour Super Mario.
C’est vrai. J’ai cette photo prise à l’époque...
Oh, une affichette d’un magasin. Que dit-elle ?
« Super Mario Bros. et Portopia Renzoku Satsujin Jiken14 épuisés. Pas de réapprovisionnement prévu. Nous vous présentons nos excuses. » (rires) 14Portopia Renzoku Satsujin Jiken est un jeu d’aventure commercialisé au Japon par Enix, devenu depuis Square Enix, en 1983 sur ordinateur et en novembre 1985 sur la Famicom.
Cet article était paru dans l’Asahi Graph, une publication de l’Asahi Shimbun.
« Faites connaissance avec Super Mario Bros. » Il est daté de janvier 1986, soit quatre mois après la sortie de Super Mario Bros.
Si l’on se base sur l’âge des lecteurs de ce magazine, il s’agit en fait d’un guide de stratégie pour adultes. L’article explique ce qu’il faut faire de manière très détaillée.
Avant la sortie de Super Mario Bros., le parlement s’était penché sur l’influence des jeux vidéo sur les enfants et les articles parus dans les journaux étaient pour la plupart négatifs. Cependant, l’atmosphère joyeuse de Mario épargna ce traitement à la Famicom.
Son entrain irrésistible et le plaisir sans fin de jouer eurent raison des avis négatifs.
Je le pense vraiment. Le jeu n’est pas sinistre du tout. Il est même très gai. Le contenu a du relief. On peut également noter l’importance de la musique. Je pense que c’était un autre facteur important. Quand on parle du jeu à la télévision, vous entendez cette musique. Si vous entendez la musique dans un magasin, vous entrez.
Encore aujourd’hui, lorsque les gens entendent cette musique, cela les ramène à cette époque. Le simple fait d’entendre cette musique vous fait vous retourner et vous approcher.
C’est vrai. Super Mario Bros. était une sorte de point culminant. Je pense que tous les joueurs étaient satisfaits parce que le contenu était si amusant. Il a fallu quelque chose comme 6 mois pour développer Super Mario Bros... Ou était-ce plus ?
Pas 6 mois. Je pense que cela a pris plus longtemps.
Je suppose. Tout à l’heure, j’ai dit que la situation s’était compliquée lorsque beaucoup d’autres développeurs commencèrent à publier des jeux, mais, en fait, je crois que ces jeux nous ont aussi beaucoup aidés.
Au départ, Nintendo devait réaliser tous les jeux, mais, après la sortie de Super Mario Bros., de plus en plus de développeurs commercialisaient des jeux. Nous avions donc plus de temps à consacrer au développement de notre côté.
J’ai eu l’impression que Miyamoto-kun* avait sciemment créé Super Mario Bros. pour la cartouche comme une sorte de pied de nez à tous ceux qui attendaient le Disk System. *Tout comme « san », « kun » est un titre se plaçant après le nom de famille. « Kun » s’utilise généralement lorsque vous vous adressez à une personne plus jeune que vous et « san » est couramment utilisé comme une marque de respect.
Non, ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai ! (rires)
Je pense que Miyamoto-san a vu en Super Mario Bros. l’apogée des cartouches ROM, car, à la même époque, il préparait également Zelda 15 pour Disk System. 15The Legend of Zelda est un jeu d’action-aventure sorti en même temps que le Famicom Disk System en février 1986. Il fut commercialisé sur NES en Europe en novembre 1987.
Bon, d’accord.
Je suis sûr qu’il avait une préférence pour le Disk System, mais Super Mario Bros. a été fait dans les meilleures conditions et, plus important encore, je pense que c’était aussi bien que personne n’attende vraiment ce jeu. Je crois que Miyamoto-san a vraiment aimé faire ce jeu et, quand vous y jouez, vous ressentez ce plaisir de différentes façons. Je pense qu’il y a mis toutes les choses amusantes que la technique lui permettait d’intégrer à l’époque. Vu sous cet angle, je pense que Super Mario Bros. représentait effectivement un apogée. Il avait cependant eu tout le temps de parvenir à tout cela et c’est grâce aux autres producteurs de jeu.
À l’époque où nous étions les seuls à réaliser nos jeux, on nous demandait de sortir un jeu tous les trimestres, comme des distributeurs automatiques, mais, avec l’apparition d’autres développeurs, on nous laissa plus de temps et nous pûmes réaliser des jeux incroyables pour l’époque.
C’est aussi ce que je pense. C’est ma théorie.
L’obligation de devoir créer des jeux était un lourd fardeau.
Le monde est plein d’exemples de la difficulté de rester au même niveau, une fois que vous avez quelque chose de vraiment incroyable. Qu’a Super Mario Bros. de spécial pour que tant de gens l’aiment et soient toujours proches de lui 25 ans après ?
Je ne crois pas qu’à la base, il existe tant de jeux différents. Je pense que Super Mario Bros. a été le premier jeu proposant quelque chose de bien auquel personne n’avait encore jamais pensé.
C’est donc pour ça qu’il a surclassé tous les autres ?
Je le pense.
Lorsque Miyamoto-san fit l’ébauche du personnage de Mario dans Donkey Kong, il l’avait appelé Mr. Video. Je crois qu’il voulait mettre ce personnage dans tous les jeux qu’il ferait, mais avec Super Mario Bros., il créa un personnage qui mériterait effectivement le nom de Mr. Video.
C’est vrai. Je trouve cela incroyable.
Avant Mr. Video, il s’était appelé Ossan (homme d’âge moyen).
C’est vrai ! Ossan ! (rires) Au début, il y avait Ossan et Jumpman. Il ne s’est appelé Mario qu’un peu plus tard.
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