Dans l'interview précédente, j'ai discuté avec nos plus jeunes développeurs qui ont travaillé sur Zelda. Aujourd'hui, des développeurs plus expérimentés, qui ont travaillé sur plusieurs jeux de la série Zelda au fil des ans, m'ont rejoint. Messieurs, je vais vous demander de vous présenter. Commençons par vous, Kawagoe-san.
Je m'appelle Takumi Kawagoe, et j'ai dirigé la réalisation des scènes cinématiques de Twilight Princess. En temps que directeur, j'étais responsable de ces scènes qui apparaissent au cours du jeu pour faire avancer l'histoire. Avant cela, j'ai dirigé les cinématiques d'Ocarina of Time, Majora's Mask, et Wind Waker.
Très bien, passons à votre voisin.
Je m'appelle Satomi Asakawa. Sur ce projet, j'étais chargée de rassembler divers éléments concernant les personnages non joueurs (PNJ). Auparavant, je me suis occupée des PNJ d'Ocarina of Time, Pokémon Stadium 2, Majora's Mask, et Super Mario Sunshine. J'ai également travaillé sur les ennemis et les scènes cinématiques de Pikmin et Pikmin 2, et sur l'animation des boss de Wind Waker.
Entendu. Takano-san ?
Je suis Mitsuhiro Takano. J'étais essentiellement chargé du script de Twilight Princess, mais j'ai également participé au développement des cinématiques et de certains événements du jeu. Une fois 1080° Snowboarding terminé, j'ai travaillé en renfort sur le développement d'Ocarina of Time. Et depuis, je ne fais plus que Zelda ! (rires)
Vous vivez pratiquement dans un Zelda, en somme ? (rires)
C'est tout à fait ça ! (rires)
D'accord. C'est votre tour, Takizawa-san.
Mon nom est Satoru Takizawa. J'ai été directeur artistique sur Twilight Princess. Mon rôle a été d'organiser le travail de tous les artistes, ce qui était une énorme responsabilité. Par exemple, je devais décider de l'orientation générale du graphisme, ainsi que de la technologie utilisée. Je devais en outre m'assurer que les artistes avaient tout ce dont ils avaient besoin pour travailler. Dans le passé, j'ai fait mes débuts sur Super Mario 64, puis Star Fox 64. Après cela, j'ai participé à Ocarina of Time. Depuis, tout comme Takano-san, j'ai mangé, respiré, vécu dans Zelda ! (rires) D'ailleurs, j'ai également été artwork manager sur Wind Waker.
Quelle a été la différence entre votre travail de directeur artistique et celui de artwork manager sur Wind Waker ?
Sur Wind Waker, une fois le style graphique défini, nous avons pris les décisions globales en consultation avec les autres participants au projet. Sur Twilight Princess, en plus des problèmes de design de ce type, j'ai eu la sensation de devoir faire en sorte que le projet continue d'avancer. Par exemple, il fallait que je vérifie que les artistes de chaque section aient tous les outils nécessaires, et que j'embauche du personnel qualifié pour les tâches requises.
Pensez-vous que l'existence de tâches de ce genre montre que ce projet impliquait plus d'artistes que n'importe quel autre ne l'avait jamais fait ?
Absolument, sans aucun doute.
Je comprends. A vous la parole, Miyanaga-san.
Je m'appelle Makoto Miyanaga. Pour ma part, j'ai été assistant directeur sur Twilight Princess. Je me suis principalement occupé de définir le contenu du jeu et de positionner les personnages dans les parties en extérieur. Twilight Princess est mon deuxième Zelda après Ocarina of Time. Sur ce dernier, j'étais designer de terrains, et j'ai principalement conçu les extérieurs d'Hyrule.
Et pour terminer, Ikematsu-san.
Je m'appelle Shinichi Ikematsu. Sur ce projet, j'étais assistant directeur au planning, et j'étais responsable des donjons, en particulier de leur structure et du positionnement des ennemis. Ma première expérience sur un Zelda a été le design des donjons d'Ocarina of Time. Ensuite, j'ai travaillé sur Majora's Mask, puis sur le planning de Wind Waker.
J'aimerais commencer par vous demander ce qui a distingué le développement de Twilight Princess de celui des précédents jeux Zelda. Je crois qu'il vaut mieux vous poser la question à tous, étant donné que vous avez chacun tant d'années d'expérience sur cette série. Takano-san, qu'est-ce qui a été différent cette fois ?
