À vos débuts en tant que réalisateur, Nomura-san, comment avez-vous choisi votre propre style ?
Les premiers réalisateurs avec qui j’avais travaillé étaient Sakaguchi-san et Kitase-san10. Je pense qu’ils ont eu une grande influence sur moi. Lorsqu’il s’agit de planification des combats, je pense avoir été influencé par (Hiroyuki) Ito-san11, le réalisateur de FFIX12. Une autre de mes grandes sources d’inspiration a été d’un homme qui travaille désormais chez Monolith13, (Tetsuya) Takahashi-san14. Il était responsable des graphismes chez Square et m’avait suivi au tout début de ma carrière. Je pourrais dire que ces quatre personnes ont été pour ainsi dire mes « modèles ». 10Yoshinori Kitase est un producteur du premier service de production de Square Enix. Il a travaillé sur de nombreux projets de l’ère Square, dont Final Fantasy VII.11Hiroyuki Ito est un créateur de jeux qui travaille pour Square Enix. Il a travaillé sur de nombreux jeux et a réalisé Final Fantasy IX et Final Fantasy XII.12FFIX renvoie à Final Fantasy IX, le neuvième opus de la série, commercialisé au Japon en juillet 2000. 13Monolith renvoie à Monolith Soft, inc., un studio de développement dont le siège social se trouve à Meguro, Tokyo.14Tetsuya Takahashi est un créateur de jeu qui a travaillé pour Square. Il a démissionné en 1999 et créé Monolith.
Vous avez donc absorbé tout ce que vous pouviez auprès de ces quatre « modèles » avant de devenir un réalisateur vous-même ?
Je pense que la seule chose que j’ai vraiment absorbée était la manière d’envisager les projets créatifs. Lorsque je suis devenu réalisateur, je me suis dit : « Je ne pourrai jamais faire comme eux. » J’avais vraiment adoré travailler avec eux, et j’espérais être en mesure d’arriver plus ou moins à créer un environnement dans lequel tout le monde aimerait travailler.
Personnellement, je pense qu’il s’agit du rôle principal d’un chef de dire à son équipe quel est l’objectif à atteindre, et de veiller à ce qu’ils pensent que le résultat sera bon s’ils atteignent cet objectif. Quand je vous entends parler, Nomura-san, j’ai l’impression que vous êtes un chef qui parvient à faire comprendre à son équipe ce qu’elle doit faire et qui lui donne envie d’avoir foi en cet objectif.
J’espère... Je suis également un concepteur, je commence avec une image en tête. C’est peut-être plus simple à faire passer que quelque chose d’écrit.
Mais quelqu’un de « visuel » comme vous ne voit pas simplement une série d’images fixes. Vous devez également réfléchir à la manière dont les combats fonctionnent, n’est-ce pas ?
Oui, c’est vrai.
Comment faites-vous passer cela à votre équipe ?
Eh bien... Au départ, je parle de mes idées et je dessine quelques images afin de leur expliquer. Je suppose que c’est un peu comme si vous décriviez un film que vous venez de voir à quelqu’un. C’est l’impression que j’ai.
Je vois. Ainsi, parce que vous avez cette vision globale du jeu en tête, vous pouvez dire : « Ce passage est différent, » ou « Ce passage est bien, » et, petit à petit, faire de votre vision une réalité. Vous avez une image à partir de laquelle travailler dès le début et sur laquelle vous partez pour travailler.
Je crois que c’est pour cette raison que l’équipe dit que les vidéos de promotion leur sont très utiles.
Donc, vos vidéos de promotion ne sont pas seulement destinées aux clients. Vous les utilisez également pour réaliser des présentations pour votre équipe ? D’une certaine façon, c’est un peu comme des fiches techniques animées.
Oui, c’est ce que je me dis. Elles saisissent l’idée du type d’action que nous souhaitons créer lorsqu’elles regardent ces vidéos.
Ah oui, je comprends. Autre chose qui a surpris les joueurs à propos de Kingdom Hearts, c’était la collaboration avec Hikaru Utada. Je dois admettre que j’avais également été soufflé. Comment cela s’est-il passé ?
Je suis un fan d’Utada-san, et je me suis dit que puisque nous utilisions les personnages de Disney qui sont célèbres dans le monde entier, il nous fallait une chanson de la plus grande artiste qui soit. Pour moi, cela ne pouvait être qu’Utada-san. On m’a beaucoup dit que ce serait impossible de l’avoir, mais nous lui avons tout de même proposé, avec en arrière-pensée l’idée du « Qui ne tente rien n’a rien. » Étonnamment, l’idée a semblé lui plaire, et l’affaire était réglée.
