Est-il vrai que, jusqu’à ce projet, Team NINJA avait toujours réalisé ses jeux en interne ?
Tout à fait ! Nous travaillions parfois avec des consultants extérieurs en cinématique tels que Kitaura-san, mais nous réalisions nos jeux avec notre équipe.
Étant donné que vous aviez toujours tout fait vous-mêmes, vous n’aviez pas l’impression d’être à l’étroit dans ce projet ? Travailler avec Nintendo et ne pas pouvoir prendre vos décisions vous-mêmes ?
Pas du tout ! Nous pouvions discuter de tout avec Sakamoto-san tout en réalisant le jeu. Nous n’avions pas l’impression d’être « à l’étroit ». Bien sûr, nous recevions parfois des instructions nous indiquant qu’il serait préférable de faire ce que nous avions fait d’une autre manière, mais plutôt que de nous sentir à l’étroit, nous avions l’impression d’avoir à nos côtés un partenaire très solide qui allait nous aider à améliorer ce que nous avions fait tout seuls.
Cela veut-il dire que votre vision de Nintendo a changé, Hayashi-san ?
Cela peut paraître un peu impertinent, mais je me suis dit : « Nous réalisons des jeux de la même manière que Nintendo. »
Ah, j’étais sûr que vous diriez ça. En fait, après en avoir discuté avec Sakamoto-san, j’ai eu l’impression que votre approche et la nôtre avaient de nombreux points communs. Cela ne se voit pas de l’extérieur, mais vous vous en apercevez lorsque vous commencez à collaborer avec une entreprise.
C’est vrai. Au départ, nous réalisions nos jeux en interne. Certaines valeurs fondamentales proviennent de ce processus. Lorsque Sakamoto-san nous a exposé le concept de ce Metroid, nous avons eu l’impression que ses valeurs n’étaient en rien différentes des nôtres. La devise de Team NINJA pourrait être : « Commençons par essayer quelque chose. » Ainsi, pour ce projet, quand il s’est agi de décider de la manière dont Samus allait se déplacer, nous avons proposé de la montrer en train de courir avant même de réfléchir. Sakamoto-san nous a répondu : « Entendu ! J’ai très envie de la voir courir ! » Pour nous, créer des objets en déplacement avant toute chose et s’en emparer ensuite pour voir ce qui va et ne va pas est la manière la plus simple de faire.
Vous avez toujours procédé de cette façon au sein de Team NINJA ?
Tout à fait ! Ce n’est sûrement pas la façon de faire des développeurs, mais nous n’avons jamais vraiment développé quoi que ce soit que l’on puisse qualifier de cahier des charges détaillé en amont.
En fait, rédiger un cahier des charges détaillé avant même le début du développement n’est pas toujours le procédé suivi pour les projets internes de Nintendo. Personnellement, je ne pense pas qu’on puisse dire qu’un cahier des charges est nécessairement une bonne chose ou non. Selon moi, l’approche appropriée dépend de la composition de l’équipe de développement et du jeu que vous réalisez. Plutôt que d’avoir un plan complet en tête dès le départ et de créer un jeu en suivant le cahier des charges, il y a tant d’éléments dans la réalisation de jeux vidéo que vous devez essayer de faire ou de ressentir avant de vraiment les comprendre. C’est ainsi que Nintendo réalise ses jeux vidéo et c’est pour cette raison que je sais que la meilleure approche ne consiste pas toujours à avoir un cahier des charges bien précis.
Nous nous ressemblons sur ce point. Même si vous avez un cahier des charges clair et net, vous changez votre fusil d’épaule lorsque vous travaillez sur le jeu et ce dernier devient inutile. C’est pour cela que tant de projets sont finalement bien différents du jeu décrit dans le cahier des charges.
Bien. À quoi avez-vous porté une attention toute particulière au cours de la réalisation de Metroid: Other M ?
Ce jeu Metroid nous a permis de réaliser de nombreux essais encore jamais tentés sur les mouvements de Samus et, au départ, nous avions beaucoup de retours du type : « Ce n’est pas à ça que ressemble Samus. » Cependant, donner un air élégant à Samus lorsqu’elle se déplace est ce que nous faisons de mieux. Nous avons donc pu nous donner à fond et parfaire tout cela.
C’était un aspect du jeu sur lequel Team NINJA ne cédait rien, n’est-ce pas ?
Tout à fait ! Une autre chose que je prenais très à cœur, c'était les commandes. Dans les jeux d’action que nous avions réalisés auparavant, presque chaque bouton de la manette permettait aux personnages humains de réaliser toutes sortes d’actions. Ainsi, nous avions l’impression de laisser de côté certains joueurs.Lorsque Sakamoto-san nous a parlé de son concept « une seule télécommande Wii », nous avons compris que c’était une grande opportunité pour nous.
Cette idée est devenue « le jeu NES faisant appel aux toutes dernières technologies » dont vous parliez précédemment ?
Oui, nous nous sommes dit que si nous pouvions réaliser un jeu pouvant être contrôlé à l’aide d’une simple télécommande Wii, nous pourrions également gagner les joueurs que rebutent les commandes trop complexes des jeux d’action en 3D.