Eh bien, je dirais que le nombre de gens impliqués sur le projet étant énorme, il y avait presque autant de perspectives différentes sur Zelda. Et de surcroît, chacun était sûr d'avoir raison ! (rires) Alors bien évidemment, rares étaient les occasions où tout le monde était d'accord sur la façon de procéder. La plupart du temps, quelqu'un exprimait son désaccord, ce qui entraînait des critiques constructives. En ce sens, les développeurs n'ont probablement jamais débattu avec autant de ferveur sur un Zelda, et je pense que toute cette passion se ressent dans le jeu. Je suis sûr que rassembler le tout n'a pas dû être une tâche facile pour le directeur du projet, Aonuma-san, mais je pense qu'il y est finalement parvenu et que ce Zelda est tout simplement le meilleur.
Il a donc été difficile de mettre tout le monde sur la même longueur d'onde en raison de la taille de ce projet ?
C'est cela.
Je vois. Quelle est votre opinion, Takizawa-san ?
En tant qu'artiste, je peux dire que la quantité de travail nous a poussés à faire appel, en plus des artistes Nintendo, à des intérimaires. Avec cette augmentation du personnel, il est devenu plus important que jamais de veiller au travail de chacun, de communiquer les directives du projet avec efficacité, et d'organiser les progrès. Par ailleurs, la création de certains éléments, habituellement assurée par les artistes expérimentés en étroite collaboration avec des plus jeunes, a dû être déléguée à des personnes qui ne connaissaient pas forcément nos procédures. Et pour les responsables, artistes et autres, toutes ces délégations et ce travail d'organisation n'ont pu être évités en raison de la taille du projet. Comme personne n'avait véritablement d'expérience sur ce terrain, je pense que tous ont procédé par tâtonnements jusqu'à parvenir à une planification efficace.
Vu l'échelle du projet, je pense que tous ceux qui avaient une expérience préalable de Zelda ont été mis à contribution sur un certain nombre de nouvelles tâches. Mais j'imagine la difficulté à saisir le tableau d'ensemble étant donné le nombre écrasant de personnages et d'événements, et à donner des instructions précises. Cela signifie que sans des responsables ayant l'ensemble du projet en tête et naviguant des uns aux autres afin de maintenir la cohérence, l'échec était assuré. J'imagine les malentendus qui s'emboîtent les uns dans les autres, les contradictions au sein même du jeu... Etait-ce vraiment ainsi ?
Nous avons en effet rencontré ce genre de problèmes. Il serait en fait plus exact de dire qu'ils étaient notre lot quotidien ! (rires)
Cela a vraiment été un obstacle pendant le développement.
Takano-san, vous avez, dans une certaine mesure, mis en forme l'histoire. En conséquence, vous deviez être particulièrement conscient de l'importance d'avoir au plus tôt une vue d'ensemble. Cela s'est-il avéré une lourde charge de travail ?
En fait, dans les jeux Zelda, les histoires sont toujours définies dans les grandes lignes par le directeur. Ensuite, lorsqu'un élément nouveau et intéressant est défini, on ajoute des segments à l'histoire pour l'adapter.
Oh, alors l'accent n'est pas mis sur l'histoire dès le début ?
Pas du tout. Cela ne s'est jamais fait ainsi.
Alors pour résumer, l'histoire d'un Zelda est créée pour apporter le plus d'amusement et d'éléments de jeu tout en restant cohérente. Je pense que le plus délicat pour atteindre ce but est de trouver un équilibre.
Tout à fait, et c'est pourquoi ce que j'ai trouvé de plus efficace pour y parvenir a été de faire le tour de toutes les sections pour rassembler les informations. Pour le dire autrement, le succès de ce projet est le résultat de l'habileté des responsables à incorporer dans le jeu tout ce qu'ils trouvaient intéressant.
Y a-t-il eu un événement déclencheur qui a donné au projet sa direction d'ensemble, ou quelque chose qui ait harmonisé toutes les visions ?
