Vous vous intéressiez beaucoup à l'aspect technologique des choses, mais vous n'êtes pas entré dans l'entreprise en tant que programmeur ?
Pas du tout. Je suis entré dans l'entreprise en tant qu'ingénieur son. Pour tout vous dire, j'ai étudié l'architecture à la faculté. A cette époque, la fac était le seul endroit où l'on pouvait ne serait-ce que s'approcher des super-ordinateurs ou d'autres ordinateurs dotés de processeurs à grande vitesse. Je programmais sur ce genre d'ordinateurs et je me disais : « C'est toujours tellement marrant ! » (rires)
On est tous attirés par certains ordinateurs pour la simple raison qu'ils sont très performants.
Oui ! Les ordinateurs énormes pouvant traiter des données de façon très rapide, et ceux qui sont plus petits et essaient toujours de traiter les informations du mieux qu'ils peuvent m'intéressent vraiment. Cela m'intéressait de voir comment les données pouvaient être traitées de la façon la plus fluide possible.
C'était un peu votre rêve. Etiez-vous très sérieux et calme lorsque vous étiez étudiant ?
Eh bien… (rires) J'ai passé la moitié de mon temps à étudier, comme tout bon étudiant. Mais en réalité, je voulais surtout être populaire auprès des filles. (rires) Et j'en suis venu à la conclusion que la musique était le moyen le plus rapide pour y arriver. J'ai commencé à m'intéresser à la musique au lycée afin de devenir populaire auprès des filles, puis mon intérêt s'est poursuivi et j'ai continué la musique à la fac. Pour en revenir aux choses sérieuses, saviez-vous que lorsque l'on décompose la musique, ses propriétés mathématiques sont très intéressantes ?
Vous avez raison, certains éléments de la musique ont des points en commun avec les maths.
Plus j'analyse les accords, plus ils me semblent logiques. Lorsque je faisais partie d'un groupe de musique amateur, j'ai codé une série de données afin de compléter mes sessions pour que cela joue de façon automatique un arpège10 que j'utilisais souvent dans mes compositions. Enfin, alors que j'essayais de me décider entre continuer l'architecture à la fac et poursuivre ma passion pour les jeux, ou aller plus loin dans la musique afin de continuer à essayer d'être populaire auprès des filles (rires), j'ai vu que Capcom recherchait un compositeur. J'étais vraiment très enthousiaste et je me suis dit : « Ouah, Capcom ! L'entreprise qui a développé Exed Exes ! » 1110 Arpège : aussi connu sous le nom d'accord brisé, les notes le constituant sont jouées à la suite au lieu d'être jouées simultanément.11 Exed Exes : jeu d'arcade développé par Capcom Co., Ltd. et sorti en 1985. (Sorti sous le nom de Savage Bees aux Etats-Unis.)
Vous pensiez que c'était une entreprise dotée d'un très haut niveau de développement technologique.
Oui. A cette époque, je savais que le fait de déplacer de grands personnages était très difficile à réaliser. C'est ce qui a vraiment attisé ma curiosité sur tous les aspects techniques des jeux. Non seulement ça, mais en plus ils recherchaient un compositeur. Donc, j'ai enregistré une cassette contenant mes travaux personnels et je la leur ai envoyée. Ils ont décidé de m'accorder un entretien et m'ont offert le poste pour commencer dès le lendemain. C'est ainsi que je me suis décidé à faire de la musique dans cette entreprise. Au final, je pouvais tout à la fois faire de la programmation et de la musique. J'étais content que ça se soit passé de cette façon.
Vos connaissances en programmation vous ont réellement aidé. Quand on y repense, vous devez vous demander comment vous en êtes arrivés là où vous êtes aujourd'hui.
Oui. J'ai commencé par créer du contenu en tant que fan, mais je pense aussi que ma première expérience avec Space Invaders a vraiment ancré en moi la sensation de divertissement à travers la compétition.
A cette époque, Internet ou Google n'existaient pas. Il existait très peu de matériaux de référence, nous devions donc penser à tout par nous-mêmes. Ce n'était pas très efficace, mais nous tâtonnions et au fur et à mesure, nous apprenions à utiliser le matériel informatique. C'était très stimulant et, par-dessus tout, c'était amusant.
