Alors, combien de mini-jeux avez-vous inclus cette fois-ci?
Plus de deux cents!
Trouver autant d'idée n'a pas dû être une tâche aisée. Ne craigniez-vous pas de vous répéter ou de manquer d'originalité?
Si, effectivement. A mesure que les mini-jeux étaient créés, on se disait de plus en plus souvent : "Mais il faut faire exactement la même chose dans ces deux jeux, non ?" Cependant, en essayant d'apporter de la variété, nous courions le risque de les rendre trop différents et de perturber le joueur qui n'aurait plus su quoi faire instantanément. Cet équilibre était difficile à trouver. Lorsqu'il a fallu sélectionner deux cents mini-jeux parmi les mille que nous avions inventés, nous avons tenté de privilégier la diversité tout en conservant cet équilibre.
Vous mentionnez ces mille mini-jeux comme si ce n'était rien ! (rires)
Oui, c'est vrai ! (rires)
Mais mille mini-jeux, cela signifie que vous avez dû créer un story-board pour chacun d'entre eux?
Oui, nous les avons tous réalisés.
Combien de personnes ont dû y travailler?
Voyons voir... L'équipe comptait vingt personnes, peut-être un peu plus... Et je pense que d'autres sont venues nous aider pour cette tâche en particulier.
C'est l'une des particularités des projets WarioWare : si quelqu'un a une idée, il est autorisé à réaliser le story-board correspondant.
Au cours d'un développement traditionnel, c'est habituellement la personne en charge du planning qui apporte ses idées et demande qu'on leur donne forme. Mais pour WarioWare, n'importe qui peut suggérer une bonne idée, c'est cela ?
Exactement. La caractéristique principale des jeux WarioWare est d'être amusants, nous n'avons pas à nous préoccuper des questions de cohérence et de logique. Si une idée est amusante, alors nous l'utilisons. Certaines personnes dessinent un story-board détaillé, tandis que d'autres se contentent de gribouiller leur concept sur un bloc-notes avant de l'afficher au mur.
C'est donc cela la méthode de communication propre à l'équipe WarioWare. J'ai effectivement vu l'endroit dont vous parlez, avec tous ces story-boards accrochés au mur.
C'est bien ça. Et il est arrivé que des personnes extérieures à l'équipe passent à cet endroit et ajoutent leurs idées sur le mur !
Oui, c'est arrivé ! (rires) Ensuite, les programmeurs passent à leur tour, choisissent les idées qui leur semblent le plus simple à réaliser, et essaient de leur donner forme.
Celles qui leur semblent le plus simple à réaliser ? (rires)
Oui, vraiment, c'est comme ça que ça marche ! (rires)
Cette liberté de création est impressionnante ! (rires) Pourriez-vous me donner des exemples de ce que contiennent ces story-boards ?
Eh bien, par exemple, pour le mini-jeu dans lequel il faut mettre le doigt dans le nez, le story-board consistait simplement en un dessin d'un nez et d'un doigt et portait la consigne "Insère !"
(rires)
Enfin, ceci était surtout vrai à l'époque du premier WarioWare. Ces derniers temps, comme il est devenu plus difficile pour une seule personne de créer un mini-jeu à partir d'une simple idée, le système s'est quelque peu sophistiqué. (rires)
Cependant, le principe est resté le même.
Le plus amusant avec cette manière de procéder, c'est que parfois, trois personnes qui travaillent à des endroits différents peuvent avoir la même idée !
Ça s'est déjà produit ? C'est intéressant.
C'est amusant de le constater alors que plus de mille mini-jeux sont prévus. Lors du développement de Touched! et Twisted!, une même idée s'est ainsi retrouvée dans les deux jeux par pure coïncidence.
En effet, dans les deux titres, l'un des mini-jeux consiste à enrouler du papier-toilette. D'où est venue cette idée de demander au joueur d'enrouler du papier-toilette ? (rires)
En fait, cette idée avait été trouvée à l'époque du premier WarioWare, mais nous n'avions pas pu la réaliser ! (rires)
Nous n'avions pas réussi ! C'était impossible d'un point de vue technique.
D'un point de vue technique ?! (rires)
Mais oui ! Et la technologie ayant évolué, nous avons enfin pu demander au joueur d'enrouler le papier-toilette !
Un rêve était devenu réalité !
Le progrès technologique a permis d'enrouler le papier-toilette ! (rires)
La série des WarioWare a vraiment parcouru du chemin ! (rires)
Un véritable chef d'œuvre !
Bon, cette conversation est censée être sérieuse...
... Euh, oui...
En fait, les jeux WarioWare ne doivent pas être pris à la légère. Si vous ne prenez en compte que le temps que le joueur va passer sur chaque mini-jeu, c'est effectivement le cas. Mais du point de vue des développeurs, c'est autre chose, et les équipes qui y travaillent sont de grande taille.
C'est vrai.
A la différence d'un jeu de grande envergure tel que Zelda, les titres WarioWare ne requièrent pas le même management et la réalisation de chaque mini-jeu peut être confiée à des équipes séparées. Sakamoto-san, vous aviez la charge de coordonner le projet et de vous assurer que le potentiel de chaque développeur était bien employé. Il m'a semblé que vous mettiez tout en œuvre pour encourager la liberté de création. Cela vous semble-t-il une juste vision des choses ?
