Étant donné que nous n’avons pas souvent l’occasion de nous asseoir pour parler de Smash Bros., j’aimerais profiter de la fin de cet entretien pour remonter dans le temps et parler des débuts de la série en 1999, avec le titre Super Smash Bros. sur Nintendo 64. Nous étions tous les deux chargés du développement de ce prototype.
C’est exact. Nous l’avions appelé « Kakuto-Geemu Ryuoh » (Dragon King: The Fighting Game).
À ce stade, nous n’utilisions aucun personnage Nintendo et pendant que tu t’occupais du planning, des caractéristiques, du design, de la modélisation et des mouvements, je travaillais tout seul sur la programmation. A certains égards, c’était vraiment le projet artisanal ultime.
Notre équipe ressemblait à une équipe de développement d’un jeu pour Super Nintendo ! (Rires) Mais nous avions tout de même quelqu’un pour nous aider avec le son.
À cette époque, nous cherchions les moyens de faire le jeu que nous voulions vraiment créer tout en travaillant sur d’autres titres. Tu es venu me voir avec une idée intéressante et je me suis dit que tu devais immédiatement commencer à travailler sur ce projet pour essayer de le concrétiser, alors j’ai essayé de t’encourager en acceptant de faire la programmation et je t’ai suggéré d’établir un plan de développement du projet. Comme nous avions d’autres responsabilités, nous avions du mal à trouver du temps pour travailler dessus.
Si je me souviens bien, vous étiez chargé d’un autre projet qui vous prenait la majorité de ton temps.
Je n’avais pas une seconde pendant la semaine, alors je programmais le week-end. J’assemblais les données et les spécifications que tu m’envoyais, mais le projet a pris forme assez lentement, car nous n’arrêtions pas d’y apporter des modifications. Ceci dit, c’était très intéressant de travailler dessus, car au fur et à mesure que j’intégrais tes idées, le jeu devenait de plus en plus amusant.
Un membre du personnel s’était même plaint que vous ne vous animiez que lorsque tu travaillais sur la programmation de notre projet. (Rires)
Et ils avaient sans doute raison. Ce jeu m’a fait ressentir quelque chose de particulier dès que j’ai commencé la programmation. Mais nous étions tout de même loin de nous douter qu’il prendrait des proportions aussi épiques.
C’est vrai. A ce moment-là, nous ne savions pas que nous allions être en mesure d’utiliser des personnages Nintendo.
Avec le recul, la principale raison qui m’a poussé à me lancer dans ce projet était de créer un jeu pour 4 joueurs qui exploiterait le joystick 3D unique de la N64. Et toi, quelles étaient tes motivations ?
Eh bien, je voulais proposer une alternative aux jeux de combat en 2D qui envahissaient le marché. J’avais également envie de savoir s’il était possible de créer un jeu à 4 joueurs intéressant qui offrirait une nouvelle expérience à chaque partie. Bref, je voulais concevoir un jeu de combat à 4.
Il me semble avoir vu ce genre de titre écrit sur la couverture du dossier de développement du projet.
C’est exact. Je ne lui avais pas encore donné de nom.
Nous n’avions même pas encore inventé le nom de code Ryuoh. Je crois que nous avons fini par adopter Ryuoh parce que nous avions utilisé le quartier de Ryuoh-cho, où se trouve HAL Laboratory, dans la préfecture de Yamanashi, pour l’environnement du jeu.
C’est moi qui ai pris les photos du quartier. J’étais en train de travailler tout seul sur les graphismes et les mouvements, et juste au moment où je réfléchissais au décor que je pourrais utiliser, « clic », l’appareil photo a décidé pour moi. (Rires)
Je suis profondément ému de voir qu’un jeu aussi modeste au départ ait réussi à prendre une telle ampleur.
Moi aussi.
Dans notre prototype, nous n’avions que quatre personnages anonymes à l’écran, mais le jeu a pris une toute autre direction lorsqu’on y a ajouté les personnages de Nintendo. Tu te souviens de la raison de ce changement ?
Bien sûr. J’ai demandé à utiliser les personnages Nintendo parce qu’il était très difficile de plonger les joueurs dans l’atmosphère du monde du jeu, alors qu’il s’agissait d’un jeu de combat pour console. Il faut toujours des personnages principaux dans un jeu de combat, car si le joueur voit juste défiler le personnage 1, le personnage 2, 3 et ainsi de suite, les personnages principaux finissent par se perdre dans la masse. Pour un jeu d’arcade, le développement des personnages n’est pas aussi fondamental puisque c’est le combat qui motive les joueurs. En revanche, pour un jeu de console auquel on joue chez soi, il faut définir l’aspect général ou l’atmosphère du monde dès le départ, sinon le jeu en pâtira. C’est pour cette raison que j’ai souhaité utiliser les personnages Nintendo.
Aujourd’hui, ce genre de choses semble aller de soi, mais à l’époque, les gens étaient frileux à l’idée de rassembler différents personnages célèbres.
On nous a mené la vie dure. (Rires)
Les fans n’étaient sans doute pas très enthousiastes à l’idée de voir des personnages tels que Mario, Link et Pikachu s’affronter. Nous avons eu du mal à les convaincre qu’ils allaient trouver dans le style de combat de Smash Bros. l’amusement et la profondeur qui caractérisent si bien le jeu.
Nous avons même écrit un « manuel complet » pour essayer de les convaincre de l’intérêt du jeu. Étant donné que nous avions publié ce guide en ligne, on peut considérer qu’il s’agissait du tout premier site Smash Bros. Dojo.
C’est vrai. Et Smash Bros. Dojo a été mis à jour à chaque nouvel opus. Il continue à être le site officiel de la série et sa structure est toujours la même, ce qui veut dire que c’est le développeur lui-même qui fait les mises à jour.
Et aujourd’hui, il est disponible en sept langues. Je remercie les photographes, les développeurs web et les traducteurs qui ont permis de lui donner cette envergure.
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