Vous avez tout à fait raison sur ce point. De nos jours, de nombreuses personnes préfèrent lire des ouvrages de référence sur certains sujets. Mais je crois qu'il ne s'agit là que d'un moyen, cela ne devrait pas constituer un objectif dans l'absolu. Il existe toujours plus d’une façon de faire quelque chose. L'essentiel est d'essayer, de se tromper et de tirer des leçons de ses erreurs. C'est pourquoi je répète toujours aux membres de mon équipe de « réfléchir ». Si l'on ne réfléchit pas pour créer des jeux, on n'arrivera jamais à surprendre les joueurs.
L'essentiel est de créer une chose à laquelle personne n'a pensé auparavant. Si l'objectif consiste à surprendre le consommateur, en utilisant les mêmes méthodes, le consommateur va finir par voir que tout est pareil, et le seul moyen de continuer à le surprendre consistera toujours à ajouter des heures de jeu ou à rendre le jeu encore plus séduisant. Seulement, en choisissant cette stratégie, on finirait par détruire l'entreprise. C'est pourquoi il faut toujours se focaliser sur d'autres méthodes et faire les choses de façon « exponentielle » au lieu de simplement cumuler les différents facteurs.
C'est vrai. Je crois que le terme « exponentiel » est un excellent mot-clé. Lorsqu'un jeu ne se démarque des autres que par les chiffres de certaines de ses spécifications techniques, certains consommateurs pourront être contents de trouver un chiffre si élevé dans le descriptif du jeu, mais est-ce que cela leur fera vraiment apprécier le jeu, c'est une toute autre question.
Certaines personnes peuvent être vraiment satisfaites d'un jeu lorsque celui-ci leur propose une foule de contenus. Toutefois, certaines personnes pensent tout le contraire. Si vous arrivez à jouer à un jeu pendant trois minutes et à dire en toute honnêteté : « c'est incroyable », je pense que tout le monde aura la même impression. C'est en fait de cela que les consommateurs parlent entre eux.
Lorsque l'on aborde ce sujet, je sors toujours la feuille qui recense chacune des propositions de l'équipe et je leur demande : « qu'est-ce qui ressort le plus ? », et j'essaie ainsi d'évaluer chacune des idées. Ensuite, je leur demande : « Quelles images de contenus vous viennent à l'esprit en dehors de cette feuille ? » ou bien : « Que pouvez-vous faire de plus ? » Ceux qui arrivent à fournir de nouvelles idées en dehors de la feuille sont ceux qui sont les plus vifs d'esprit. C'est ce genre de personnes qui sont capables de trouver des nouveautés par elles-mêmes.
Cela veut dire que, lorsque vous assignez une tâche à différentes personnes, certaines seront capables de la développer de façon autonome, tandis que d'autres vous demanderont toujours votre avis pour chacune des étapes.
Oui. En toute objectivité, c'est là une chose à laquelle les créateurs de contenu doivent prêter attention.
Mais chacun a des goûts différents quand il s'agit des différents types de travaux qui l’intéressent. Par exemple le désassemblage, c'est de toute évidence un travail très ingrat, mais on peut aussi beaucoup s’amuser en le faisant.
Vous avez tout à fait raison. Mais c'était vraiment amusant à cette époque. Une fois, j'avais glissé une feuille d'assembleur dans mon cartable et je l'avais ouverte à la pause déjeuner. Du coup, j'essayais ce que j'avais réussi à faire à la maison, et je faisais la même chose dans le magasin d'informatique. Mais là encore, je crois que j'étais le seul enfant à faire ce genre de choses. (rires) Je trouve ça en quelque sorte dommage que les membres de mon équipe n'aient tout simplement pas l'occasion de faire cela aujourd'hui.
Notre environnement actuel est bien meilleur, et permet à tout le monde de tester les choses de façon immédiate. A cette époque, il fallait tout préparer sur papier ou avoir les choses en tête pendant un sacré bout de temps avant de pouvoir rentrer les données dans la machine. D'un autre côté, vu que le terrain d'apprentissage de l'époque n'était pas idéal, nous devions essayer à la main et éventuellement nous tromper. Cela peut sembler inefficace, mais je pense que cela nous a appris des choses inestimables.
En tant que fournisseur de produits créatifs, il existe différents chemins pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Il existe de nombreuses façons de s'attaquer à ce problème, mais les différentes approches nous permettent également d'atteindre chacun des consommateurs.
Il existe un nombre infini de chemins menant à l'objectif. Et avec ces chemins infinis, on obtient les meilleurs résultats quand on trouve le meilleur moyen d'y arriver tout en étant conscient de ses forces et ses faiblesses. C'est pourquoi notre expérience de tâtonnements théoriques nous a permis de trouver de multiples façons de résoudre les problèmes. C'est comme ça que je vois les choses.
Je suis d'accord.
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