Ehara-san a rejoint l’équipe de design et une présentation dédiée au design de la console Nintendo 3DS a eu lieu en interne, mais nous n’avons pris aucune décision cette fois. Que vous disiez-vous à ce moment-là, Miyatake-san ?
Je me souviens très bien de cette première présentation. Nous avions imaginé 6 propositions allant de modèles très proches des Nintendo DS précédentes à d’autres complètement différents et nous avions deux exemplaires pour chaque modèle, soit douze au total. Nous pensions avoir réalisé une présentation très complète, mais, au final, les 6 modèles ont été rejetés.
Je pense avoir prononcé quelques paroles assez dures. (rires)
Oui. (rires) Je crois que vous avez dit qu’elles ne ressemblaient pas du tout à de nouvelles consoles.
Tout cela est passé et nous pouvons en rire désormais, mais, malheureusement, aucune console ne sortait du lot lors de cette première présentation. Vous aviez fait de votre mieux et, sûrs de vous, vous nous aviez présenté vos idées. Cela a dû vous sembler difficile que nous descendions en flèche vos propositions. Qu’avez-vous pensé lorsque nous vous avons dit de revoir entièrement votre copie ?
J’étais vraiment déçu. L’ensemble de l’équipe avait eu de nombreuses idées et les avait présentées dans l’espoir que la première présentation soit la bonne. Nous avions présenté ce que nous pouvions faire de mieux, mais cela n’a pas été reconnu à sa juste valeur. En y repensant plus tard, nous nous sommes dit : « Bien. Elles font peut-être un peu classiques. »
Je ne pense pas qu’elles étaient classiques, mais je ne voyais dans ces six propositions rien de vraiment neuf par rapport aux modèles Nintendo DS précédents. Je ne sentais aucune nouvelle caractéristique.
Oui.
Nous avons donc décidé de la refaire pour qu’elle soit différente au premier coup d’œil, mais le timing commençait déjà à être juste pour ceux de la conception mécanique et de la production.
Effectivement.
Cela a représenté un fardeau pour les collaborateurs chargés de la conception mécanique tels que Koshiishi-san et Goto-san.
Je crois que nous avons dû attendre environ un mois.
Oui, un mois après la présentation. Nous avons fait attendre nos collègues de la conception mécanique tout ce temps.
Même depuis l’autre pièce, je pouvais sentir la tension de l’équipe de conception mécanique. Qu’est-ce qui vous a amené à faire cette percée ?
Lors de notre première présentation, nous avons entendu de nombreuses opinions et nous nous sommes fait une idée plus précise de la direction que nous devions prendre. Nous avons réduit le nombre de consoles pour la seconde présentation.
Il y en avait bien moins la deuxième fois.
Oui. Nous en avons sélectionné trois que nous trouvions particulièrement bien.
Vous avez réduit le nombre de propositions à trois consoles.
Oui. Trois allant chacune dans une direction différente. Conscients que le calendrier était de plus en plus serré, nous avons les avons classées selon leur faisabilité. Pour la première, nous étions presque sûrs que le calendrier de production serait respecté. Pour la dernière, aucune étude de faisabilité n’avait été faite. L’autre se situait entre ces deux extrêmes.
La deuxième série de trois consoles représentait un grand pas par rapport aux six premières et elles étaient toutes intéressantes. Finalement, nous en avons choisi une dans la conception de laquelle Ehara-san avait joué à un rôle prépondérant. Ehara-san qu’aviez-vous en tête en préparant cette présentation ?
Eh bien...
Vous aviez intégré l’équipe en pensant : « Je vais marquer une rupture avec le passé ! », mais vous n’étiez en plus en position de dire ça ?
Non, je trouvais que je n’avais pas encore marqué de vraie rupture. (rires)
Vraiment ? (rires)
Pour être sincère, oui.
C’est donc ce que vous avez retenu lorsque nous avons dit que vos propositions n’apportaient rien de neuf lors de la première présentation.
Oui. Je voulais une plus grande rupture. Je pensais à une nouvelle structure à trois niveaux, visible en fermant la console. Chaque niveau aurait été d’une couleur légèrement différente et nous aurions ainsi obtenu trois tons.
Pourquoi donc ?
