3. Comme une série télévisée

Iwata :

Pourriez-vous me parler du scénario ?

Kawata :

Cette fois, le scénario est extrêmement volumineux et regorge d’idées.

Nakanishi :

Nous avons décidé au tout début d’opter pour un format de feuilleton. Il existe une méthode appelée récit à suspense12. Cela implique de terminer une scène de manière à ce que le spectateur se demande ce qu’il se passera dans la suivante. Les scènes courtes s’enchaînent tout en déroulant rapidement des intrigues différentes pour chaque personnage. Nous voulions essayer cela. 12 Récit à suspense : technique dramatique consistant à terminer une scène en plein milieu d’une situation désespérée afin de maintenir l’intérêt du public.

Iwata :

De cette manière, on entre dans le monde du scénario.

Nakanishi :

Oui. Nous avons créé 12 scénarios qui devaient se terminer d’une certaine façon dans une situation précise et avons demandé aux scénaristes de les relier entre eux. Mais certains découpages ne collaient pas, malgré nos efforts. Durant le développement, l’écriture du scénario et le développement du jeu ont eu lieu quasiment en parallèle, par conséquent, la possibilité d’apporter des changements tout en créant le jeu a eu une grande influence sur le résultat final de chaque niveau. Hori-san prenait des décisions en un clin d’œil lorsqu’il s’agissait de régler les problèmes.

Kawata :

Nous connaissions les points forts des uns et des autres et avons bien réussi à partager le travail, tâche pour laquelle je m’adressais à Hori-san, puis à assembler le tout, ce pour quoi je me tournais vers Nakanishi-san.

Nakanishi :

Il arrive que cela nous échappe un peu, mais je crois que nous avons réussi à maintenir un équilibre subtil qui permet aux joueurs de se dire : “Peut-être que ça pourrait vraiment se produire !”

Iwata :

Mais les histoires de Resident Evil n’ont-elles pas tendance à se terminer sur quelque chose de totalement incroyable ? (rires)

Tous :

(rires)

Iwata :

Vous jouez subtilement sur quelque chose de plausible, ce qui fait qu’au fur et à mesure que l’on joue, on entre dans l’univers.

Iwata Asks
Nakanishi :

C’est exact ! (rires) C’est un art traditionnel, si l’on peut dire, qui est né aux tout premiers jours de la série. Et nous l’avons perpétué cette fois encore.

Hori :

Dans la dernière moitié, c’est plus : “Du moment que c’est amusant, tout se passera bien !” (rires)

Tous :

(rires)

Takenaka :

Capcom fonctionne toujours comme ça. Nous rendons les principaux événements intéressants, puis nous remplissons les trous avec une logique forcée.

Iwata :

Oh… Et vous le dites franchement, comme ça ? (rires)

Takenaka :

Oui. (rires)

Kawata :

Cette fois, l’audio a contribué de façon considérable à traduire l’horreur. Nous allons enfin pouvoir écouter Suzuki-san.

Suzuki :

Merci ! (rires) Quand j’ai vu la bande-annonce à l’E3, j’ai trouvé ça incroyable, j’ai donc proposé ma candidature et j’ai rejoint l’équipe. J’ai fait sciemment l’effort de créer des effets sonores et une musique très riches, à la hauteur des graphismes. Le concept était de revenir au style d’horreur à l’ancienne : pour rester fidèles à cela, nous avons donc utilisé la musique afin de faire naître un sentiment de mystère, et parfois laissé la musique de côté et utilisé seulement des effets sonores.

Iwata Asks
Kawata :

Nous avons décidé assez tôt la direction à suivre pour la musique, n’est-ce pas ?

Suzuki :

Oui. Quand j’ai entendu Nakanishi-san dire que cela serait comme une série télévisée étrangère, j’ai créé un thème accrocheur. Et j’ai intégré un thème musical récurrent dans la première scène de flashback, des clips de transition courts et ainsi de suite.

Kawata :

Le morceau appelé reste vraiment en tête, nous l’avons donc intégré dans toutes les bandes-annonces.

Iwata :

Ah. Comme on le ferait pour un film.