Au tout début, alors que nous n'avions qu'une vague idée de ce que seraient l'histoire et les événements du jeu, le directeur artistique, Takizawa-san, s'est associé aux autres artistes pour élaborer des images d'écran, afin de nous montrer sous une forme graphique une représentation du monde de Twilight Princess. Lorsqu'il nous les a présentées, ce que seraient le thème et l'univers de ce jeu est devenu clair pour tous les développeurs. Avant cela, lorsque l'histoire n'était qu'un texte sur un papier, chacun s'en était fait sa propre représentation et il était difficile d'unifier tout cet imaginaire. Mais après cette proposition visuelle de Takizawa-san et les autres designers, les choses ont commencé à se mettre en place, parce que tout le monde était enfin capable de voir quelle était la direction, et nous pouvions enfin prendre des décisions, sur l'apparence des donjons et du monde par exemple.
Ainsi, tout le monde est tombé d'accord sur cette vision du projet une fois créée une image concrète à laquelle se référer ?
C'est exact.
Takizawa-san, quand vous avez créé ces écrans, ressentiez-vous le besoin d'unifier la vision de tous ?
Oui, j'ai pensé qu'il valait mieux montrer à tous quelque chose sous cette forme, parce que la cohérence globale du jeu au début était loin d'être une évidence. Pendant le développement, de façon générale, je pense qu'il est mauvais que les artistes se regroupent et prennent leurs décisions entre eux. Ils doivent tendre l'oreille à ce que le directeur, les concepteurs et les développeurs souhaitent créer, et faire leurs suggestions.
Alors selon vous, les designers ne doivent pas convenir d'un style graphique parce c'est celui dont ils ont envie, mais rechercher la meilleure représentation visuelle possible du type de jeu que les développeurs veulent créer ?
Absolument.
Cette façon de faire est vraiment fidèle à la tradition Nintendo.
Bien évidemment, il me semble normal que les artistes fassent part de leurs propres idées, mais pour que le jeu soit bon, il faut chercher le style visuel le mieux adapté. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative de créer ces images, afin de redonner au projet un nouvel élan car j'avais noté une certaine perte de vitesse. Mais une fois la dynamique retrouvée, les responsables de section ont repris en main leur fonction première, qui était de créer un environnement graphique qui corresponde au contenu du jeu.
Je vois. Je pense que le meilleur exemple d'une chose difficile à faire sans plan précisément déterminé sont les séquences cinématiques dont s'est chargé Kawagoe-san. Si vous les faites trop tôt, ce sera peut-être pour rien, au cas où ce sur quoi vous vous êtes basé est subitement invalidé. Kawagoe-san, vous avez créé les séquences de Zelda et de nombreux autres jeux. Ce projet avait-il quelque chose d'unique ?
Il est vrai qu'un nombre important de facteurs était flou, mais j'ai fini par m'y habituer ! (rires) Nous avons surmonté les difficultés en regardant vers l'avant et en créant des storyboards qui pourraient convenir dans diverses situations. Il restait encore beaucoup de changements à faire à la fin, mais nous avons essayé de prévoir autant d'évolutions que possible.
La première vidéo de Twilight Princess a fait sensation lorsqu'elle a été présentée lors de l'E3 en 2004 sans être annoncée. A-t-elle été créée par votre équipe ?
En fait, non. Je n'étais pas totalement intégré au projet à l'époque.
C'est l'équipe américaine qui s'en est chargée. Ce qui est incroyable, c'est que l'on dirait une cinématique alors qu'il s'agit en fait d'un travail de caméra sur des séquences jouées. Ils ont parmi leurs employés un génie de ce genre de travail de caméra. Vous penseriez a priori que c'est impossible, mais il a effectivement créé cette vidéo incroyablement bien finie à partir de séquences jouées.
C'est un grand fan de Zelda. Je pense que c'est sa passion qui lui a permis de réussir cette vidéo.
Je l'ignorais ! Quand elle a été montrée à l'E3, sa vidéo a suscité des réactions enthousiastes. Vous avez vu ?
Oh oui ! (rires)
Il y en avait même qui pleuraient dans le public ! (rires) Je m'attendais aux applaudissements, mais je n'aurais jamais pensé que certains seraient émus jusqu'aux larmes ! Qu'avez vous ressenti devant ce spectacle ?
J'étais très content. Non seulement je l'étais pendant la présentation du film, mais c'est également ce qui m'a motivé pour la suite du développement. Il s'agissait d'un projet tellement énorme qu'il y avait des moments où l'on se sentait mentalement épuisés. Dans ces moments-là, et encore aujourd'hui je l'admets, je pense à la réaction du public devant ce film et cela me redonne du courage ! (rires) Et cela a agi non seulement pour moi, mais pour la plupart des membres des diverses équipes. C'était une grande source de motivation.
