L’équipe était douée, je n'en doute pas, mais cela n'a pas été trop difficile de mettre la machine en route ? Venant de différentes entreprises, ayant un bagage différent, ils n’avaient pas tous la même expérience et tu leur demandes du jour au lendemain de venir travailler au développement du nouveau Smash Bros.
Je ne suis pas sûr qu’ils étaient tous sur la même longueur d’onde, mais c’étaient tous de grands garçons ! Ha ha ha ! S’il y a une chose qu’il faut retenir de cette équipe, c’est qu’ils avaient tous envie de travailler sur le nouveau Smash Bros. Je pense que cela nous a permis d’éviter un tas de problèmes.
Si je comprends bien, personne ne venait te dire : « Je n’ai pas envie de travailler sur Smash Bros ! »
Tout à fait. (Rires). Tout le monde y a mis du sien.
Vous savez que ce n'est pas le genre de procédures que je mettrais en place pour un jeu... Je veux dire, pour un jeu normal... Je ne travaillerais jamais ainsi.
Je sais.
Le fait que j’ai donné le feu vert à ce projet dans ces conditions ne reposait que sur un point : la confiance que j’ai en Masahiro Sakurai. Tu es capable de prendre un projet au tout début et d’avoir une idée précise de ce que sera le jeu une fois terminé. Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons déjà travaillé ensemble au HAL Laboratory. Je me souviens que lorsque nous étions sur les mêmes projets, tu avais l’image du produit fini en tête alors que celui-ci n’avait pas encore pris forme. Certains détails étaient si pointus que, en tant que programmeur, je me disais qu'il était impossible de se poser ces problèmes tant que nous n'avions pas le jeu devant les yeux. Au fil du développement du jeu, il devenait évident qu’il fallait prendre en compte tous les problèmes que tu avais soulevés. Je me souviens avoir demandé une fois : « Tu avais vu ça dès le départ ? » C'était il y a une dizaine d'années. Et tu m’avais répondu : « Oui ! » Je m’étais même demandé si tu étais vraiment un être humain. Comme ce genre de situation s’est représenté, j'ai fini par te croire sans poser de question. Je ne sais pas comment, mais tu es capable de visualiser un jeu dans ses moindres détails, comme si, en pensées, il est déjà terminé. Si ce n’était pas le cas, comment aurais-tu pu avoir raison si souvent? Encore maintenant, Masahiro Sakurai, tu es à ma connaissance la seule personne qui peut voir un jeu tel qu’il sera une fois terminé. C’est pour cette raison que je savais que tu saurais centraliser les idées d’une équipe de développeurs talentueux. Sans quelqu’un capable de cette trempe, il faut avoir une très grande confiance en l’équipe ou le projet n’aboutira pas. C’est normal qu'un jeu connaisse des modifications, des changements de cap et, petit à petit, il prend une forme différente de ce que vous pensiez au début. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose et cela arrive tout le temps lorsque vous développez des jeux, mais vous n’obtenez quelque chose de bon que grâce à la confiance que vous avez bâtie au cours d’une longue relation de travail. C’est pour cette raison qu’il est assez inhabituel de recruter une équipe externe pour développer un jeu de cette envergure. Quoi qu’il en soit, c’est aussi pour cette raison que je pensais que tout marcherait.
Ouah... Merci pour cet éloge. (Rires).
Ce n’est pas seulement un éloge. Je savais qu’en prenant cette décision, j’allais te mettre la pression. (Rires).
Ça a été le cas. J’aimerais en profiter pour préciser quelque chose qui pourrait ne pas être clair pour nos lecteurs. Lorsque vous développez un jeu vidéo, il ne s’agit pas d’avoir l'idée finale du jeu et d’arriver à cet objectif petit à petit. En fait, c’est complètement différent et, souvent, vous parvenez à un résultat différent de ce que vous envisagiez au départ.
Très souvent, vous ne comprenez pas ce que quelqu’un vous explique tant que vous n’avez pas commencé à travailler sur le problème en question. Parfois, vous suivez la voie qui, théoriquement, est la bonne et vous ne parvenez à rien de bon. C’est ce que mon expérience m’a appris.
Et si vous vous demandez si j’obtiens le produit que j’avais imaginé au départ, je peux vous répondre que ce n'est jamais le cas. Pour Super Smash Bros. Brawl, par exemple, il y a des éléments qui n’ont jamais été intégrés au jeu.
Je pense que ce sont ces tactiques de développement hors du commun qui ont permis de faire de Super Smash Bros. Brawl ce qu’il est.
(Rires).
Je suppose que pour en arriver là, vous avez dû tous travailler comme des fous.
Je ne vais pas dire le contraire.
Cela nous amène tout droit au volet suivant de notre interview. Peux-tu me dire la première chose qui t’est venue à l’esprit au tout début du développement du dernier Smash Bros. ? (A suivre)
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