Le premier problème rencontré par bon nombre de personnes impliquées dans la création de jeux vidéo en 3D, et qui s’est avéré source de bien des tracas, est le fait que les axes ne sont pas alignés quand deux personnages se trouvent face à face. Mais vous avez tous les deux trouvé une solution en allant au Toei Kyoto Studio Park.
Oui. Je me rappelle autre chose à propos de la visée Z. Quand nous avons fait un prototype de la visée de combat, nous avons voulu qu’il soit facile de voir quel ennemi était ciblé, nous avons donc créé un marqueur.
Je vois.
Un triangle retourné.
Comme celui qui apparaît au-dessus de la tête de l’adversaire visé.
Oui. Mais en tant que développeur, je ne voulais pas utiliser un marqueur aussi simple. Je voulais créer autre chose, j’ai donc eu l’idée d’une fée. Après tout, c’était The Legend of Zelda.
Vous avez donc commencé par faire un marqueur, et avez plus tard créé la fée ?
Oui. En général, quand on veut faire une fée, on dessine une jolie fille, mais ça n’était pas possible avec la console Nintendo 64, j’ai donc simplement créé une boule de lumière avec des ailes.
Je comprends.
J’ai appelé ça Système de navigation féérique, je l’ai montré à Osawa-san et lui ai demandé : « Qu’en dites-vous ? » Il a aussitôt répondu : « Appelons ça Navi . » Parce qu’elle sert à la navigation ! (rires)
Osawa-san a fait appel à son talent pour les noms simples. (rires)
Navi, de « navigation ». (rires) Dans les jeux The Legend of Zelda ; beaucoup de noms reflètent leur origine. Link signifie « créer un lien ». Nous utilisons beaucoup de noms ayant une fonction symbolique.
La fonction symbolique est importante pour Miyamoto-san.
Je le crois. Je ne l’ai pas appelée Navi seulement à cause d’un talent pour les noms simples. Je me suis plutôt dit qu’il serait bien de la baptiser ainsi par respect pour la tradition de création des noms dans The Legend of Zelda.
Mais quand j’ai entendu Osawa-san l’appeler Navi, j’ai été très heureux. Je l’avais envisagé comme un système, mais...
En lui donnant un nom, vous insuffliez la vie dans ce qui n’était qu’un marqueur impersonnel.
Exact. Je me suis dit : « Voici Navi » et les idées ont commencé à me venir les unes après les autres. Comme le fait de pouvoir dire, par la couleur, si la personne qui vous fait face est gentille ou méchante. Si Navi pouvait parler, elle pourrait être un guide important dans l’histoire. Baptiser le système Navi l’a donc vraiment aidé à grandir.
Navi donne également des conseils stratégiques.
Le texte qu’Osawa-san a dû écrire a donc également beaucoup augmenté.
(rires) Oui. (rires) L’ajout de Navi a également eu de la valeur par rapport au script. Nous avons pu développer l’histoire autour de l’idée de la rencontre et des adieux à une fée.
Ah, je comprends !
Et cela a profité non seulement au script, mais à toute la mécanique du jeu. Le premier lieu est la forêt Kokiri. Il y a beaucoup d’arbres dans le village et de nombreuses personnes y vivent, mais il était difficile de les afficher tous en même temps.
Les limites de la console Nintendo 64 rendaient difficile l’affichage simultané de trop de personnages.
J’ai eu l’idée de faire suivre par une fée chacune des personnes qui vivaient là. Ainsi, même en ne montrant que les fées...
Je comprends. En voyant la fée, on sait que son propriétaire est là aussi.
Exact. Nous avons résolu le problème en faisant en sorte que le propriétaire apparaisse lorsque l’on s’approche de la fée .
Cela a également conduit à l’histoire qui entoure le fait que Link n’a pas de fée, au départ.
Qui a ensuite conduit à toute l’idée de rencontrer et de se séparer d’une fée. On commence par trouver une fée et à la fin, on lui dit au revoir.
Mmm, je vois.
La plupart des éléments n’ont pas été décidés au départ mais nous les avons créés au fur et à mesure.
Oui. (rires)
Mais je crois qu’il s’agit d’une part importante de notre travail.
À ce propos, on dit souvent que lorsqu’il s’agit de créer un jeu Legend of Zelda, la mécanique du jeu vient en premier et le script après. Osawa-san, c’était à vous qu’incombait la tâche de concevoir le script, n’est-ce pas ?
Oui.
Par exemple, aviez-vous pensé dès le départ à la distinction entre le jeune Link et le Link adulte ?
Non, au départ, il n’y avait que le Link adulte.
Seul le Link adulte apparaissait ?
Oui. Au début, nous n’envisagions de l’avoir que sous sa forme adulte. Quand on pense au chanbara, cela a du sens. Sous une forme enfantine, l’épée aurait été petite et sa portée trop courte, ce qui l’aurait gravement désavantagé, surtout face à de grands ennemis.
Et vous ne pouviez pas vous contenter de faire de petits ennemis.
C’est juste. Mais en cours de développement, Miyamoto-san et d’autres membres de l’équipe ont commencé à dire qu’ils avaient envie de voir un mignon petit Link.
Cela modifiait énormément le script.
Oui. Nous avons réfléchi à la manière de faire apparaître à la fois la forme adulte et enfantine dans le même jeu, pour finalement aboutir au système permettant de l’envoyer sept ans dans le futur lorsqu’il tire l’épée de légende, et de lui rendre sa forme enfantine quand il la replace sur le piédestal.
Il avance et recule instantanément dans le temps.
Oui. Nous avons ajouté ce scénario plus tard.
C’est incroyable qu’un changement aussi conséquent n’ait pas provoqué l’effondrement de tout le projet.
(rires)
Mmm ? Vous riez tous. Est-ce à dire qu’il s’est un peu effondré, malgré tout ? (rires)
Il ne s’est pas vraiment effondré, mais nous avons effectivement eu des échanges un peu enflammés !
Nous en avions tous les jours. J’écrivais le script et tout le monde pointait des problèmes en disant : « Ça, c’est bizarre » ou « Ça c’est impossible ». Je produisais alors un script révisé et demandais : « J’ai changé ça. Qu’est-ce que vous en pensez ? » Je me souviens avoir fait chaque jour le tour de tout le monde pour avoir leur feu vert.
Mmm ? Je ne crois pas que vous êtes allé jusque-là mais... vous avez vraiment fait ça ?
Vous n’êtes pas allé jusque-là.
Mmm ? Je le croyais, mais...
Vous avez juste eu l’impression que c’est ce que vous faisiez ! (rires)
Peut-être que votre mémoire a été écrasée ! (rires)
(rires)
Mmm…
À l’époque, tout le monde était occupé avec sa tâche du moment. Quand il a été question de faire apparaître le jeune Link, ce qui m’a posé le plus de problème a été la modélisation et les animations de Link.
Votre quantité de travail avait été multipliée par deux.
Exact. Mon travail avait doublé. C’était moi qui étais chargé de Link, je me disais donc : « Qu’est-ce que je vais faire ? »
Quand les discussions sur la création du jeune Link ont-elles commencé ?
À peu près deux ans après le début du développement, il me semble. Vous vous en souvenez Iwawaki-san ?
Oui, je crois que c’était à peu près un an et demi avant la sortie.
Oh, c’était donc à ce moment-là.
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