La console Nintendo 3DS propose la fonction StreetPass4, mais aussi SpotPass5. Nous voulions montrer par le design comment vous receviez du contenu non seulement lorsque vous vous promenez avec, mais aussi lorsqu’elle est simplement posée chez vous. 4 StreetPass : système de communication permettant d’échanger des informations de jeu avec les autres consoles Nintendo 3DS si leurs propriétaires se croisent dans la rue lorsque les consoles sont allumées. 5 SpotPass : fonction de la Nintendo 3DS permettant de vous connecter à des points d’accès sans fil publics ou chez vous, via une connexion Internet sans fil même lorsque la Nintendo 3DS en est mode veille. Une fois connectée, la Nintendo 3DS recevra régulièrement du contenu et des mises à jour.
Vous souhaitiez exprimer visuellement cette stratification de contenus.
Ces trois niveaux avaient également été pensés pour des raisons fonctionnelles. Nous voulions que le joueur ouvre sa Nintendo 3DS très souvent et, pour qu’elle soit plus simple à ouvrir, nous avions pensé donner au dernier niveau une forme de biseau inversé6. # Photo: Biseau inversé 6 Biseau : forme oblique autour d’un moule en métal permettant de sortir plus facilement le produit du moule. S’applique également à la forme du produit.
Il a donc la forme d’un trapèze à l’envers.
Oui. En donnant cette forme au niveau supérieur, vous pouviez ouvrir facilement le clapet en le prenant à n’importe quel endroit et sans avoir à ajouter une encoche pour le doigt. Nous avons décidé que le second niveau devait comporter un curseur de volume et les témoins sur le côté. Pour éviter que vous n’appuyiez sur les boutons en utilisant la console ou lors de vos déplacements, nous avons décidé de tous les placer sur ce niveau et de le positionner en léger retrait afin que le niveau supérieur s’ouvre plus facilement.
C’est donc pour ça qu’il est un peu décalé.
Oui. Pour le dernier niveau, je me suis demandé si nous pouvions utiliser quelque chose de semblable à la signalétique des aéroports. Selon moi, placer les icônes ou les lettres pour les boutons ou les témoins du deuxième niveau permettrait de tout expliquer au joueur.
Malheureusement, le niveau supérieur représentait un problème.
Oui. Le premier point important du design était le clapet. Nous voulions exprimer la personnalité de la console Nintendo 3DS, le mode de communication des données, la profondeur des graphismes à travers ces trois nuances de couleurs, textures et profondeurs. Les couleurs allaient s’assombrissant, l’éclat augmentait et un sentiment de profondeur s’en dégageait progressivement. Nous l’avions également conçu pour faire passer, comment dire, une grande gamme d’expressions afin qu’en fonction de l’angle de vision, les lignes du niveau clair apparaissent et disparaissent et vous puissiez voir à l’intérieur. Nous pensions être en mesure de lui offrir une texture complètement différente des Nintendo DS précédentes. Lorsque nous avons effectué la présentation, j’ai commencé par dire : « Je ne sais pas si nous pouvons produire ça, mais... » Je sentais qu’il fallait commencer par cet avertissement !
Je me souviens avoir demandé lors de cette seconde présentation comment nous pouvions la produire.
Oui, mais c’était ce que je voulais. Je voulais vraiment que les gens pensent : « Comment ils font ça ? » ou « Comment ça marche ? »
Et, pour couronner le tout, nous avons choisi celle que nous ne savions pas réaliser ! (rires)
Oui. Et, étant donné les délais, je parie que les trois gars qui sont à ma gauche se sont dit : « Oh non... » et ont eu quelques sueurs froides ! (rires)
Non seulement nous avions choisi le modèle avec un mois de retard sur le planning, mais nous ne savions même pas si nous étions en mesure de le fabriquer !
Exactement.
La mise en production des deux autres modèles proposés avait été étudiée, mais, dans le cas de votre proposition, vous aviez délibérément présenté quelque chose que vous ne pouviez pas produire sans venir à bout de plusieurs défis nouveaux.
Je me rends très souvent dans nos usines d’assemblage en Chine. Je connais donc assez bien nos lignes de production. Si l’on revient sur les productions jusqu’à maintenant, des défis se posent à chaque fois et j’ai appris à les surmonter avec les collègues du service ingénierie et évaluation du produit à qui revient la responsabilité de lancer d’une manière ou d’une autre la production de masse. Étant donné que j’avais une montagne de problèmes à résoudre, je me suis dit que les autres, dont Akai-san qui était encore au service ingénierie et évaluation du produit à l’époque, s’en sortiraient d’une manière ou d’une autre et je ne m’en suis plus inquiété.
Akai-san, vous qui étiez encore dans le service ingénierie et évaluation du produit, quelle a été votre première réaction lorsque vous avez vu le modèle pour la première fois ?
J’ai dit que c’était impossible à réaliser.
(rire)
Ça a été ma première réaction !
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