Suzuki :

Oui. Et c’est peut-être juste une idée préconçue de ma part, mais le jeu se déroule en mer, et dès lors qu’il est question de mer et de suspense, je pense au piano.

Tous :

(rires)

Nakanishi :

Où est le lien ?! (rires)

Suzuki :

Quand j’ai vu la démo pour la première fois, une musique au piano m’est venue en tête, j’ignore pourquoi ! (rires) Nous avons enregistré un piano et des instruments d’orchestre et essayé d’enrichir l’audio.

Kawata :

Après avoir terminé la première séance d’enregistrement, je me suis dit : “Ça devrait suffire”, mais il s’est approché de moi, les yeux tout rouges, et m’a déclaré : “Kawata-san, ça n’est pas suffisant, laissez-moi en enregistrer plus !” (rires) Voilà l’enthousiasme qu’il met dans la création de l’audio.

Iwata Asks
Suzuki :

Pour le deuxième enregistrement, outre un orchestre, nous avons enregistré entre autres une chorale et des violons solos, poussant les choses au maximum. Les effets sonores et les voix sont aussi très riches.

Kawata :

Pour la première fois dans la série, nous avons enregistré des voix en japonais. Je crois que cela a encore renforcé ce sentiment de série télévisée étrangère. Note de l’éditeur : lorsque des séries télévisées étrangères sont diffusées au Japon, elles le sont souvent avec un doublage des voix en japonais, dans lequel les acteurs utilisent fréquemment des mots et expressions peu usités dans les conversations courantes de la culture japonaise. Cette spécificité est perçue par les fans et leur donne ainsi l’impression qu’ils regardent une série étrangère. Ici, Kawata-san dit que les joueurs auront l’impression de regarder une série télévisée étrangère car le jeu utilise le même style de doublage.

Nakanishi :

Oui, cela aussi avait pour but de donner au jeu cette impression de série étrangère. S’il n’y avait eu que des voix en anglais, ceux qui ne comprennent pas cette langue n’auraient pas pu désactiver les sous-titres. C’est pour cela que nous avons intégré des voix dans tout le jeu.

Takenaka :

Et cela ne concerne pas que le japonais, nous avons aussi mis les FIGS13. 13 FIGS : acronyme pour Français, Italien, Allemand (German) et Espagnol (Spanish). Resident Evil Revelations contient aussi les doublages pour ces langues, en plus de l’anglais et du japonais.

Nakanishi :

Comparé à d’autres genres, le son est particulièrement important dans les jeux d’horreur. Nous ne pouvons pas mettre les joueurs dans l’ambiance sans prêter autant d’attention à l’audio qu’aux graphismes et à la jouabilité. En fait, si on coupe le son, cela devient beaucoup moins effrayant. Plusieurs personnes de la société ont testé le jeu sans jamais mettre l’audio et ont ensuite rédigé des commentaires disant que ça ne faisait pas peur du tout. Après cela, nous avons bien précisé que des écouteurs devaient être fournis pour les démonstrations lors des salons !

Iwata Asks
Suzuki :

C’est parfait pour le mode surround de la console Nintendo 3DS. Les effets sonores sont assez élaborés : en portant des écouteurs, on a l’impression d’être vraiment entouré par cet espace. Et surtout, je conseille de jouer dans un lieu sombre, avec le curseur 3D poussé au maximum et les écouteurs allumés. (rires)

Kawata :

Le son traduit exactement l’endroit où vous marchez.

Suzuki :

Oui. Depuis très longtemps, dans la série Resident Evil, nous prêtons une grande attention aux bruits de pas. Nous en avons donc discuté dans le détail avec l’équipe chargée du défilement et avons choisi des bruits de pas correspondant au type de matériau au sol.

Iwata :

Vous y avez réfléchi et avez entrepris vous-même une action. Voilà une bonne équipe.

Hori :

Nous faisions un bon travail d’équipe. Nous gardions toujours un contact visuel en travaillant.

Kawata :

Tout le monde travaillait pour soi afin de donner le meilleur dans un court laps de temps, et je crois que cette fois, cela a donné des résultats.