Pourquoi teniez-vous absolument à cette idée « d’une télécommande Wii », Sakamoto-san ?
Au départ, Metroid était un jeu destiné au Family Computer Disk System5 et il ne se jouait qu’à l’aide de la manette + et de deux boutons. À l’époque, le système de commande du jeu était simple. La manette + servait au déplacement et les deux boutons au tir et aux sauts . C’est pour cette raison que j’ai voulu réaliser un jeu n’utilisant qu’une télécommande Wii, sans Nunchuk. Même dans un univers Metroid réalisé en 3D, le joueur se sent plus proche de Samus lorsqu’il la commande avec la manette + plutôt qu’avec le stick directionnel. 5Le premier jeu de la série Metroid était un jeu d’action destiné au Family Computer Disk System commercialisé en août 1986 au Japon. Le Family Computer Disk System était un périphérique destiné à la NES japonaise et ‘The Legend of Zelda’ était l’un des jeux disponibles à la sortie de ce périphérique en 1985. En Europe, le premier jeu de la série Metroid a été commercialisé en janvier 1988 pour la console NES.
En d’autres termes, le Nunchuk était incompatible avec la création « d’un jeu NES faisant appel aux toutes dernières technologies » ?
Oui. Cependant, une simple télécommande Wii n’a pas assez de boutons. Nous avons parfois rencontré des problèmes, tel réaliser des actions particulières, qui auraient pu être résolus en connectant le Nunchuk. Cependant, même dans ces moments-là, nous étions tous d’accord que nous laisserions« le Nunchuk de côté ».
Tout à fait !
C’est pour ça que j’ai porté toute mon attention sur « l’automatisation ». Plutôt que d’obliger le joueur à effectuer des commandes complexes, nous devions lui permettre d’effectuer de nombreuses actions à l’aide de la télécommande Wii en « automatisant » certaines actions.
Par exemple, se servir de la manette + pour les déplacements signifie que le joueur ne peut se déplacer qu’à l’horizontale, à la verticale et en diagonale, soit huit directions. Cependant, si l'angle de vue change automatiquement , le joueur ne sent plus ses limites et il peut se plonger dans un jeu 3D qui n’est pas limité à deux axes.
Outre « automatisation », nous avons aussi ajouté l’idée de « réaction ». De nombreuses caractéristiques en sont issues.
Quelles caractéristiques de jeu ont vu le jour à partir de cette idée de « réaction » ?
L’Esquive instinctive par exemple. Lorsqu’un ennemi attaque le joueur, ce dernier essaie naturellement d’esquiver l’attaque. S’éloigner de l’attaque en sautant n’est pas la plus élégante des esquives.
Puisque nous ne pouvions pas utiliser d’autre bouton, nous avons décidé de nous servir de la manette +. En règle générale, la manette + sert au déplacement, mais lorsque le joueur subit une attaque adverse ou lorsqu’un projectile approche, le mouvement ordinaire est remplacé par une Esquive instinctive. Cela permet au joueur de réaliser des esquives de dernière minute .
Le rendu est excellent. Le joueur aura l’impression qu’il joue très bien ! (rires)
J’ai testé le jeu et c’est effectivement l’impression que j’ai eue ! (rires)
Esquiver les attaques de cette manière est vraiment excellent. Un autre point fort de la série Metroid demeure « l’exploration ».
En explorant chaque recoin , le joueur peut découvrir des objets ou je metrompe ?
Tout à fait ! La télécommande Wii pouvant faire office de « pointeur », nous avons décidé d’utiliser cette caractéristique pour l’exploration. Visez pour changer la perspective automatiquement . Nous appelons ça la vue « Observer ». Nous avons utilisé tout l’espace 3D pour cela afin que le joueur puisse apprécier véritablement l’aspect « exploration » de Metroid.
Il est assez simple de progresser sans y prêter attention, mais les objets entourant le joueur contiennent toutes sortes d’informations cachées . Je pense que ce jeu regorge d’endroits que le joueur peut passer sans remarquer au premier abord, avant de revenir en se disant : « Mais... » Selon moi, à certains endroits, les amateurs de Metroid se diront : « Ah ! Là, c’est vraiment du Metroid ! »
« On dirait que je peux passer par ici ! » ou « Ce coin me paraît louche ! » ou même « Et si je mettais une bombe ici ou un Super missile là ? » C’est cette idée de trouver des indices ou d’essayer de nombreuses solutions qui font de Metroid le jeu qu’il est !
Hayashi-san, le fait de mettre en place le système de commande à « une télécommande Wii » s’est-il révélé être un défi à relever ?
Selon moi, oui. Je pense que si l’on vous proposait des boutons dès le départ, vous vous en serviriez. Sur ce projet, nous étions liés par cette idée de « Nunchuk de côté » que nous avions eue dès le départ. Nous avons procédé par tâtonnements, mais je pense que nous avons réussi à créer un jeu qui ne sera pas uniquement apprécié par les amateurs, mais aussi par ceux que les jeux d’action 3D n’attiraient pas. Je pense qu’ils s’apercevront que « même sans tous ces boutons, vous pouvez toujours jouer à ce type de jeu. »
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