Oui, en effet. Je pense vraiment que les choses marchent mieux si l'on ne cherche pas à imposer une quelconque uniformité.
Les choses marchent mieux ? (rires)
Le seul critère était que ce soit amusant. Après, qu'importe la forme. Ce qui signifie que lorsqu'un programmeur a créé un design convaincant pour un mini-jeu, nous pouvons l'utiliser tel quel. Encore une fois, à la seule condition que ce soit amusant. Par chance, la série des WarioWare est particulièrement bien adaptée à cette approche. Ainsi, chacun a pu apporter, au cours du développement, un peu de sa personnalité, ce qui en fait au final une excellente expérience.
Mais cette façon de procéder en toute liberté a certainement également créé des problèmes, non ?
Eh bien... voyons voir...
En fait... peut-être, mais...
Aucune difficulté particulière que vous avez dû surmonter ? Ou même aucun imprévu qui vous ait ouvert de nouvelles voies de réflexion ? Rien de ce genre ?
Voyons...
Euh...
Vous voulez dire que vous n'avez rencontré aucune difficulté ?
Bien sûr que nous avons rencontré des problèmes, mais je n'arrive simplement pas à mettre le doigt dessus...
C'est d'autant plus difficile quand on me pose précisément la question.
Ne vous inquiétez pas, je ne veux pas vous forcer à dire que quelque chose n'a pas marché si tout s'est parfaitement déroulé ! (rires)
Maintenant que j'y pense, ce qui a constitué une difficulté, c'est la décision qu'une seule télécommande Wii serait utilisée pour tout le jeu. Au départ, comme je savais que le Nunchuk serait également fourni avec la console, je pensais que pour le jeu à deux, le second joueur utiliserait le Nunchuk.
Je vois.
Mais la décision fut prise de n'utiliser qu'une télécommande Wii.
Et quelle en était la raison ?
Eh bien...
Tout le monde peut s'amuser avec une seule télécommande Wii !
C'est ça !
Je n'appellerais pas ça une raison, mais enfin...
Finalement, nous avons utilisé le Nunchuk dans certaines parties du jeu, mais la plupart du temps, la télécommande Wii, ou le "bâton de style" comme nous l'avons appelé dans le jeu, permet de tout faire.
Au risque de répondre à ma propre question, je dirais que cette décision a été prise parce que vous étiez certains que même les personnes qui ne feraient que regarder le jeu, sans avoir la télécommande Wii en main, s'amuseraient tout autant, c'est cela ?
Oh ! Oui, tout à fait !
Je n'aurais pas su mieux l'exprimer !
...
Non, sérieusement, cette idée que les spectateurs devaient également s'amuser est toujours restée dans nos esprits.
C'est comme à l'époque de la NES, les gens prenaient plaisir à simplement regarder les jeux. Et lorsque la personne qui tenait la manette rencontrait des difficultés lors de certains passages, l'autre disait "non, pas comme ça, laisse-moi faire !" même s'il ignorait également ce qu'il fallait faire. Tout le monde pouvait participer et s'amuser. C'est cela le plus important, pour moi.
Oui, ce thème revenait souvent dans nos conversations avec Sakamoto-san. Nous voulions donner envie aux spectateurs de dire : "Laisse-moi essayer !"
C'est vrai. J'ai le sentiment que cet aspect s'est estompé peu à peu dans les jeux.
En d'autres termes, maintenir l'intérêt des spectateurs vous a causé quelques difficultés.
Eh bien, en effet...
Oui, ce sont bien les problèmes auxquels nous avons été confrontés !
(rires) Disons simplement que vous avez fait tout votre possible pour que les spectateurs s'amusent autant que le joueur. Par exemple, pour la présentation de chaque nouveau style, l'explication est donnée par une personne dont le Japonais n'est pas la langue maternelle.
Oui, c'est une personne originaire du Canada qui prononce ces explications.
Du Canada ? Et pourquoi du Canada ?
Eh bien, nous voulions que les instructions pour chaque style sonnent de façon vraiment spéciale, et nous avons eu cette idée de reproduire cet accent qu'ont les cours de Japonais diffusés à l'étranger. Et alors que nous nous posions la question, avec Sakamoto-san, de savoir qui pourrait bien avoir ce genre de voix...
... un membre de l'équipe originaire du Canada est passé devant la vitre de notre salle de réunion.
Pardon ?
Alors que je le regardais passer, je me suis demandé s'il accepterait de nous prêter sa voix. Tout est parti de là !
Sérieusement ?
Je pensais qu'il refuserait lorsque je lui ai posé la question, mais à ma grande surprise, il a accepté. Et en plus, sa voix correspondait exactement à ce que nous cherchions.
Encore mieux, même, que nous l'espérions !
Mais que faisait-il avant cela ?
Il travaillait au département de planification et s'occupait de certains story-boards.
Qui aurait pu penser qu'une personne chargée des story-boards serait amenée à prêter sa voix pour donner les instructions dans le jeu...
C'était en effet totalement inattendu.
Au final, sa contribution au jeu en tant que narrateur est certainement la plus remarquée.
Oui, je suppose. Et tout cela, simplement parce qu'il est passé devant la vitre au bon moment...
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