Akai-san, pourquoi avez-vous pensé que c’était impossible ?
Je savais que nous pourrions en faire quelques-unes, mais pour ce qui était de lancer une production à grande échelle...
Nous avons produit, tous modèles de Nintendo DS confondus, plusieurs millions de consoles en un mois lors du pic de production précédant les fêtes de Noël, mais il y a tout de même des limites à ce qui se fait.
Oui. Nous chargeons plusieurs usines chinoises de produire ces consoles en masse, mais seules quelques usines de production sont en mesure, sur le plan technique, d’effectuer certains processus spéciaux et fabriquer des millions de consoles par mois était impossible.
Cela peut s’avérer une grande limitation pour les personnes chargées du design industriel de Nintendo.
Oui. Des produits au design très inhabituel peuvent être fabriqués si le volume de production est relativement faible, comme les téléphones portables ayant des designs différents, mais des volumes de production réduits. Dans le cas de Nintendo, la priorité est de savoir si ses produits peuvent être produits en masse ou pas.
Le design choisi, vous avez passé le relais à l’équipe de conception mécanique. Que vous êtes-vous dit à l’époque, Goto-san ?
J’ai pensé : « Oh, c’est le dernier. Celui que je voulais. »
Sur les trois propositions, nous avions choisi la plus difficile. (rires)
Exactement. (avec fermeté)
(rires)
Ehara-san vient de dire qu’il n’était pas sûr que nous puissions la réaliser et nous n’en étions pas sûrs non plus. Quand j’ai dû présenter le design choisi à l’usine d’Uji, j’ai dessiné un schéma et j’ai dit : « C’est ce que nous devons faire », mais j’ai pensé : « Comment est-ce qu’on va pouvoir faire ? »
Quand j’ai entendu votre explication, je vous ai demandé : « Comment va-t-on faire ? » et vous m’avez répondu...
J’ai dit : « Nous nous en chargeons. » (rires)
Vous ne saviez pas comment faire, mais vous avez dit : « Nous nous en chargeons. » (rires) Akai-san, quand avez-vous intégré l’équipe de développement ?
En janvier 2010.
On vous a demandé d’en faire partie au moment où le processus de développement allait passer à la vitesse supérieure ?
Oui. Je venais de me retrouver mêlé à une situation que j’avais décrite comme impossible.
Eh bien, vous ne pouviez plus dire ça ! (rires)
Oui, donc je me suis mis à paniquer. (rires)
Quel est le premier obstacle que vous ayez rencontré ?
Tout d’abord, nous devions réfléchir à la façon d’obtenir le niveau supérieur. Nous avons fait de nombreuses tentatives avant d’obtenir la texture voulue et le bord en biseau inversé. Nous avons passé en revue plusieurs configurations et procédés spéciaux et une manière de les produire en grandes quantités, mais nous nous sommes alors inquiétés de la qualité et de la faible résistance de la console en cas de chute.
Le biseau inversé avait été conçu pour que la console s’ouvre facilement, mais, en cas d’impact, la force serait concentrée en un point précis et c’était un handicap en terme de résistance aux chutes.
Exactement.
Je me suis dit qu’il fallait modifier la forme.
Vous en avez parlé au cours de la seconde présentation.
Oui.
Cependant, nous ne voulions pas modifier le design. Nous avons donc cherché une résine synthétique plus résistante.
D’instinct, vous saviez que vous ne pouviez pas produire ce modèle si vous ne trouviez pas un matériau plus résistant.
Oui. Je m’y suis d’ailleurs attelé aussitôt après avoir rejoint le service ingénierie et recherche.
Et qu’avez-vous trouvé ?
Un matériau que Nintendo n’avait jamais utilisé, un type de nylon très rigide renforcé de fibre de verre. C’est bien plus résistant que des résines plus courantes, mais bien moins facile à mettre en œuvre lors de la production de masse.
On se dit que cela ne doit pas facile à mettre en forme.
C’est bien le cas. Vous remplissez le moule métallique7 de résine pour lui donner sa forme, mais c’est n’est pas facile, car elle contient de la fibre de verre. Au fil du temps, le moule commence à s’user. Nous avions peur que la durée de vie de l’équipement de production de masse ne diminue. 7 Moule métallique : pièce ayant la forme inversée du produit que vous voulez obtenir. Ils sont souvent réalisés en métal. On y injecte le plastique et les autres matériaux pour la production de masse.
Vous ne pouviez pas en être sûr avant de réaliser le produit.
Exactement. Jusqu’alors, nous faisions réaliser un moule test pour procéder à des vérifications, mais je trouvais le calendrier beaucoup trop court pour attendre les résultats. Il restait des moules utilisés pour des consoles précédentes et nous nous en sommes servi pour le test.
Je vois ! Vous avez décidé de procéder aux vérifications en utilisant des moules pour des produits qui ne sont plus fabriqués pour la plupart.
Oui.
Combien de types avez-vous essayés ?
Nous avons testé toutes sortes de matériaux, pas seulement cette résine nylon extrêmement rigide, mais plus de dix résines. Il y avait tellement d’échantillons test que je ne savais plus où les mettre !
Vous avez réalisé des échantillons avec différents matériaux, testé leur résistance et confirmé leur possible mise en production.
Oui. Finalement, nous avons trouvé une excellente résine. C’est à ce moment-là que nous nous sommes rendus compte que même en utilisant la meilleure résine possible, la coque se cassait si vous la faisiez tomber.
Elle cassait même avec la résine la plus résistante ?
Oui. J’en ai donc parlé avec l’équipe de conception mécanique et nous avons résolu le problème en modifiant l’épaisseur interne, car une plus grosse épaisseur renforce la structure.
Donc, ces problèmes étaient uniquement liés aux matériaux. Quelles autres difficultés avez-vous rencontré sur le plan mécanique ?
Il y en a eu beaucoup, mais la pire a concerné le renforcement de la charnière8. 8 Charnière : partie de la Nintendo DS reliant les deux morceaux de la console et permettant son ouverture et sa fermeture.
Oui, c’est vrai.
Elle est soumise à de nombreuses pressions, car la console est très souvent ouverte et refermée. De plus, elle est placée sur le flanc et encaisse de nombreux chocs lorsqu’elle est tombe. Elle se casse facilement. Nous avons donc dû trouver un moyen de la renforcer.
Oui. Si nous trouvions une solution à un problème et que cela modifiait la conception ou l’utilisation d’une autre pièce, nous nous retrouvions avec un nouveau problème.
La plus petite modification avait une influence sur autre chose et vous deviez tout repenser.
Oui. Dès que nous trouvions une solution, un autre problème apparaissait. C’était sans fin.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour venir à bout de ce problème de charnière ?
Assez longtemps.
Je pense que nous avons commencé à y réfléchir fin février 2010 et nous avons trouvé la réponse fin août.
Vous vous êtes escrimés sur cette charnière pendant six mois !
Oui. Tous ceux qui ont participé à sa conception l’ont testée jusqu’au dernier moment.
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