Je vois, je vois.
Le fait qu'il ne s'agisse pas d'une cinématique mais d'une mise en scène de séquences du jeu a également beaucoup compté. Nous avons tous pensé qu'une fois le projet terminé et mis à la disposition de tous ceux qui l'attendaient, ils allaient vraiment recevoir un choc !
C'était encourageant pour les artistes, car cela confirmait que nous ne nous étions pas trompés de direction en déterminant l'apparence du jeu. Nous avions la preuve que ce style impressionnait tout le monde.
Nous sentions que la réaction du public devant la vidéo allait sceller l'orientation globale du jeu. Alors bien entendu, avant l'E3, nous étions tous très nerveux car nous ne savions pas si la réaction serait positive ou non.
L'incroyable ferveur provoquée par cette vidéo a réellement renforcé la certitude que les bons choix avaient été faits. Le développement a avancé beaucoup plus naturellement par la suite.
C'est vrai. Et particulièrement dans la section artistique.
Je pense que les gens doivent penser que l'équipe Zelda de Nintendo maîtrise la situation grâce à sa grande expérience, sait conserver sa motivation et mener à bien les projets les plus longs sans besoin d'aucun point de vue extérieur. Mais après tout, ses membres ne sont que des humains ! (rires) Ils sont nerveux lorsqu'ils montrent leur travail pour la première fois, et sont heureux quand il est apprécié.
J'étais particulièrement inquiet à propos du design de Link. En effet, bien que le style graphique soit celui d'Ocarina of Time, le risque, avec un personnage réaliste, est qu'il ressemble à une poupée en plastique.
Bien que le graphisme de Twilight Princess soit effectivement très réaliste, je pense qu'il crée une atmosphère unique que le simple phot-réalisme ne peut offrir. Beaucoup de joueurs, en particulier occidentaux, ont exprimé le désir de jouer à un Zelda réaliste. Il n'a pas dû être facile pour vous de créer un design qui réponde à cette demande. Pouvez-vous nous parler de vos difficultés sur ce point ?
Les artistes étaient tous d'accord pour ne pas chercher le réalisme photographique. Nous ne voyions pas l'intérêt de jouer à qui créerait le jeu le plus photographique, et chercher à copier le monde réel nous semblait vide de sens. Nous voulions plutôt nous laisser guider par nos envies et montrer ce que peut être un jeu lorsqu'il est le produit de la passion. Nous avons donc décidé de mettre l'accent sur cette atmosphère qui avait tant plu dans Ocarina of Time.
Mais c'est plus facile à dire qu'à faire, n'est-ce pas ? Chacun a son style artistique, et le nombre de gens qui travaillaient sur les graphismes était énorme. Je doute qu'il soit aisé de parvenir à une atmosphère cohérente si chacun fait comme il lui plaît. Comment avez-vous géré ce problème ?
Cela me surprendra toujours, mais il n'y a en fait pas d'effort particulier, pas de recette miracle pour y arriver. C'était la même situation avec Ocarina of Time et Wind Waker. Pour vous donner un exemple, le style graphique de Wind Waker était tout à fait particulier, presque trop, mais nous n'avons jamais établi de critères que chacun devait suivre. Au départ, nous avions le design de Link, celui des ennemis, qui en était dérivé, et enfin le design global de la première île. En s'appuyant sur ces quelques échantillons, chacun était capable de réutiliser ce même style pour le reste du monde. Je m'inquiète toujours au cours du développement, mais dans les phases finales, le style graphique et l'animation se recoupent très vite. Pour Twilight Princess, à nouveau, nous avons établi les lignes directrices au tout début du développement, et nous n'avons quasiment plus rien eu à y changer par la suite.
En d'autres termes, les premiers échantillons puis la vidéo montrée à l'E3 ont servi de "cahier des spécifications", et tous se sont appuyés dessus pour effectuer leur propre travail.
C'est cela. C'est pourquoi notre position de base est de toujours laisser les artistes faire librement leurs propositions.
Je comprends. Dites-nous, Asakawa-san, ce que vous avez pensé une fois le projet sur les rails.
Eh bien, je pense que nous étions tous d'accord sur la direction à suivre. Mais aucune règle stricte n'avait été fixée, car cela aurait entraîné un manque d'originalité et aurait freiné le processus créateur. Notre méthode consistait à laisser les artistes créer ce qu'ils voulaient, puis apporter les modifications nécessaires afin de garantir la cohérence et la touche Zelda tout au long du jeu. Cela a suffi à assurer efficacement un résultat satisfaisant. Dans les phases finales en particulier, tout le monde avait intégré le style.