Elle a sûrement été impressionnée par votre naturel plutôt direct. Je connais peu de personnes qui iraient dans les bureaux de Disney pour leur dire : « Je ne veux pas faire un jeu dans lequel vos personnages sont les héros. Je veux créer mes propres personnages ! » (rires)
(rires)
Il y a peu de monde qui irait voir Utada-san pour lui dire : « Composez une chanson pour notre jeu, s’il vous plaît. » La plupart des personnes diraient que c’est impossible et n’essaieraient même pas.
Je suppose... Je ne suis pas du genre à penser que quelque chose est impossible avant d’avoir essayé. Je me dis généralement qu’il faut toujours tenter.
C’est toujours préférable d’essayer à plusieurs reprises plutôt que de se dire que quelque chose est impossible et d’abandonner. Cela fait longtemps que le premier opus de Kingdom Hearts est sorti, et je suis sûr que vous devez toujours surmonter d’innombrables obstacles à mesure que la série avance. Je sais qu’une série de cette ampleur a de nombreuses intrigues annexes, mais combien d’entre elles aviez-vous vraiment en tête au début, Nomura-san ?
Au début, je n’avais qu’un plan général assez vague. J’avais réfléchi au KH II15. Oui, à l’annonce du n°1, j’avais pensé à KH II, et lorsque les trois titres ont été annoncés en même temps16, je me disais que tout était en place et que ça tenait la route. Lorsque ce jeu, Kingdom Hearts 3D17, a été annoncé, ce n’était pour moi qu’une étape de plus dans ce plan directeur. 15KH II renvoie à , un jeu de rôle et d’action commercialisé au Japon en décembre 2005. Bien que son titre comporte le chiffre 2 (II), il s’agit du troisième jeu de la série .16 a été commercialisé au Japon en juin 2009, sur console Nintendo DS en mai 2009, et en janvier 2010.17renvoie à , un nouveau jeu sur console Nintendo 3DS, commercialisé au Japon le 29 mars 2012, et bientôt disponible en Europe.
Peu à peu, vous avez réussi à imaginer une intrigue dans laquelle tout se tient. Cela a-t-il été un processus douloureux ?
Oui, mais...
Je ne décèle aucune douleur dans vos paroles, Nomura-san ! (rires)
Ah bon ?! (rires) Voyons voir... Vous butez toujours sur des limites lorsque vous créez quelque chose. Vous ne pouvez jamais faire ce que vous voulez.
C’est vrai. Il faut qu’il y ait des limites et des conditions. Si vous aviez été vraiment libre de faire ce que vous voulez, le travail de développement n’aurait jamais été terminé.
Vous avez raison. En fait, une partie du plaisir lié à la réalisation des jeux vidéo est de les rendre aussi amusants que possible dans les limites qui nous sont données. Je me surprends même parfois à penser que le processus de création est plus agréable si vous avez un nombre plus important de limites.
Oui, je comprends totalement ce que vous voulez dire. Parfois, se dire qu’on aime les limites revient à en poser plus encore, et, bien que cela pose d’autres problèmes, vous décidez de ne pas les voir comme tels. Après tout, vous voulez que les joueurs apprécient de jouer à votre jeu, sans éprouver les difficultés que vous avez rencontrées au cours du processus de création.
Oui, c’est ça.
Vous voyez. Les limites font partie intégrante du processus de création. Avez-vous consciemment choisi de faire avec ?
Oui. C’est bien pour ça que j’aime trouver des manières de jouer avec ces limites. (Tadashi) Nomura-san18, responsable des publicités pour Kingdom Hearts, auprès de qui j’ai beaucoup appris, disait toujours : « Les joueurs ne veulent pas voir les difficultés que vous avez rencontrées. » 18Tadashi Nomura a été producteur publicitaire de nombreux titres Square Enix. Il est désormais directeur général chez Monolith Soft Inc.
C’est ce que nous disions à l’instant !
Il disait toujours : « Ne parle pas des difficultés. » Je pense qu’il m’a beaucoup influencé.
Vous étiez d’accord avec lui ?
Je crois. Je trouve qu’il est plus intéressant d’entendre parler de choses amusantes que de problèmes. Je garde toujours à l’esprit ce genre de choses, ce que mes modèles m’ont dit.
Cela faisait partie de la culture de la créativité qui avait cours chez Square ?
Je crois, oui. Lorsque (Koichi) Ishii-san19 a quitté la société, il m’a dit : « Tu dois continuer à faire vivre la culture de la créativité de Square. » J’essaie de suivre cette voie, et j’estime ce genre de façon de penser. 19Koichi Ishii a participé à la création de Final Fantasy I-III, IX, et d'autres jeux. Il est désormais directeur de clientèle au sein de Grezzo.
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