Dans un match de football, onze joueurs évoluent sur le terrain. Mais dans un jeu, vous ne pouvez contrôler qu’un seul joueur à la fois et les autres sont gérés par l’I.A. Est-ce que ça signifie que l’I.A. est le cœur des jeux de football ?
Oui. L’I.A. est une nécessité absolue. Pour tout vous dire, je pense qu’à l’heure actuelle, l’I.A. est encore loin de sa forme idéale dans n’importe quel jeu vidéo dans le monde.
C’est vrai que même si le rendu graphique est extrêmement réaliste aujourd’hui, l’I.A. a encore du chemin à faire.
C’est pour ça que les gens nous disent que c’est plus amusant d’affronter d’autres joueurs. En fait dans « PES », l’I.A. est plus orientée vers la défense. C’est un jeu de football, et si les joueurs marquaient les uns après les autres, on se retrouverait avec un score de 10 à 8, ce qui ne serait plus vraiment du football. Il est donc important de trouver un équilibre entre attaque et défense. Un autre point important de l’I.A. est l’animation des athlètes. Nous disposons d’un studio de capture de mouvements dans l’entreprise et nous avons capturé les mouvements des membres de l’équipe pour animer les techniques.
Vraiment !? C’est incroyable. Je pensais que vous capturiez les mouvements de joueurs professionnels.
Nous avons demandé à des membres et des professionnels de la J. League (ligue de football japonaise) de nous aider par le passé, mais nous ne pouvons pas leur demander de faire trop de choses dangereuses et de refaire des prises quand nous le souhaitons.
C’est vrai. Pour un professionnel, son corps est son outil de travail et il doit donc en prendre soin.
Oui. C’est pour ça que leurs managers les empêchent de faire certaines choses. Pour nous, il vaut donc mieux mettre des capteurs sur nos employés pour la capture de mouvements. Il y a bien sûr une différence entre la musculature des vrais athlètes et celle des amateurs, et donc une différence visible dans des choses comme la vitesse d’un coup de pied, mais nous voulons capturer les mouvements que nous souhaitons encore et encore, et aussi précisément que possible.
Au final, c’est cette façon de s’impliquer jusqu’au bout qui influe sur la qualité du jeu.
Oui. C’est vraiment une question de compromis. Nous pourrions modifier les captures une fois qu’elles sont faites, mais c’est mieux de recommencer, tout simplement.
Je suis sûr qu’il y a de très bons joueurs de football au sein de votre équipe, mais franchement, je suis surpris. J’imagine que capturer les mouvements des employés encore et encore pourra sembler étrange pour certains. (rires)
Comme un gardien de but doit plonger plusieurs fois, ce pourrait être dangereux pour un pro de le faire. Il pourrait se blesser et ce serait très épuisant au niveau physique. Mais nos employés, eux, peuvent se relayer pour faire autant de prises que nous le voulons.
Oui. Une personne ne peut pas faire ça trop de fois à la suite (rires). Il faut dépenser un maximum d’énergie pour ça.
Oui. Ainsi, les membres de l’équipe qui participent à la capture de mouvements sont très impliqués dans le jeu : leurs mouvements, et pas seulement leur travail de production, sont intégrés dans les jeux de football que nous faisons.
C’est très motivant, n’est-ce pas ? Même si c’est un travail où on passe beaucoup de temps assis derrière un bureau, je pense que les sites de développement de jeux vidéo sont des lieux plutôt sportifs. C’est pareil avec les équipes des jeux « Mario »6 et « Zelda »7 : quand les joueurs font une erreur, nos équipes veulent les pousser à recommencer, encore et encore. Et pour moi, cette façon de penser est très sportive. Mais si l’équipe de « PES » bouge son corps pour de vrai, là c’est encore plus vrai ! (rires) 6« Mario » : la série « Super Mario Bros. ». Le premier jeu est sorti sur NES en septembre 1985 au Japon. 7« Zelda » : la série « The Legend of Zelda ». Le premier jeu est sorti sur Family Computer Disk System en février 1986 au Japon.
Si nous ne le faisions pas, une fois que nous intégrerions les images dans le jeu, si les mouvements n’étaient pas tels que nous le souhaitons, nous ne pourrions pas dire : « Refaisons une prise dès demain matin ». Nous perdrions du temps.
Vous capturez donc les mouvements que vous voulez récréer avec l’I.A., vous les intégrez dans le jeu et si ça ne correspond pas au reste, vous refaites des prises... Vous avez répété ce processus pendant un an et obtenu un résultat incroyable. C’est sûrement pour ça que « PES » a autant évolué en si peu de temps. Est-ce que tout le monde chez vous devient un expert du football ?
Oui. Quand j’ai commencé, certains ne savaient pas grand-chose sur le football, mais maintenant, c’est devenu leur hobby, même quand ils rentrent chez eux. Ils regardent des matches pour le plaisir. Si nous n’avions pas de tels collaborateurs, nous ne pourrions pas satisfaire les fans.
Les gens qui conçoivent l’I.A. doivent beaucoup réfléchir à ce que pensent les joueurs et aux décisions qu’ils prennent à tel ou tel moment. Comme vous vous efforcez de maîtriser la création de jeux de football, est-ce que vous trouvez que votre façon de regarder des matches à changé ?
Oui, et pas qu’un peu.
Je parie que les matches sont encore plus intéressants pour vous.
Quand je regarde un match, je prédis ce que sera la prochaine action et quand j’ai tort, je me rends compte qu’il y a encore beaucoup de potentiel. Je me dis : « Ce joueur fait des choses que je n’ai jamais vues avant... »
Le football change au fil du temps, n’est-ce pas ? Il y a de nouveaux joueurs, ils apprennent à faire de nouvelles choses, de nouvelles tactiques sont créées et ça change le football en soi. Vous devez remarquer ces choses rapidement, non ?
Je crois. Pour ce qui est des tactiques, par exemple, la zone press8 est une tactique qui a été conçue à l’origine pour contrer un joueur en particulier, mais finalement, les entraîneurs ont compris que c’était une tactique efficace contre tous les joueurs. 8Zone press : tactique défensive au football.
Cette tactique a une histoire, alors ?
Oui. C’est comme ça que le football évolue. Et aujourd’hui, c’est devenu une tactique très employée.
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