C'est donc ainsi que vous fonctionnez ! Je n'aurais jamais imaginé que la création d'un monde aussi gigantesque soit possible sans un chef d'orchestre qui veille nuit et jour à ce que tout concorde. Je ne voudrais pas donner l'impression de vanter les mérites de ma propre compagnie, mais vous écouter me montre à quel point l'EAD est formidable.
Bien que les artistes aient été très libres, Takizawa-san avait l'œil partout, et vérifiait que tout le monde allait dans la même direction.
Les ajustements étaient faits au fur et à mesure pour que la tâche ne devienne pas démesurée.
Oui. A des moments-clé du développement, Takizawa-san et les autres responsables s'assuraient que tout fonctionnait.
J'aimerais m'éloigner un moment des questions artistiques. Miyanaga-san et Ikematsu-san, vous avez rejoint ce projet alors qu'il avait déjà commencé. Quelles ont été vos impressions quand vous êtes arrivés dans l'équipe ?
On m'a d'abord montré la démo de l'E3, et j'ai été très impressionné. J'étais stimulé par le fait que le projet était tellement avancé, mais j'ai ensuite découvert... eh bien, qu'il n'était pas si avancé que cela ! (rires)
(rires)
En réalité, le véritable travail n'a commencé qu'après l'E3. Nous avons compris que le public voulait jouer dans le monde que montrait la démo, et nous avons œuvré pour que cela devienne une réalité.
Et vous, Miyanaga-san ?
J'ai demandé à me joindre à l'équipe, et comme Ikematsu-san, cela m'a fait un choc de m'apercevoir que la structure générale du jeu n'avait même pas encore été définie ! (rires) Tous les éléments, pris un par un, étaient bien là, mais aucune fondation n'avait été encore établie. Nous avons donc commencé par là.
Dans notre équipe, nous parlions de "créer une boîte". Sans cette "boîte", qui est l'espace du jeu, il est impossible de vérifier quoi que ce soit dans le jeu, ni de se mettre à la place des joueurs. C'est pourquoi nous avons décidé que notre travail devait commencer par la construction de cette boîte.
Je pense que la meilleure chose à faire est de procéder de manière méthodique dès que les spécifications ont été arrêtées, pourtant Zelda n'est pas le résultat d'une création qui suit un cahier des charges.
Si vous commencez par fixer les spécifications avant d'avoir créé quoi que ce soit, ce n'est pas un Zelda que vous obtiendrez au bout du compte.
Je suis d'accord. C'est pourquoi nous devions absolument commencer par la boîte, autrement dit les fondations, puis travailler les détails un peu comme on modèle de l'argile.
Une fois la boîte terminée, tout le monde peut y mettre quelque chose, et l'on voit vite quelles sont les idées qui fonctionnent. Chacun partage ses opinions, on apporte des améliorations, et les aspects positifs peuvent être mis en valeur.
La dynamique s'enclenche une fois qu'on commence à parler concrètement de ce qu'on cherche à obtenir, n'est-ce pas ?
En effet. Cela entraîne une stimulation permanente qui permet de faire toujours mieux.
Cette stimulation positive entre toutes les équipes provoque une réaction en chaîne qui vient améliorer le jeu encore et encore. Quand une équipe propose quelque chose de bon, les autres s'en inspirent pour trouver d'autres idées encore meilleures.
C'est tout à fait cela. Ou encore, quelqu'un voit qu'une idée marche bien et se demande si en la transformant un peu elle ne pourrait pas fonctionner ailleurs. Il est bien plus facile de modifier ou de choisir quelque chose que l'on peut voir à l'écran. Cela accélère le développement.
Il y a des choses qui sont impossibles à comprendre sur papier, et dont on ne peut discuter qu'après les avoir réalisées. Sinon, il est trop difficile de repérer les problèmes et de leur apporter une solution adéquate.
Toutes les rectifications et les retouches que l'on fait une fois que le jeu a pris forme donnent l'élan qui va permettre que le résultat final soit un vrai Zelda.
C'est ce que je crois. C'est là que le travail devient passionnant !
Je pense qu'il serait tout à fait impossible de faire ce que vous faites en suivant les instructions d'un épais cahier de spécifications.
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